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Numéro 195 - Janvier 2006
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Le texte en grec du Nouveau Testament n’est pas si monolithique que nous pourrions le penser. Nous disposons de plusieurs manuscrits anciens et, pendant plusieurs siècles, les textes ont fluctué. Ils n’ont été figés dans le Canon qu’en 397 au concile de Carthage. L’examen des versions antérieures est bien intéressant, comme le montre cet exemple.

Un verset inédit de l’évangile de Luc

Il y a dans l’évangile de Luc un verset avec une parole du Christ, qui n’a pas été retenu dans le Canon officiel du Nouveau Testament. Pourtant il provient d’un manuscrit essentiel, connu sous le nom de Codex de Bèze, et les spécialistes pensent qu’il est tout à fait authentique. Ce manuscrit semble en effet donner la version la plus ancienne de l’évangile de Luc, mais ce n’est qu’assez récemment que l’on a commencé à le prendre vraiment en considération.

Ce verset se trouve au début du chapitre 6, juste après l’histoire des disciples qui mangent des épis le jour du Sabbat, et avant l’épisode de la guérison par le Christ d’un homme à la main sèche le jour du Sabbat.

Le même jour, voyant quel-qu’un qui était en train de travailler pendant le Sabbat, il lui dit : « Homme, si tu sais ce que tu fais, tu es heureux, mais si tu ne le sais pas, tu es maudit et tu transgresses la loi. (Luc 6,4 D)

Ce passage est difficile, et l’on comprend pourquoi il a pu être retiré du Canon. On pense en effet généralement qu’il est moins grave de transgresser sans le vouloir que de le faire volontairement. Mais justement cet épisode est passionnant parce qu’il montre bien comment le Christ se positionne par rapport à la loi.

Avec la guérison qui suit, le Christ va montrer que l’on peut transgresser la loi, dans la mesure où c’est pour soigner quelqu’un, c’est-à-dire pour une bonne raison. Ici, il va plus loin. Jésus responsabilise totalement l’homme et dit que l’important, ce n’est pas d’obéir bêtement à une loi, mais de réfléchir par soi-même pour déterminer ce qui est bon.

Autrement dit, chacun peut transgresser la loi, mais l’essentiel est qu’il ait réfléchi et qu’il ait une bonne raison de le faire. Il est primordial de savoir pourquoi l’on fait ceci ou cela, que l’on ait soupesé le pour et le contre et que l’on ne fasse pas les choses sans raison. « Heureux si tu sais ce que tu fais », autrement dit : « Heureux es-tu si tu as conscience de transgresser la loi, mais que tu as une bonne raison de le faire. »

Et ce n’est pas une complaisance, une sorte de tolérance ; il ne dit pas que c’est éventuellement acceptable de transgresser la loi dans cette situation, mais que cette transgression choisie et assumée est positivement bonne ; elle est même montrée comme le chemin du bonheur, l’accomplissement des béatitudes : « Tu es heureux. »

Mais celui qui ne sait pas ce qu’il fait, celui qui ne réfléchit pas, celui qui agit sans raison, alors il vaudrait mieux pour lui qu’il suive la règle. Et s’il transgresse la loi sans raison importante, juste parce qu’il ne prend garde à rien, ou que ça l’arrange, alors c’est grave : celui-là n’est pas dans le sens de la vie. De même, transgresser la loi sans même en avoir conscience, c’est-à-dire ignorer la loi semble aussi une mauvaise voie ; la loi est importante en ce qu’elle indique une direction vitale, et rien n’est plus grave qu’une vie qui ne serait orientée par rien ; faute de conviction, l’obéissance est mieux que rien.

Le Christ a ici une position très subtile concernant la loi : il ne la méprise pas, il ne dit pas qu’on peut faire n’importe quoi, et que l’on n’a pas à se préoccuper d’elle ; ce qu’il dit, c’est qu’il y a plus grand que la loi, plus essentiel : la réflexion, la responsabilité personnelle, et finalement faire des choix à partir de sa propre conviction.

Et ce qui est très étonnant, c’est que le Christ ne juge pas là des raisons de l’homme pour transgresser la loi, il ne dit pas qu’il peut y avoir de bonnes ou de mauvaises raisons. Il dit simplement que l’essentiel, c’est d’avoir une conviction, une foi et d’agir à partir de cela. On retrouve cette idée dans l’épître aux Romains (13,22-23) : Cette foi que tu as, garde-la pour toi devant Dieu. Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même dans ce qu’il approuve ! Mais celui qui a des doutes au sujet de ce qu’il mange est condamné, parce qu’il n’agit pas par conviction. Tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché. feuille

Louis Pernot

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