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Monsieur le pasteur, je ne crois pas en Dieu !

– Mon Dieu ! en quel Dieu je ne crois pas ? Eh bien ! je ne crois pas en ce bon vieillard blanchi qui trône sur les nuages et qui est censé déterminer les choses et les temps et devant lequel nous devrions nous prosterner comme des esclaves. Je ne crois pas en ce Dieu au nom duquel les fanatiques de tous les temps ont fait la guerre et spolié les populations. Je ne crois pas en ce Dieu que l’on dit bon, amour et tout-puissant et qui ne fait rien pour empêcher les guerres et les famines. Je ne crois pas en ce Dieu qui nous demande de pardonner tout en nous promettant l’enfer ou le purgatoire si nous dérogeons à sa loi. Et je ressens même comme une atteinte à ma liberté cette loi divine, écrasante, castratrice, qui me limite dans mes choix et m’empêche de voir par moi-même ce qui est bon ou non.

– C’est bien ce que je pensais, nous sommes plus proches que vous ne le pensez.

– Que voulez-vous dire ?

– Eh bien cher ami, je puis vous dire avec assurance, que je ne crois pas plus que vous au « Dieu » que vous venez de dépeindre ! En effet, la représentation de « Dieu » que vous vous faites est inspirée soit de la religion populaire, soit des caricatures du rationalisme utopique de la Révolution, mais elle ne correspond en rien au Dieu que révèle Jésus-Christ.

– La Bible ne dépeint-elle pas Dieu comme le Tout- Puissant qui ordonne de se soumettre à sa loi et qui fait la pluie et le beau temps ?

– Pas seulement, mais cela peut en effet arriver. Il faut toutefois garder en mémoire que la Bible est un livre d’hommes et à ce titre elle est totalement anthropomorphique. Je veux dire par là que Dieu étant Esprit, on ne peut parler de lui qu’en utilisant un langage symbolique relatif à nos propres catégories humaines. C’est ce qu’ont fait les auteurs bibliques. En outre, l’idée de Dieu a connu toute une évolution. Au début, les premiers monothéistes ont eu tendance à se représenter Dieu sur le modèle des petits potentats du Proche-Orients ancien. C’est le Dieu Tout-Puissant et totalitaire de certains passages bibliques de l’Ancien-Testament. Au fil des siècles l’image à évolué pour parvenir avec Jésus à une conception décisive, celle du Père Céleste aimant. Du coup, la Bible ne doit pas être prise à la lettre mais elle doit être lue selon l’esprit de la lettre.

– Dieu n’est donc pas un vieillard barbu et blanchi sur un nuage, ou un juge prêt à nous envoyer en enfer ou au purgatoire ?

– C’est cela, au reste, permettez-moi d’ajouter que l’enfer et le paradis ressortent également au langage symbolique. Tandis que le purgatoire n’existe tout simplement pas pour les Eglises de la Réforme puisque la Bible n’en parle nulle part.

– Qu’en est-il donc de la toute-puissance de Dieu qui fait défaut aux hommes qui en auraient pourtant bien besoin ?

– Je ne veux pas vous froisser, mais cet argument mille fois réchauffé n’a que l’apparence de la logique. En effet, on ne peut pas magnifier, à juste titre d’ailleurs, la liberté comme une valeur essentielle pour notre épanouissement humain et réclamer en même temps que Dieu se mêle des affaires humaines et oblige les hommes à marcher selon sa loi. Il faut choisir : ou bien Dieu dicte sa loi aux hommes et alors il fait le gendarme pour tous, y compris pour nous. Ou bien il laisse les hommes libres et responsables, mais il ne faut pas alors lui reprocher de ne pas intervenir dans les affaires humaines. De plus, s’il est vrai que l’Ecriture chante la grandeur de Dieu en des termes forcément anthropomorphiques, l’idée n’est pas de le représenter comme un grand sachem qui tire les ficelles pour déterminer toutes choses et devant la loi duquel il faudrait « s’aplatir ». Encore une fois Jésus nous invite à le considérer comme un père qui limite dans sa liberté, pour nous créer un espace de liberté.

– Il est vrai que ce n’est pas lui qui tient les fusils et lâche les bombes !

