Cahier : Petite histoire de la laïcité
La Loi de 1905 : séparation ou nouvelle relation entre les Églises
et lÉtat
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Léon Gambetta déclare à la Chambre des députés en 1877: « Le cléricalisme, voilà lennemi ». |
Léon Gambetta déclare à la chambre des députés en 1877 : « Le cléricalisme, voilà lennemi. »
Bien des libertés ne sont acquises que lentement. En 1880 une loi supprime lobligation du repos dominical. En 1881, dans le cadre dune loi sur la presse, le délit de blasphème disparaît. En 1883 un décret dissocie les honneurs militaires des cérémonies religieuses par abrogation dun décret de 1863 qui ordonnait de rendre les honneurs au passage du saint sacrement. En 1884 le divorce civil est rétabli, les prières publiques sont supprimées, notamment lors des rentrées parlementaires. Les obsèques civiles sont admises à partir de 1887.
Les républicains sont unanimes pour écarter la tutelle idéologique de lÉglise, mais ils diffèrent sur les moyens à mettre en uvre à cet effet. Le Concordat na pas défini le rôle et la place des congrégations, notamment des congrégations enseignantes qui en 1899 scolarisent la moitié des élèves de lenseignement secondaire. Ces congrégations disposent de patrimoines importants qui sélèvent peut-être à un milliard.
La loi de 1901 sur les associations accorde une marge de liberté qui facilite la création dassociations à visée culturelle, mais impose une déclaration préalable. La même loi permet de sattaquer aux congrégations en renforçant lobligation dautorisation préalable par le parlement et en déclarant illicites lexistence et le fonctionnement de celles qui ne sont pas autorisées. Si Waldeck-Rousseau, avec la loi de 1901, voulait contraindre les congrégations à respecter les lois de la République, son successeur Émile Combes veut mettre un terme à leur influence en refusant leur demande dautorisation qui ne sera accordée dans un premier temps quà cinq congrégations hospitalières.
Lensemble de ces mesures provoque en 1904 la fermeture de 10 000 établissements congréganistes (faisant partie de congrégations), dont la moitié va rouvrir sous une forme sécularisée. On estime que près de 30 000 religieux et religieuses ont quitté la France à la suite de cette interdiction, qui a été comparée un peu trop vite à la Révocation de lÉdit de Nantes.
Les protestants ont joué la carte de la laïcité avec Jules Ferry. Cest ainsi quils ont donné à lÉtat 1 380 écoles primaires, la presque totalité des établissement quils ont fondés au XIXe siècle. Une exception est faite pour les écoles congréganistes maintenues dans les colonies où lon redoute linfluence étrangère. Parlant à lAssemblée nationale le ministre des colonies Gaston Doumergue, le seul protestant qui accédera à la présidence de la République, en accord avec Ferdinand Buisson, soppose à cet amendement qui sera voté par 283 voix contre 272.
Né dans une famille protestante, lagrégé de philosophie Ferdinand Buisson, lun des confidents les plus intimes de Jules Ferry, qui fera de lui le directeur de lenseignement primaire, a soutenu sa thèse de doctorat sur le Réformateur Sébastien Castellion, ladversaire théologique de Calvin. Il a publié avec le pasteur Charles Wagner un ouvrage intitulé Libre pensée et protestantisme libéral, (rééd. en 1992 sous le titre Sommes-nous tous des libres croyants ? Libre pensée et protestantisme libéral, Foyer de lâme, diffusion van Dieren Éditeur) où il défend une religion civile de la conscience et de lhumanité, où il se montre davantage représentatif dune pensée chrétienne libre que de la libre pensée au sens habituel du mot.
Le pape impose la démission des évêques de Dijon et de Laval, soupçonnés dêtre trop proches du pouvoir républicain. Le gouvernement riposte en rompant les relations diplomatiques avec le Vatican le 29 juillet 1904. Émile Combes déclare à Auxerre quil ny a pas dautre « voie ouverte aux époux mal assortis que le divorce, de préférence par consentement mutuel ». Il dépose en octobre 1904 un projet de loi qui fera la quasi unanimité contre lui. Il sagit de démanteler lÉglise catholique en la contraignant à vivre dans le cadre du département. Pour les protestants ce serait la fin de la vie synodale. Raoul Allier, professeur à la faculté de théologie protestante de Paris, conduit pendant plusieurs mois une vaste enquête dans le journal Le Siècle en donnant la parole à des hauts responsables catholiques, protestants et israélites aussi bien quà des libres-penseurs. Les articles auront une grande influence sur lévolution de lopinion publique au moment du débat parlementaire.
