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Numéro 203
Novembre 2006
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Nous nous arrêtons ce mois-ci sur l’acte d’écrire. L’Écriture comme trait d’union entre le christianisme primitif et notre foi d’aujourd’hui. Mais trait d’union plein de vie et d’aventures laborieuses pour la longue chaîne qui s’étire des auteurs jusqu’aux lecteurs. D. Hernandez avait écrit un texte plus développé qu’elle nous suggère de consulter sur le site www.biblique.fr

Grafw, Écrire, Grapho

Voici la pâte même des Écritures : l’écriture, la volonté, la décision, l’acte d’écrire… pour un lecteur.

Dans les évangiles, l’écriture s’offre comme dépôt de traditions ordonnées non pour une biographie de Jésus, mais pour un témoignage de foi.

Les épîtres, adressées à une personne ou à une communauté, reflètent des débats, des conflits, des encouragements.

Quant au livre de l’Apocalypse, son écriture est obéissance à un ordre plusieurs fois réitéré au bénéficiaire de la vision : « Écris », écris ce que tu vois.

Ainsi l’acte d’écrire opère une traversée de la distance et de la durée, une migration permettant un ensemencement aux moissons non maîtrisées et non achevées.

Quel que soit le genre littéraire, l’acte d’écrire témoigne d’un rapport à une mémoire vive, toujours impliquée dans le présent et requérant le partage et la transmission. Ce qui est transmis par l’écrit est toujours distinct de l’événement rapporté, de l’auteur, et du lecteur : le lien créé par l’écrit n’est jamais un lien d’immédiateté, ce dont témoigne Luc dans le prologue de l’évangile adressé à Théophile.

L’acte d’écrire trouve son accomplissement dans la lecture de l’écrit. Du côté de l’écrivain, écrire se tient entre maîtrise des mots, des images, de la composition et transpiration de ce qui l’anime profondément. Du côté du lecteur, l’écrit s’offre comme un espace à habiter.

Les écrivains du Nouveau Testament ne se sont eux-mêmes pas privés d’habiter l’espace d’écrits précédents : la Torah, les Psaumes, les Prophètes, au point de les imbriquer intimement dans leurs propres écrits, explicitement ou non. Ainsi, la moitié des emplois du verbe grapho dans le Nouveau Testament se rencontre dans la formule : « il est écrit ». « Il est écrit » dans les Psaumes, le livre des Prophètes, dans la Loi, par Moïse. Sous-jacent à ces citations, l’enjeu de l’interprétation parcourt les écrits des évangélistes, de Paul et d’autres encore. Luc l’a merveilleusement posé en deux courtes questions adressées par Jésus à un légiste inquiet de recevoir la vie éternelle : « Dans la Loi qu’est-il écrit ? Comment lis-tu ? » Quant à Marc, il le met en acte, en récit d’une manière aussi magistrale que bouleversante dans le récit de la mort de Jésus interprété dans sa trame par le Psaume 22.
Ce qui a été écrit est accompli, ce qui est maintenant écrit ouvre un nouvel espace à la fois en rupture et en continuité : un monde nouveau.

Si la citation de la Loi et des prophètes est, pour les évangélistes, fidélité renouvelée et vive, elle peut s’avérer aussi manipulation, prétexte à des visées quasiment diaboliques, ce que mettent en scène les évangiles de Matthieu et de Luc dans le récit de la tentation de Jésus au désert. Largement délivré, répandu, offert, l’écrit est aussi livré au lecteur.

Quant au grand épistolier du Nouveau testament, Paul, il semble qu’il n’écrivait pas lui-même mais dictait à un secrétaire. Le recours au secrétaire est largement attesté dans l’Antiquité, ainsi que l’existence d’un système d’écriture rapide, la future sténographie. Il en est de même pour la pseudépigraphie, c’est à dire l’attribution d’un texte à une personne qui n’est pas l’auteur, procédé très courant dans l’Antiquité et qui ne soulève aucun scandale. C’est le cas des épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens, ou encore des lettres à Tite et à Timothée. Elles semblent trop tardives pour pouvoir être attribuées à Paul. Cette utilisation du nom de l’apôtre atteste de son autorité, même après sa disparition.

Aucun original d’écrits du Nouveau Testament n’a jamais été retrouvé. Mais de copies en traductions, d’erreurs de copies en difficultés de traduction, les écrits, les Écritures, ont pérégriné jusqu’à aujourd’hui, lues, relues, interprétées, réinterprétées. Et à la fin des éditions actuelles de la Bible, il y a encore une page blanche… feuille

Dominique Hernandez

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