Jai de plus en
plus de mal à entendre le mot amour. Employé à
toutes les sauces, non seulement sentimentale ou érotique mais
également ecclésiale, répété à
lenvi par tous les prêcheurs de vertu évangélique
ou humanitaire, cest comme sil avait perdu sa saveur, à
linstar du sel du sermon sur la montagne. Je nirais pas
jusquà lui réserver le même sort, mais jen
viens franchement à regretter des mots un peu anciens, comme
bienveillance et charité, ou moins ambitieux apparemment comme
le mot respect. Entre nous, respecter son prochain nest déjà
pas si mal, et assez difficile dans certains cas ! Pour ce qui est du
mot charité, souvent honni et quon a depuis longtemps remplacé
par « amour » dans la fameuse épître aux Corinthiens
ch. 13, sa disparition de notre univers familier ne la-t-il pas
lavé du poids de condescendance et de paternalisme qui nous lavait
fait prendre en grippe à une certaine époque ? Et donc
ne serait-ce pas aujourdhui au mot amour de séclipser,
certes pas pour faire disparaître la merveilleuse réalité
quil est censé désigner, mais plutôt pour
lui permettre de se cacher pudiquement derrière des termes plus
précis comme laffection, lattention, le soin, la
compassion, le sourire, la gentillesse même
Ce qui rend
Jésus vivant à nos yeux, nest-ce pas justement quil
a vécu et exprimé lamour qui était en lui
dans des gestes particuliers, des attitudes singulières, des
rencontres à chaque fois inédites ?
À tant parler damour, on peut parfois se
demander si ce nest pas cela que nous essayons desquiver,
à savoir le devoir daimer vraiment, ce qui ne relève
pas du rêve pieux, mais de lengagement dans la réalité
au côté des autres.
Florence
Taubmann