– Ce n’est pas lui non plus qui exploite les richesses de la terre au désavantage des plus pauvres. Et qui rend obèses les enfants du Nord, alors que ceux du Sud crèvent de faim. – Il est effectivement facile de reporter sur Dieu la responsabilité des hommes qui agissent librement.

– Il est aussi facile de reporter sur lui la responsabilité que nous portons tous collectivement et individuellement de faire si peu pour que le monde aille autrement. Mais nous nous sentons si petits, n’est-ce pas, face à la loi du marché !

– Encore un peu et vous allez me convertir, Monsieur le pasteur !

– A Dieu ne plaise cher ami, mais la notion de conversion est encore une fois trop piégée dans notre vocabulaire. Qu’il nous suffise à vous et à moi de nous ouvrir à la Présence de Celui qui nous invite à le découvrir et à cheminer avec lui.
réaction du pasteur Jean-Marie de BourqueneyJe trouve (cet article) bien écrit et clarifiant ce que nous sommes appelés à dire et à redire sans cesse à nos interlocuteurs qui critiquent le christianisme. Le libéralisme est souvent plus proche des athées qu’ils ne le pensent eux-mêmes… Ce type d’article peut toucher un public large ; c’est un bon article de vulgarisation intelligente. Pour moi, il aurait sa place dans notre journal. La seule réserve personnelle que j’ai (juste pour relancer notre feuilleton de discussion au sein du comité…), c’est que je serais allé plus loin que lui sur la critique de la toute puissance…réaction du pasteur James WoodyJe reste un peu interdit sur cet article qui se moque du non-croyant en l’enfermant des les stéréotypes classiques (Dieu vieillard barbu, qui promet l’enfer voire le purgatoire, devant lequel il faudrait se soumettre aveuglément, qui nous castre etc.) et en lui envoyant en retour des contre-stéréotypes en forme de Dieu qui nous laisse notre libre arbitre et donc qui n’intervient pas dans le cours de l’histoire.

Ah bon… Dieu pourrait intervenir, mais il ne le fait pas ? Je vous renvoie aux belles pages de Wilfred Monod qui écrit bien mieux que je ne saurais le faire son indignation face à cette vision des choses.

Je trouve que c’est une manière de railler inutilement la religion populaire qui me semble bien plus riche que des théologies surplombantes et désincarnées. Au moins, elles se coltinent le vivant ce qui, de mon point de vue, est la matière qui intéresse le théologique. Ici il n’y a pas de dialogue mais un concours à celui qui… le plus loin, le plus fort etc.

L’article se termine finalement en volte face, en techouvah… j’avoue préférer la metanoia qui approfondit et nous permet de faire quelques pas de plus en direction d’une meilleure compréhension de ce que nous sommes.
réaction du pasteur Jean-Marie de BouqueneyJe ne pensais pas engager autant de dialogue par cet article. Je m’en réjouis car cela témoigne de notre vivacité.

Je continue à défendre cet article (qui ne se veut pas être autre chose qu’une vulgarisation qui nécessairement force un peu le trait), car de très nombreuses personnes (jusque dans nos familles) se disent incroyantes car elles s’opposent à ces stéréotypes auxquels nous nous opposons aussi. C’est d’ailleurs souvent le problème du mal qui les rend incroyantes, car elles voient un Dieu omni-agissant qui leur devient insupportable. Mes nombreux dialogues avec les convictions (religions et athéismes) avec des universitaires me laissent à penser que cela est vrai à tous les niveaux d’argumentation.

Quant à la religion populaire, je ne suis d’accord qu’en (grande) partie avec Raphaël et Laurent. Il me semble que cette notion recouvre deux réalités différentes : une religion « sociale » (rites de passages) et une religion « magique » (efficacité, guérison, protection).

La première ne doit pas être critiquée, comme le fait effectivement Barth, de manière aussi hautaine. D’une part, notre rôle d’église s’en accommode très bien, d’autre part elle participe à l’élaboration narrative des identités, tant individuelles que sociales. A ce titre, elle fait partie d’une « précompréhension » du divin à partir de laquelle on peut construire une formulation théologique incarnée dans unes réalité existentielle.

