Nous publions ici la seule critique négative reçue
au Cahier de Florence Taubmann (La
spécificité du dialogue judéo-chrétien,
É&L, avril 2007)
À mon avis tout dialogue interreligieux est nécessairement
spécifique, si lon tient à respecter le partenaire.
Certains sont-ils plus spécifiques que dautres ?
Certes Jésus était de religion et de culture
juives, et cest forcément dans ce cadre conceptuel quil
a formulé son projet prodigieux. Pourtant celui-ci nétait
pas spécifiquement juif, même sil était
en consonance avec les prophètes contestataires et utopistes
et avec les sages du Judaïsme. Mais il a changé profondément
la représentation de Dieu.
Il ne me semble pas exact de dire que « la naissance
de lAmitié judéo-chrétienne en 1947 allait
ouvrir une époque de connaissance mutuelle
» Cest
bien plus tôt que le protestantisme français sest
ouvert à de nombreux juifs :
- Le scoutisme unioniste a accueilli avec bonheur de nombreux Juifs
dès les années 20 (plusieurs deviendront pasteurs)
- La Cimade dès 1939 a entrepris en faveur des Juifs (mais
aussi de beaucoup dautres, républicains espagnols,
communistes,
dans les camps de Vichy) des actions généreuses
et courageuses, simplement parce quils étaient des
humains menacés ou en détresse, comme plus tard auprès
des Algériens, des Harkis en France, des Allemands en Allemagne.
- Les démarches du Pasteur Boegner allaient dans le même
sens ; et les prédications et filières de sauvetage
de nombreux pasteurs à Paris et ailleurs.
- La Fédé parisienne sous lOccupation avait
un groupe clandestin pour combattre lantisémitisme
(Jean Bichon, Jean Bosc, Daniel Louys, Jean de Cayeux, Annette Monod,
Édouard de Robert,
)
- Et sous limpulsion du pasteur Charles Westphal, les rencontres
« des 2 Alliances », à Bièvres, avec notamment
Edmond Fleg et Jules Isaac.
- Non, tout na pas commencé en 1947, avec lA.J.C.F.
On peut comprendre que certains aient envie de remplacer
dans le NT les mots daveuglement et dendurcissement, mais
cest oser dénaturer des textes réputés
canoniques. Si lon doit éliminer lantijudaïsme
théologique du NT, ce serait un énorme travail.
La création de lÉtat dIsraël
(aux dépens des Palestiniens musulmans et chrétiens)
nest pas évoquée. Javoue avoir été
de ceux qui sen sont réjouis en 1948, nimaginant
pas que les parents des victimes de lExtermination par les nazis
allaient se transformer en conquérants et en dominateurs. Lune
des pires déceptions de notre existence.
Mon ami Jules Isaac a bien fait décrire «
Lenseignement du mépris » (après son magnifique
« Jésus et Israël »), dénonçant
les séculaires mépris des Juifs par les chrétiens.
Mais quand on lit lA.T. on découvre quils ont été
devancés par ceux qui, pendant des siècles, ont pratiqué
et systématisé le mépris des païens, un
autre enseignement du mépris
Lantisémitisme me fait horreur, mais tout autant
que lislamophobie et larabophobie qui se répandent
parmi nous. Nous avons tous de grands progrès à faire,
sil en est encore temps.
Roger Parmentier, Le Mas dAzil