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Le film « Les Misérables »

 Comme dans les grands spectacles épiques, il y a la guerre, la révolution, des amours contrariées, des enfants perdus et des moments haletants. Mais le roman de Hugo a également un importante dimension théologique qui touche au cœur du christianisme avec les questions du péché, du pardon, de la justice et offre une nouvelle interprétation surprenante de la question du salut.

Dans un des passages de l’œuvre contenant une réflexion philosophique, politique ou théologique, Hugo déclare que son caractère principal est « l’infini » au-dessus de nous, Dieu et aussi l’infini en nous, l’âme humaine. Dans cette perspective, Les Misérables présentent une version moderne du voyage de l’âme vers Dieu ; un voyage qui est aussi celui d’une ville, Paris, d’un pays, la France et finalement du monde moderne dans son ensemble.

 

L’intérêt théologique du roman surgit dès le début dans la scène entre l’ancien condamné Jean Valjean et l’excellent évêque de Digne. Valjean a subi une peine de 19 ans de travaux forcés pour avoir volé une miche de pain. Il est libéré depuis quatre jours mais est repoussé par tout le monde jusqu’à ce qu’il vienne frapper à la porte de l’évêque.

Cet évêque n’est pas un prélat ordinaire. Il est connu comme Monseigneur Bienvenu (évocation du verset « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur »). Il a vendu presque tous ses biens et en a donné l’argent aux pauvres. Il offre à Valjean un lit pour la nuit. Mais pour tout remerciement, comme les cyniques s’y attendaient, Valjean lui dérobe sa dernière possession, un chandelier. Arrêté par la police, Valjean est accusé de ce vol mais l’évêque déclare aux policiers qu’il avait lui-même donné le chandelier. Ce geste fait prendre conscience à Valjean de l’horreur de sa vie contrastant avec la lumière des cieux.

Valjean est désormais un homme nouveau. Ayant développé une technique nouvelle en matière de joaillerie, il dirige une entreprise à succès et vient en aide à de nombreux défavorisés. Parmi eux se trouve Fantine, une ouvrière qui vient d’être licenciée – à l’insu de Valjean – car elle est enceinte. Elle meurt en accouchant mais Valjean promet de s’occuper de son enfant, Cosette.

Poursuivi sans relâche par le policier Javert, incarnation de la rigueur légale, Valjean voit sa vie à nouveau ruinée. Il s’enfuit avec Cosette à Paris soulevé par la Révolution de 1830. Son amour pour Cosette tourne à la jalousie et lorsqu’elle est amoureuse d’un garçon, il fait tout pour l’en séparer.

Une scène sur une barricade le montre libérant Javert des mains des révolutionnaires qui se préparaient à l’exécuter et il sauve Marius, l’amoureux de Cosette qui est blessé. Hugo souligne l’attitude de Valjean qui, bien que présent sur la barricade aux côtés des révolutionnaires, ne tire lui-même pas un coup de feu. La mission qu’il accomplit est de sauver des vies et non pas de tuer.

Dans un épisode extraordinaire, il réussit à s’échapper en portant le corps inconscient de Marius à travers les égouts de Paris, s’enfonçant profondément dans l’obscurité jusqu’à s’embourber dans la vase. Lors de cette « descente aux enfers » qu’Hugo qualifie de sépulture et de renaissance, il devient pratiquement une figure du Christ. Javert se reconnaît finalement vaincu et se suicide à la manière de Judas.

 

L’articulation de la tourmente politique et du destin individuel montre que Les Misérables unissent dans une même réflexion théologique la rédemption collective et individuelle. Pour Hugo, la Révolution française de 1830 est un événement d’inspiration divine dans la mesure où ses idéaux de liberté, d’égalité et de fraternité recoupent l’espérance de l’évangile débarrassée des étroitesses ecclésiastiques et s’ouvrent aux hommes du monde entier.

Alors même que peu de théologiens britanniques aient partagé la foi de Hugo en la Révolution française, sa théologie se rapproche de nombreuses pensées libérales qui voient dans le progrès social l’accomplissement de l’espérance chrétienne. On peut être tenté de considérer cela comme une tentative de sécularisation humaniste du message évangélique. Et en ce qui concerne la vie individuelle, Les Misérables présentent davantage un idéal moral qu’une théologie traditionnelle du salut par le sang de la Croix.

Lorsque Valjean mourant dit à ses amis que « mourir n’est rien, ce qui est terrible est de ne pas avoir vécu » et désigne un crucifix avec ces mots : « voici le grand martyr », des critiques pourraient y voir la notion du Christ libéral, exemple moral suprême bien différent du sauveur divin.

Mais ce serait une compréhension trop superficielle de Hugo. Dans un passage sur les couvents catholiques, il précise que la démocratie ne doit pas seulement promouvoir les droits de l’homme mais aussi les droits de l’âme. Si la pensée moderne rejette les miracles, elle doit affirmer le mystère et si elle récuse les absurdités de la religion, elle se doit de vénérer l’inaccessible. Ceux qui ont une vie de prière peuvent s’égarer sur de nombreux points mais la prière doit être respectée. Et « entre un monde fermé et un ciel qui n’est pas encore ouvert », l’âme peut déjà être saisie par la vision de l’éternité.

 

Certains passage les plus connus de la comédie musicale sont ceux qui, dans le roman de Victor Hugo expriment la passion pour la cause de la justice. Les droits de l’« homme » promus par les révolutionnaires de 1830, Hugo le dit explicitement, doivent être aussi étendus aux femmes et aux enfants. La description de la vie des prisonniers et des enfants des rues de Paris sont bouleversantes et dépeignent de façon bouleversante les horreurs de la pauvreté.

Si le libéralisme n’est que la rationalisation des doctrines, alors le respect que manifeste Hugo pour l’aspect mystérieux de la religion, pour les droits de l’âme et sa passion prophétique dépassent largement le libéralisme. Hugo est libéral mais il est aussi libérateur et s’il est humaniste, c’est dans la mesure où il montre la vie humaine et sa souffrance éclairée par une lumière céleste.

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2 commentaires

  1. Bonjour,

    J’ai lu ce roman à l’age de 14 ans (traduit en arabe), ensuite j’ai vu le film avec mon père, musulman, qui a adoré le personnage de J. Valjean et ses actions. Il m’a dit de prendre exemple sur lui.

  2. « La vie humaine éclairée par une lumière céleste ». Voilà une belle phrase, qui contient une métaphore souvent utilisée dans le langage religieux. Mais que pourrait-elle signifier si on essayait d’exprimer dans un langage audible par des non-croyants, ce qu’elle tente d’exprimer par ce langage poétique? J’ai trouvé il y a quelque temps déjà, dans » l’évangile de Thomas » traduit par Jean-Yves Leloup, ce court texte (Log. 29):

    « Jésus disait: Si la chair est venue à l’existence à cause de l’esprit, c’est une merveille, mais si l’esprit est venu à l’existence à cause du corps, c’est une merveille de merveille. Mais moi je m’émerveille de ceci: comment cet Être qui Est, peut-il habiter ce néant? » Jésus n’affirmerait-il pas ainsi, que le problème n’est pas de vouloir « prouver » Dieu en trouvant au monde une origine divine? Ses paroles ne traduisent-elles pas le même émerveillement d’être en vie dans cet univers qui nous dépasse, l’émerveillement de pouvoir réfléchir à notre présence ici, comme sans doute (ou peut-être) le fait aussi le psaume 8 ?

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