Il est bon quil
y ait dans la Bible des textes de stupeur, comme Job ou les Lamentations.
Ce mot renvoie à ce sentiment dépouvante et dincrédulité
qui nous saisit souvent quand le malheur survient, avant même
que la plainte, la révolte, le questionnement, la prière,
puissent être articulés dans notre esprit et notre langage.
Le
livre des Lamentations est introduit par un tel signe de stupeur, le
mot hébreu « eikha », traduit par « hélas
», ou par « comment ! », « eh quoi ! ».
Et devant les horreurs de lhistoire la destruction de Jérusalem,
lécrasement cruel de sa population , lauteur
renchérit dans lépouvante, allant jusquà
répéter plusieurs fois : « il ny a pas de
consolateur. » Pourtant toucher le fond, nous a-t-on appris, permet
de remonter des ténèbres à la lumière.
Cest lentreprise de ces cinq chants qui composent
le livre des Lamentations, où il ne peut être question
dune consolation à bon marché, et où elle
nest jamais acquise à lavance. Car lanéantissement
de Jérusalem pourrait aller jusquà invalider la
réalité dune promesse faite autrefois par Dieu à
son peuple.
Les ennemis ont beau jeu de se moquer : nétait-ce
pas un rêve, et seulement un rêve, cette histoire dAlliance
? Quand tout sécroule de ce qui faisait notre foi, notre
confiance, notre vie
que reste-t-il derrière la nostalgie
qui nous déchire ? Pour certains il ne reste que labsurde
ou le néant.
Pour dautres lespérance, malgré
tout.
Mais dans tous les cas, une question terrible doit être
acceptée : quelle est la responsabilité humaine dans lhistoire,
ses réussites mais surtout ses échecs, ses catastrophes.
Dans le contexte théologique des Lamentations cest Dieu
qui pose la question, et qui accuse son peuple et sa ville. Mais cette
accusation douloureuse, qui semble si excessive et même injuste
signifie en même temps que Dieu na pas fait le deuil de
son Alliance.
Cest ce même peuple et cette même ville
quil cherche et appelle à travers les mots de son serviteur.
Florence
Taubmann