La seconde (la religion « magique ») est plus problématique. Je me garde bien de juger les personnes qui mettent des cierges à Notre-Dame depuis qu’un ami prêtre m’a fait remarquer que cela drainait toutes les misères humaines. Il est trop facile pour nous, protestants, adeptes du sola scriptura, de juger ces personnes qui ne viendraient jamais nous voir… Le problème reste mais les personnes sont respectables. Mais il me vient deux autres exemples, plus théologiques : la transubtantiation et la prière. La transubtantiation a été formulée par le concile de Trente en des termes aristotéliciens qui ne font pas de la « substance » la « matière » farine… Une religion « populaire » (ou une mauvaise pédagogie ecclésiastique…) a transformé ce dogme en hostie qui devient de la chair… et je me souviens encore lorsque, enfant, j’ai cru faire mal à Jésus en cassant l’hostie sur mon trop petit palais… Aujourd’hui, même certains prêtres ont déformé le dogme tridentin et veulent nous rendre anthropophages ! Quant à l’exemple de la prière, il touche plus nos églises. La prière doit, pour certains, être « efficace ». Cette compréhension, d’ailleurs génératrice de nombreuses culpabilisations, confond Dieu avec un gri-gri magique. Et je vois, par exemple en Provence, certains lieux récupérés de traditions populaires ancestrales devenir des lieux de magie chrétienne. Les protestants ont enlevé les lieux mais ont parfois gardé cette pensée magique. Nous pourrions dire bien des choses sur les motivations de parents (bien « protestants » comme il faut…) qui demandent le baptême de leur enfant pour le « protéger ». Nous devons avoir une pensée critique sur ces sujets

Autrement dit, sans juger les personnes, je combats de tous mes arguments une religion populaire magique et j’intègre dans mon raisonnement une religion populaire sociale.
réaction du pasteur Vincens HubacPas de quoi s’affoler!La foi « populaire » mérite le respect surtout si on se dit libéral.Ceci dit, les confessions de foi négatives ne me semble pas les meilleures,de plus je ne suis pas sur que le dieu barbu et tout puissant ait encore quelques adeptes .La 2ieme partie me parait plus intéréssante et plus d’actualité.réaction du pasteur Bruno Gaudelet Cet article s’inscrit, non dans le cadre d’un dialogue avec des universitaires athées, mais dans celui du dialogue pastoral avec ces messieurs et mesdames « tout le monde » que nous rencontrons chaque jour et qui se disent souvent athées ou agnostiques sans trop avoir « réfléchis » à leur positionnement ou sans l’avoir « critiqués » suffisamment. Sortir de grandes théories sur le « mépris » de la religion populaire ou de l’athée convaincu, me semble quelque peu à côté de la pastorale qui est visée ici, mais c’est le jeu de nos publications. Lorsque nous écrivons un article il vit sa propre vie sans nous, selon ce que chacun y trouve à interpréter.

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7 commentaires

  1. à propos de la réaction du Pasteur Jean Marc de Bouquenay;

    « la Transubtantation , formulée par le Concile de Trente.La religion populaire a transformé ce dogme (?) en hostie qui devient chair.Aujourd’hui même, certains prêtres ont déformé le dogme Tridentin et veulent nous rendre antropophages… »

    Ma question : comment se positionner par rapport à l’Evangile ( tardif ) de Jean 6, 52 – 59 ( traduction et …commentaires Bruckberger ) :

    « en vérité,en vérité, je vous le dis ,

    si vous ne mangez la chair du fils de l’homme

    et si vous ne buvez son sang

    vous ne possédez pas la vie en vous mêmes.

    Celui qui dévore ma chair et qui boit mon sang,

    possède la vie éternelle

    et je le ressuciterai au dernier jour.

    Car ma chair est véritablement une nourriture

    et mon sang est véritablement un breuvage.

    Celui qui dévore ma chair et qui boit mon sang

    demeure en moi et moi je demeure en lui……..

    ….ainsi celui qui me dévore

    celui la vivra pour moi  »

    face à la dureté antropohage de ce texte , je serais intéressé de connaître les réactions du Pasteur de Bourqueney.

    Merci.

