Le quatrième
exemple, après la Didachè, lÉvangile selon
Thomas et lÉpître de Jacques, est une lettre récemment
découverte, qui figure désormais dans les Écrits
apocryphes chrétiens (I, La Pléiade, 1997), selon laquelle
lévangile selon Marc a été écrit en
deux fois. Cest le premier document attestant quun évangile
aurait connu plusieurs rédactions ; et cela concerne celui qui
sert de deuxième source à Luc et Matthieu, à côté
de la collection de paroles, dans la théorie en vigueur.
La première réaction devant un document
de ce genre est le doute : cette lettre nest-elle pas un faux,
comme dautres existent ? Ainsi, une inscription, découverte
il y a vingt ans sur une urne et mentionnant « Jacques fils de
Joseph, frère de Jésus », savère aujourdhui
être un faux. Quen est-il de cette lettre ? Le doute sest
installé, bien au-delà de la théologie. Mais la
question quelle soulève demeure : Marc a-t-il eu plusieurs
rédactions ? Pour lhistoire, la question a un sens : doù
le faux éventuel tient-il une telle suggestion ? Quelle analyse
permet de répondre à une telle question ? Quelle conséquence
pour lhistoire de la rédaction des évangiles ?
Mais la question dérange lexégèse,
qui se contente de la théorie des deux sources (Marc et la source
de paroles) ; autant ne pas remettre en cause cette base sur laquelle
sest développé lenseignement exégétique.
Lhistoire est invitée à se taire ; et le document
suspect devient une énigme laissée de côté.
Faisons lhypothèse que ce document, authentique
ou non, dise une chose vraie : il y a bien eu plusieurs rédactions
de lévangile considéré comme le plus ancien.
Dun coup, lhistoire de la rédaction séclaire
autrement, deux générations séparent une première
rédaction, vers 65, et la rédaction finale qui réunit
les quatre évangiles, vers 120. Comme pour les paroles, révisées
avant 60, les traditions narratives du ministère de Jésus
sont soumises à révision jusque vers 120, et les évangiles
apparaissent comme le résultat dun travail rédactionnel
qui séchelonne sur trois générations. Le
premier christianisme séclaire autrement, il est loeuvre
de maîtres de lécriture liés à la culture
du temple de Jérusalem.
Christian
Amphoux