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3. Un Dieu nécessaire

Dieu est trancendant. Comment parler de lui ? Peut-être faut-il se contenter de constater sa présence dans l’action de ceux qui font tout pour venir en aide à l’humanité souffrante.

  Dans le catéchisme qui a servi à mon « instruction religieuse » (André Espazé, Catéchisme doctrinal, 1953), je lis en page 73 : « Dieu nous ordonne de participer régulièrement au culte public : c’est une obligation. » C’est ainsi que les Églises ont toujours fait parler Dieu à leur place, pour parvenir à leur fin. Pour se donner de l’autorité, elles ont usurpé celle de Dieu.

  Comment se fait-il que tant de théologiens, chrétiens ou autres, aient tout expliqué sur Dieu : ce qu’il pensait, ce qu’il faisait, ce qu’il voulait, ce qu’il aimait, ce qu’il pouvait – et ne pouvait pas – faire ? Et qu’ils aient exprimé sur ces questions des opinions tellement divergentes, voire contradictoires, que nous ne savons plus quoi croire, et qui croire ? Cette trop grande liberté avec laquelle beaucoup de penseurs se sont mis à la place de Dieu et ont expliqué ce qu’il était et quel était son mode de fonctionnement, a contribué, à mon avis, à le dévaloriser, à rabaisser sa transcendance ; et finalement à alimenter l’athéisme. Car il est difficile de croire en un Dieu qui est tellement dépendant de la personne qui en parle. Croire en Dieu peut-être, mais en celui expliqué par qui ? Ou alors, Dieu serait seulement la projection de la pensée humaine ? Autant de dieux que de pensées humaines ?

  Pour les Pères grecs de l’Église, qui reprenaient d’une certaine façon la tradition hébraïque, nous pouvons seulement comprendre que Dieu est incompréhensible. Grégoire de Nysse (335-394) écrivait : « Pour parler de lui, nous ne pouvons que nous taire. » Et Jean Chrysostome (344-407) : « Celui qui sait quelque chose, il se trompe. »

  Nous n’avons pas de moyen direct pour entendre Dieu et le connaître. Il n’est pas au bout de notre portable. Et les hommes en sont réduits à des suppositions, à des inventions, à des intuitions qui, accumulées au long de l’histoire, ont formé la révélation. Car nous ne pouvons avoir de Dieu que l’idée que nous nous faisons de lui. Et il ne faut pas confondre cette idée et Dieu lui-même.

  Comme disait John Spong (cf. le précédent numéro d’É & l), chacun ne peut parler que de son expérience de Dieu. Quelle serait la mienne ? Je dois être succinct pour ne pas trop heurter Grégoire de Nysse. Il me semble que si personne ne croyait en Dieu, particulièrement en ce Dieu d’amour proclamé par Jésus, le monde serait encore bien plus épouvantable que ce qu’il est. Regardez toutes ces actions « humanitaires » soulageant les misères du monde avec un courage et une persévérance plus que remarquables. Enlevez de ces actions tous ceux qui croient en Dieu ou ont été élevés dans le respect de Dieu ; et vous verrez bon nombre de ces actions s’effondrer et le monde sombrer encore plus dans la misère et le chaos. Dieu est ce qui pousse les hommes à la solidarité, au secours des plus grandes détresses, à l’organisation des sociétés dans le respect de la justice et du droit des hommes. Comme disait Albert Schweitzer, Dieu ne se raconte pas, il se pratique. Pour lui, Dieu est ce besoin de sauver l’homme.

  Jésus a bien montré la nouvelle loi de Dieu : renverser notre mode de pensée. Au lieu de penser d’abord à soi-même et d’oublier les autres, penser d’abord aux autres et s’oublier soi-même. Finalement, nous retrouvons la pensée juive, qui considère que Dieu est tellement haut au-dessus des hommes qu’il n’y a qu’un moyen pour l’approcher : la loi. Effectivement nous connaissons mieux Dieu par ce qu’il demande que par ce qu’il est. Dieu est d’abord celui qui dit comment il faut se comporter. Nous voyons bien que Dieu est nécessaire. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Nous n’avons pas besoin de raisonnements compliqués pour comprendre son existence.

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À propos Henri Persoz

est un ingénieur à la retraite. À la fin de sa carrière il a refait des études complètes de théologie, ce qui lui permet de défendre, encore mieux qu’avant, une compréhension très libérale du christianisme.

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