  2. à l’attention du Pasteur de Bourqueney : je suis surpris de votre silence , suite à mon commentaire du 20 Février rappelant l’Evangile de Jean 6 , 52 – 59 , à la tonalité vraiment antropophage.

    Ce texte est embarrassant ; quel peut donc être votre commentaire ?

  3. à l’attention du Pasteur de Bourqueney : Vous écriviez  » Je ne pensais pas engager autant de dialogues par cet article … »

    Excusez moi mais je relève surtout votre non réponse ( qui m’interpelle ) suite à mon commentaire du 20 Février , rappelé le 23 Février…

    L’Evangile de Jean 6 , 52 – 59 , à la tonalité vraiment antropophage est certainement embarrassant et pose des questions.

    Les éviter n’est pas la solution.

    Le Christianisme au risque de l’interprétation ( titre du livre de Claude Geffré ) …. Le tardif Evangile de Jean doit il être compris comme un récit mythique de la culture Judeo Greque , reprenant tous les thémes d’une antiquité sauvage ? …. Rejet donc d’une croyance littérale dans les  » Ecritures « …

  4. Je monte courageusement au créneau pour défendre le texte de Jean s’il en avait besoin…Je ne suis pas théologienne, mais la lecture de l’Ancien Testament m’indique que la nourriture est une métaphore courante pour désigner l’Enseignement (la Thora qu’il dfaut mâcher et remâcher). Jésus étant le nouveau Moïse apporte une nouvelle thora qui est,lui-même: sa vie, ses actes, ses paroles, tout ce qui fait le tissus de sa personne, autrement dit « sa chair et son sang ». Ma chair est nourriture, mon sang est vrai boisson, redondance hébraïque pour signifier que le porteur du message, message lui-même est notre « nourriture », ce qui nous fait vivre. Bon, est-ce que je vous ai convaincu? C’est l’expression de ma compréhension du « pain de vie ».

  5. à Avène ( à défaut du Pasteur de Bourqueney …) :

    Merci de votre commentaire , en tous cas très plausible et qui nous ramène effectivement au temps d’  » un certain Juif , Jésus. Titre de l’ouvrage en 4 tomes de John P. Meier.

     » Celui bqui dévore ma chair et boit mon sang… » le théme de la nourriture est une métaphore courante reprise de la Thora ( et d’antiques pratiques antropophages ) et appliquée à Jésus.

    Redondance Hébraïque , pour reprendre votre expression , afin de signifier que le porteur du message , message lui même , est notre nourriture.

    C’est une interprétation compréhensible , certes éloignée d’une lecture littérale et aussi de la  » doctrine  » d’une présence réelle , objet d’adoration  » perpétuelle ».

  6. Une petite citation pour illustrer ce que j’ai dit précédemment:

    Proverbes 9,5-6 (C’est la sagesse divine qui parle.) « Allez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai mêlé. Abandonnez la niaiserie et vous vivrez. Marchez droitement dans la voie de l’intelligence. »…

  7. merci à Henri de ses remarques.

    Jésus a aussi dit, selon les évangiles, « je suis la porte »… pourtant il ne viendrait à personne l’idée d’adorer une porte, fut-elle de cathédrale… Les récits bibliques utilisent abondamment le double niveau de langage, le symbole.

    Quant au concile de Trente évoqué, il faut se rappeler que celuièci a été entièrement pensé dans les catégories de la philosophie d’Aristote, par la filiation de Thomas d’Aquin. Or, dans les catégories aristotéliciennes, la « substance » (qui a donné la « transubtantiation ») ne désigne pas la matière (« l’accident » chez Aristote, pour faire court), mais la permanence des choses. Autrement dit, le conciel de Trente ne fait pas des catholiques des anthropophages, car l’hostie reste matériellement » de la farine et de l’eau. Malheureusement, une deformation de ce dogme (il est vrai diffcicile à comprendre), doublée d’une soif de magie inhérente à toute religion populaire a fait dire à certains ce que le dogme ne dit pas. Cela dit, même bien compris, je ne crois pas en ce dogme. J’en reste au niveau symbolique du texte biblique, car jésus reste pour moi une « porte » vers un sens profond de l’existence

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