La fête des Rois est, au Brésil, l’occasion de « folies », fêtes traditionnelles, intermédiaires entre le profane et le sacré, auxquelles Madeleine et Bernard Félix ont eu l’occasion d’assister.
Devant l’étendue de la souffrance humaine, nous nous sentons coupables ce qui nous amène à réfléchir sur notre attitude en tant que chrétien. Martin Scorsese traite magistralement ce thème dans son film incontournable « Bringing out the death » traduit en Français par « À tombeau ouvert ». Sorti en 2000, j’ai choisi d’en parler car il est toujours d’actualité.
New York, une ambulance surgit d’une avenue, sirène hurlante et gyrophares en action. Des flashs intermittents éclairent en gros plan le visage au regard halluciné du conducteur crispé et épuisé. Une voie off nous apprend qu’il s’agit de Frank, un ambulancier très apprécié mais qui, depuis plusieurs mois, culpabilise de ne plus arriver à sauver des vies. Il en vient à penser que « les esprits quittent les corps, refusent de les réintégrer… pour aller dans des endroits bizarres où la mort les a laissés ».
Avec ses équipiers, Frank intervient à Hell’s Kitchen, l’un des quartiers les plus malfamés de Manhattan où règnent la violence et la drogue, et où les habitants constamment menacés sont eux aussi menaçants. Il gère en urgence des situations difficiles : blessés par balles, coups de couteaux, drogués en overdose, déséquilibrés… Surmené en permanence, il doit sauver ces vies.
Frank pensait être habité par Dieu lorsqu’il sauvait des vies, et après, dit-il, « pendant des jours on marche dans les nuées et tout ce qu’on voit est transfiguré ». Mais, depuis quelques temps, il n’essuie que des échecs et pense que Dieu l’a abandonné. Pour lui, les conséquences se révèlent terribles. Il est hanté par le souvenir de la jeune Rose, morte dans ses bras ; sans cesse il la voit s’incarner dans les personnes qu’il rencontre et qui lui demandent : « Pourquoi tu m’as tuée ? » Il rend visite au père de Mary hospitalisé dans le coma suite à une intervention trop tardive de sa part. Frank est saisi par le regard fixe de cet homme et il l’entend lui demander de débrancher le système artificiel qui le maintient en vie.
Impuissant face à la violence et à la misère auxquelles il est confronté, accablé par la culpabilité, Franck n’arrive plus à surmonter sa fatigue physique et psychique. Il devient incapable de se raccrocher au monde des vivants, les morts sortent des tombes et lui rendent visite en lui reprochant de n’être pas arrivé à temps. Frank irradie la douleur, une certaine folie hystérique donne à ses traits une étrangeté et un déséquilibre qui imprègnent tout le film. Ses coéquipiers ne l’aident en rien : l’un travaille pour obtenir de l’avancement, l’autre est un fanatique chrétien illuminé, l’exutoire du troisième est la violence. Au plus profond de son désarroi, lorsqu’il ne peut pas empêcher Mary de tomber sous l’emprise de la drogue et des dealers, il capitule et prend un produit hallucinogène.
Dieu a-t-il abandonné Franck ou le soumet-il à des épreuves pour sa rédemption ? En tout cas, l’ambulancier accomplit religieusement sa mission, la Passion. Ce n’est pas un hasard si le récit du réalisateur catholique Martin Scorsese et du scénariste protestant Paul Shrader, débute un vendredi soir et s’achève un dimanche matin. Les références bibliques sont nombreuses : Noël, un drogué prétend venir du désert, un dealer s’empale sur une grille, comme crucifié, mais il sera sauvé, Mary renvoie à Marie-Madeleine… Franck finit par comprendre qu’il n’est pas l’Élu de Dieu mais un homme comme les autres qui doit rester humble et témoigner de sa foi en agissant de son mieux ; la paix de l’âme est à ce prix. Frank s’endort sur la poitrine de Mary qui lui caresse les cheveux : une vision apaisante de la Piéta pour le dernier plan.
Ce film remarquablement mis en scène reflète les problèmes de notre société qui risquent de perdurer, l’analyse psychologique y rejoint la quête spirituelle.
Ne désespérons pas pour autant devant tant de souffrance, agissons dans la mesure de nos possibilités, faisons-le gratuitement et en toute modestie, la compassion divine ou le salut ne dépendent pas de nous.
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