La Pieuvre de Loyola. La République essaie d'arracher Usines, Armée, Magistrats et Colonies aux tentacules de la pieuvre cléricale. Remarquons qu'elle a déjà coupé le tentacule qui étouffait l'enseignement. Reproduit dans À bas la calotte, Édition Alternatives, 2005 (Voir page 5 de ce numéro).
Émile Combes est contraint à la démission en janvier 1905 à la suite de laffaire des fiches. Les loges maçonniques avaient collecté des renseignements sur les opinions religieuses et politiques des officiers. Un ancien pasteur, Frédéric Desmons, grand-maître du Grand Orient de France et sénateur, a été à lorigine de cette entreprise pour le moins douteuse. Les mutations et lavancement dépendaient de ces fiches de renseignements. La révélation de cette pratique a contraint le général André, ministre de la guerre, et son gouvernement à la démission.
« Le petit père » Combes, un ancien séminariste, malgré sa rupture avec le catholicisme et en dépit de limage dÉpinal quon a de lui, reste un spiritualiste fervent. Auteur dun rapport sur lenseignement primaire en Algérie, il se montre assez compréhensif à légard du Coran et de lislam. Il est dans la lignée de J.-J. Rousseau et très lié à la prieure du carmel dAlger. Pour lui les congréganistes ont abdiqué leur liberté de pensée en prononçant le vu dobéissance. Au total lenseignement catholique perdra environ 30 % de ses élèves.
Maurice Rouvier succède à Combes et laisse à son ministre de linstruction publique et des cultes, Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, le soin dengager le débat au Parlement. Un projet de loi est largement inspiré du rapport quAristide Briand avait fait adopter par la commission parlementaire en mars 1905. Cette commission votée par la chambre des députés en 1902 sur la proposition dEugène Réveillaud, un parlementaire très actif dans le protestantisme où il rendra bien des services, est présidée par Ferdinand Buisson et entreprend un gros travail sous limpulsion de son rapporteur Aristide Briand, un libre-penseur qui recherche la conciliation. Celui-ci est aidé dans la rédaction du texte par deux collaborateurs, le protestant Louis Méjan, fils et frère de pasteur, et lisraélite Paul Grunebaum-Balin.
Il semble que Louis Méjan ait réussi à ne pas limiter au cadre strict des départements la possibilité de concertation des Églises, rétablissant ainsi les échelons régionaux et léchelon national. Les débats vont être longs : 48 séances à lAssemblée nationale, 21 au Sénat. Les parlementaires de droite veulent maintenir la prépondérance de lÉglise catholique : labbé Hyppolite Gayraud, député du Finistère, qui sétait illustré par le dépôt dune proposition de loi interdisant lenseignement aux francs-maçons, recherche une dénonciation à lamiable du Concordat. Il invite le gouvernement à « réunir une commission extraparlementaire de ministres des divers cultes, de concert avec les chefs des Églises concernées, afin de préparer un accord avec les Églises sur les conditions de la séparation ». La motion est repoussée par 235 voix contre 162.
Les catholiques soutiennent lidée que les nationalisations des biens de lÉglise sous la Révolution avaient eu une contrepartie, à savoir lengagement de lÉtat de payer le traitement des prêtres. Les républicains pensaient généralement que la rémunération des ministres du culte était seulement le prix dun service rendu qui devait disparaître du budget de lÉtat à partir du moment où ce service devenait privé.
Qui rira le Vendredi, Dimanche pleurera. Estampe représentant la procession des prêtres réfractaires le 31 août 1792. La légende «plus d'un pied de nez» accompagne l'appendice nasal de l'évêque. À l'arrière-plan, le diable porte le cercueil des Listes civiles. Reproduit dans À bas la calotte, Éditions Alternatives, 2005 (Voir page 5).
Un certain nombre de députés présentent un contre-projet car il sagit dabattre lÉglise et les religions par tous les moyens. Maurice Allard, député du Var, parle de « la malfaisance de lÉglise et des religions ». Pour lui « le christianisme est un outrage à la raison, une insulte à la nature ». A. Briand lui répond : « Vous ne voulez pas la séparation de lÉglise et de lÉtat, mais la suppression de lÉglise par lÉtat. » Cette position très anti-cléricale est représentée par une soixantaine de députés.
La loi de séparation est votée le 9 décembre 1905, après avoir obtenu 341 voix contre 233 à lAssemblée nationale, et 179 voix contre 103 au Sénat.
