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Communier à Avignon

Le célèbre festival d’Avignon attire chaque année un grand nombre de participants, amateurs de théâtre. Hubert Auque nous fait partager l’expérience qu’il y a vécue cette année : une communion !

  Une ville ensoleillée, presque toujours ; giflée par le mistral, souvent ; un fleuve, une rivière qui la borde, la limite, de nombreux hôtels particuliers, ex-livrées cardinalices, et, bien sûr, dominateur, un palais forteresse, celui construit et habité durant 69 ans par des papes .

  Avignon, juillet 2011 vit sa 65e saison de théâtre ; quotidiennement, entre 4 et 15 pièces au festival in, 1150 au festival off ; jamais autant de spectateurs que cette année, jamais autant de festivaliers dans les rues, les places, les avenues. L’ambiance est gaie, tolérante ; chacun offre à l’autre ses bons côtés. Dans les multiples restaurants, les cafés, les bancs publics les commentaires, les suggestions de pièces à voir, permettent les échanges et des relations à long terme trouvent là leur lieu de naissance.

  « Castellucci arrête le Christ à Avignon » titre Le Monde mais le peuple, lui, est en marche et reviendra communier l’an prochain.

  Lundi 18 juillet, à 4 heures du matin les derniers noctambules sont rentrés ; la ville sommeille ; aucun signe annonciateur de son réveil prochain. Depuis la gare centrale, les allées Jean-Jaurès suivies de l’avenue de la République et de la place de l’Horloge mènent à l’esplanade devant le palais des papes. De la première rue adjacente vient un homme, de la suivante deux femmes ; on en voit deux autres sur l’autre trottoir et peu à peu la densité croît ; d’individuelle, l’avancée devient collective. Ils sont 2000 à 4 h 30 devant les portes du palais, 2000 avec leurs couvertures, leurs doudounes, à monter lentement côte à côte vers leurs places dans la cour d’honneur. Tout est sombre, silencieux. C’est l’attente. Les lumières qui éclairent l’espace spectateurs s’éteignent. L’obscurité est complète. Ensemble, chacun porteur de son désir, de son espérance. Des corps se meuvent sur scène ; on le sait, on le sent, on ne peut les voir, à peine les distinguer. Une voix, puis une autre, des chants du XIVe siècle déchirent cette paix provisoire alors que lentement l’aube nous mène vers la clarté et que, parfaitement étudié dans le temps, « Le ray au soleyl » est chanté alors que se dore sous cette première caresse la façade est du palais. Encore une demi-heure où les chants et la danse s’allient pour nous accompagner dans ce jour naissant. Demi-heure, non, car l’horloge est congédiée laissant le temps présent flirter avec l’éternité… Pas de commentaire quand le flot humain quitte la cour d’honneur pour l’esplanade et retourne à sa source, différent… Çà et là les cafés qui ouvrent vont accueillir les matinaux qui ne le sont plus ; les corps vont se séparer, retrouver leur autonomie mais resteront marqués par cette aurore communautaire (Cesena d’Anne Teresa De Keersmaeker pour la chorégraphie et de Björn Schmelzer pour les chants. Cesena est le nom de la petite ville où en 1377 Grégoire XI, dernier pape incontesté en Avignon, perpétra un massacre et la destruction de la cité avant de mourir à Rome un an plus tard).

  D’autres moments intenses, aussi exceptionnels peut-être, seront, quand prendra fin chaque séjour, portés à travers la France, l’Europe, le Monde par ce vaste public qui, en quittant Avignon, avançant sur la rampe de montée de la gare TGV pourra, comme Laurent Gagnebin jadis (Évangile et liberté, décembre 2008), trouver là un espace de recueillement où le sacré et le profane ne se séparent pas. Le festival les a préparés à savoir regarder.

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À propos Hubert Auque

Hubert.Auque@evangile-et-liberte.net'

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