Au début du
XIXe siècle, les protestants de langue française hésitèrent
à adopter le terme mission. De triste mémoire les
missions catholiques de reconquête intérieure, et les missions
extérieures alliées à la conquête du Nouveau
Monde par les rois catholiques le terme mission pouvait-il, à
lheure du Réveil, désigner une entreprise dévangélisation
conduite au nom du « pur Évangile » ? Mais mission
était déjà utilisé par la London Missionary
Society et par la Basler Mission toutes deux à lorigine
de la Société des Missions Évangéliques
de Paris (SMEP) fondée en 1822. On ne voulut donc pas faillir
à la solidarité évangélique européenne
pour une simple question sémantique !
Puis survint, au début du XXe siècle, un
conflit autour de la candidature missionnaire dAlbert Schweitzer,
refusée par la SMEP du fait de ses options théologiques
libérales. Laffaire fâcha les libéraux, mais
latmosphère changea après la première guerre
mondiale et Schweitzer resta en bons termes avec les missionnaires de
la SMEP au Gabon. Un nouveau sujet de malaise surgit après la
seconde guerre mondiale, quand les chrétiens prirent conscience
que la mission sétait souvent associée au projet
colonial alors décrié. On se mit à parler «
daction apostolique », formule créée dans
les années 1970, qui ne réunit pas les suffrages autour
delle.
Cest un événement culturel, le film
Mission de Roland Joffé sorti en 1987, qui contribua à
la réhabilitation du terme mission, désormais associé
à la critique du pouvoir colonial. Un bel exemple du voyage des
idées pour une activité, la mission, qui suscite encore
lattrait pour les rivages lointains..
Jean-François
Zorn