Cette loi, à la fois équilibrée et modérée, entraîne des réserves dans les deux camps. Pour Clémenceau, ne pas voter la loi serait une grande déception, mais la voter conduira à une grande déconvenue. Le futur président du conseil René Viviani ira jusquà sexclamer : « Nous avons éteint dans le ciel des lumières quon ne rallumera plus ! » La loi de séparation nest pour lui quun début. Dans son encyclique Vehementer nos, Pie X condamne en février 1906 la séparation. Les catholiques refusent de se constituer en associations cultuelles.
Lapplication de larticle 3 relatif aux biens mobiliers et immobiliers de lÉglise, effectuée avec maladresse par le service des domaines, aura des conséquences inattendues. À la suite de louverture des tabernacles au moment des inventaires, on accuse ladministration de profanation du lieu sacré où réside le corps du Christ. Lordre est donné à la troupe dintervenir. Des officiers donnent leur démission. Il y a un mort au cours dune manifestation. Le gouvernement Rouvier est contraint à la démission. Clémenceau, nouveau ministre de lintérieur quoique anticlérical, considère que « le recensement des cierges dans une église ne vaut pas une vie humaine ». Il décide de surseoir aux inventaires par mesure dapaisement.
A. Briand au début de 1907 fait adopter une loi qui stipule que « à défaut dassociations cultuelles, les édifices affectés à lexercice du culte continuent à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion ».
Lapplication de la loi de Séparation sera dans lensemble bienveillante. Le Conseil dÉtat en sappuyant sur larticle 4 va jusquà confirmer laffectation dune église au curé nommé par lévêque, et non au curé qui, contre lavis de lévêque, a constitué une association cultuelle conformément à la loi ! Il faudra attendre 1921 pour que les relations publiques avec le Vatican soient rétablies. Le sénateur protestant Eugène Réveillaud a uvré dans ce sens. En janvier 1924 Pie XI accepte la création dassociations diocésaines à la place des associations cultuelles. Par ce biais lÉglise ne dépend plus de la tutelle éventuelle des laïcs.
À certains égards la loi favorise davantage lÉglise catholique que les protestants et les israélites, qui ont accepté les associations cultuelles qui cantonnent leurs membres dans des activités uniquement et strictement religieuses. Aujourdhui cette limitation pèse un peu comme un carcan, ce qui explique le souhait exprimé par la Fédération Protestante de France de modification de la loi.
Quelques parlementaires auraient voulu éviter le mot séparation. Ils ne lont pas obtenu. Pourtant il ne sagit pas tellement dune séparation, mais de nouvelles relations entre lÉglise, qui ne relève plus du droit public, mais du droit privé, et lÉtat. La loi de séparation ne concerne ni lAlsace et la Moselle, qui en 1905 sont territoires allemands, ni la Guyane ni Mayotte qui ne figurent pas dans lénumération des territoires concernés.
Lobjection la plus importante visait lincapacité des associations cultuelles à recevoir des donations ou des legs (article 19). Elle fut atténuée par la non-limitation des cotisations et disparaît avec un décret de 1966 qui autorise les dons et legs sous certaines conditions. La loi de séparation connaîtra neuf modifications jusquà nos jours. Il ne serait donc pas inhabituel den prévoir dautres.
La séparation des Églises et de lÉtat est demandée par les Églises libres qui se constituent en union à partir de 1849, à linstigation de Frédéric Monod et du comte Agénor de Gasparain, à la suite de lassemblée du protestantisme réunie à lOratoire du Louvre en 1848. Le synode général réformé de 1872, selon le compte-rendu quen a fait le pasteur Eugène Bersier, reconnaît que « le principe de lindépendance réciproque des Églises et de lÉtat doit être inscrit dans le droit des sociétés modernes ».
La Loi de séparation connaîtra neuf modifications jusquà nos jours. Il ne serait donc pas inhabituel den prévoir dautres.
Les travaux de Jean Baubérot et André Encrevé montrent que les protestants nont pas vraiment un rôle moteur lors de la séparation de lÉglise et de lÉtat. Représentant environ 2 % de la population, comme le souligne J.-P. Willaime, ils ne peuvent constituer un groupe de pression. Cependant quelques protestants cités jusquici ont exercé un rôle personnel qui na pas été négligeable.
En définitive laction la plus déterminante a peut-être été celle de Louis Méjan, commissaire du gouvernement près le conseil de préfecture de la Seine et collaborateur dA. Briand ; il a probablement contribué à ce que la loi ne comporte rien dinacceptable pour les Églises protestantes, quelle leur garantisse en particulier la possibilité davoir une vie synodale régionale et nationale. Linfluence de Louis Méjan se situe non au niveau du principe de la séparation et de son élaboration, mais à celui de son application.
Si les Églises libres et les Églises méthodistes étaient déjà séparées de lÉtat, on peut dire que les Églises réformées évangéliques étaient acquises à lidée de séparation. Les plus réticents ont été les réformés libéraux qui pensaient que les articles organiques contribuaient à maintenir lindépendance du corps pastoral par rapport aux paroisses, comme le pensait un juriste, le doyen Jalabert, à linverse du pasteur libéral Comte, de St Étienne.
Moins aisés que les orthodoxes, les libéraux craignaient aussi les conséquences financières de la séparation. Quant aux luthériens, la doctrine des deux règnes les incitait généralement à compter sur lÉtat pour lorganisation des Églises, ce qui ne leur posait pas de problème majeur dans la mesure où la liberté de la prédication était assurée. Le budget des cultes protestants sélevait à environ deux millions de francs. Les protestants français collectaient déjà quatre ou cinq millions pour leurs uvres. Finalement ils trouveront les ressources nécessaires qui leur permettront de se passer des subsides de lÉtat.
La séparation des Églises et de lÉtat de 1905 nest pas la première. On parle peu de celle qui a été instituée par la convention thermidorienne en 1795 à linstigation de Boissy dAnglas, futur vice-président de la société biblique et membre du consistoire réformé de Paris. Cette séparation qui a conduit à la liberté des cultes est tombée dans loubli, mais na duré que peu de temps.
Le premier article de la loi de 1905 assure la liberté de conscience. Il a été accepté par 422 voix contre 45. Larticle 2 indique que la République ne reconnaît aucun culte, il ne signifie pas pour autant que lÉtat méconnaît les cultes, mais quil ne doit en privilégier aucun. Les cultes ne sont plus salariés ou subventionnés par lÉtat qui cependant pourvoit aux dépenses des services daumônerie.
Lexistence dun internat, dun lieu fermé ou dune impossibilité de se déplacer peuvent empêcher les personnes physiques dexercer librement leur culte. Le paragraphe sur les aumôneries a donné lieu à de vives discussions et a été accepté de justesse par 287 voix contre 281. Larticle 4 concerne la mise à la disposition des associations cultuelles des biens mobiliers ou immobiliers détablissements publics du culte. Cest larticle qui va créer de grandes difficultés au moment des inventaires, ce quon ne peut soupçonner sur le moment. Larticle 4 est voté par 509 voix contre 44. Il est inspiré de la législation concernant lÉglise dÉcosse, à linitiative de Francis de Pressensé, député du Rhône, président de la ligue des Droits de lHomme et fils dEdmond de Pressensé, pasteur de lÉglise libre, sénateur et membre de lInstitut.
La séparation est faite. Clémenceau accuse Briand et Jaurès de trahir la laïcité et les traite de « socialo-papalins ». Il ne faut surtout pas oublier larticle 31 qui interdit toute pression de quelque nature que ce soit en vue dexercer ou de sabstenir dexercer un culte. Larticle 32 interdit dempêcher, de retarder ou dinterrompre les exercices dun culte, comme cela sest produit récemment dans la banlieue parisienne, à Montreuil. Lexercice public du culte reste lié à un libre choix individuel. Larticle 34 interdit aux ministres du culte doutrager ou de diffamer en public un citoyen chargé dun service public. Larticle 35 interdit les discours ou les écrits qui tendent à résister à lexécution des lois ou des actes légaux de lautorité publique. Les contrevenants sexposent à des amendes correctionnelles et, éventuellement, à des peines de prison.
Larticle 2 indique que la République ne reconnaît aucun culte, il ne signifie pas pour autant que lÉtat méconnaît les cultes, mais quil ne doit en privilégier aucun. Les cultes ne sont plus salariés ou subventionnés par lÉtat qui cependant pourvoit aux dépenses des services daumônerie.
Quand il sagit de garantir lexpression de la pluralité des cultures et des convictions religieuses ou philosophiques, de favoriser lémancipation des personnes et de construire une société solidaire dans le respect de la dignité de chacun, la grande question porte sur la capacité de la loi de 1905 à répondre à ces objectifs. Celle-ci permet-elle à la nation daffronter les problèmes de notre temps, dassurer la liberté de conscience et de garantir le libre exercice des cultes ?
Il faut donc manier avec précaution les dispositions qui permettent à la liberté de chacun de sexercer sans nuire à celle des autres. Clémenceau a dit : « Je suis fort si je puis convaincre, mais je suis déplorablement faible si je veux imposer. » Encore faut-il ne pas avoir la rage de convaincre à tout prix, forme parfois subtile de lintégrisme, et développer une éthique du débat qui soit respectueuse de ladversaire. Rappelons le principe attribué à Voltaire : « Même si je ne suis pas daccord avec vous, je suis prêt à me battre pour que vous puissiez exprimer votre avis.»
En 1987, pour le deuxième centenaire de lÉdit de Tolérance, dans lamphithéâtre Descartes, à la Sorbonne, le conférencier conclut en affirmant : « Seul lintolérant est intolérable. » Il oublie que le chrétien est invité à condamner le péché, mais quil ne lui appartient pas de condamner le pécheur. Le fameux slogan « pas de liberté pour les adversaires de la liberté » sest toujours traduit en fin de compte par moins de liberté pour tous.
LAssiette au beurre, n° 180 du 10 septembre 1904. Cette revue de gauche a consacré plusieurs numéros au ton très vert aux rapports entre l'Église catholique et l'État. Clairement anti-romaine, elle consacre ce numéro aux Grandes et petites superstitions. Le texte qui figure sous l'image mérite d'être recopié ici: À la mémoire de l'Homme admirable qui le 1er osa parler aux autres Hommes de leur conscience, cet instinct de la responsabilité de chacun. Il mourut pour et par son grand rêve, vaincu par les superstitions plus fortes que lui, mais l'exemple de son grandiose courage nous reste. Que les mercantiles qui altérèrent son verbe puissant pour continuer les Pharisiens et les marchands du Temple soient de plus en plus méprisables. Reproduit dans À bas la calotte, Éditions Alternatives, 2005 (Voir page 5 de ce numéro dÉ&l).
La loi protège la religion aussi longtemps que la religion ne prétend pas dicter la loi. La loi de 1905 na en définitive rien de dépassé, même si certains articles sont devenus obsolètes car ils concernent des ministres du culte de lépoque concordataire qui ne sont plus en vie aujourdhui et que la conversion des francs davant 1914 en euros naurait guère de sens. Des questions très pratiques comme la fonction des ministres des différents cultes, la construction et le financement dédifices religieux visibles afin déviter la marginalisation de certains croyants dans des caves ou des bâtiments vétustes, les compétences des associations cultuelles qui sont peut-être trop étroitement limitées à lexercice de la religion, peuvent être traitées par la voie réglementaire, voire par des mesures législatives spécifiques.
Une place doit être faite à part, non pour lenseignement religieux confessionnel dans les écoles, mais pour lenseignement des religions en tant que représentatives des diverses cultures, dans le cadre des programmes scolaires. Le livre de Nicolas Sarkozy (La République, les religions, lespérance, Cerf, 2004) propose dorganiser des cours décrivant, dans les grandes lignes, les principales religions en cherchant, si possible, des convergences. Le rapport Debray (Lenseignement du fait religieux dans lécole laïque, février 2002) cherche à aller au-delà de la phénoménologie religieuse pour étudier les grands textes fondateurs, ce qui permet daller davantage au centre des choses, mais savère moins accessible pour les collégiens.
Il ne semble pas indispensable de remettre en chantier lensemble de la loi de 1905, qui peut sappliquer aussi à des religions qui étaient peu représentées sur le territoire hexagonal au début du XXe siècle, comme lislam ou le bouddhisme. Un toilettage systématique de la loi ne savère pas nécessaire. Il en est de même dune nouvelle négociation de fond en comble. Des modifications en fonction du temps présent simposent cependant si nous ne voulons pas que notre société se replie frileusement sur elle-même et laisse de côté des religions qui nétaient pas présentes, ou qui létaient fort peu, il y a cent ans, sur notre sol qui est traditionnellement une terre dasile.
La réflexion qui simpose à ce sujet ne peut se faire quen concertation avec les autres nations, ne serait-ce que celles qui sont géographiquement ou linguistiquement les plus proches. La question de laménagement de la loi de 1905 reste largement ouverte. Comme le disait Stendhal « lerreur serait de conclure » trop vite. Une réflexion protestante sur le modèle français de la laïcité, sa valeur et ses limites, ne sera sans doute pas sans importance à lheure de la mondialisation.
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Numéro 194 |
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