Hubert Reeves raconte
que lors dun cours dapologétique dispensé
par un jésuite, un élève lui demanda ce qui se
passerait si, faisant lépreuve du doute, il narrivait
pas à ses conclusions habituelles. La réponse fut: «ne
vous inquiétez pas, nous y arriverons». Le jeune Hubert,
pourtant docile, se sentit floué et sa foi en fut durablement
ébranlée. Les meilleurs esprits fuient ceux qui ont «trouvé
la vérité» et oublient le chemin et la vie sans
lesquels elle reste lettre morte.
Lapologétique risque donc dêtre
lart de feindre le doute pour empêcher tout questionnement
véritable. Serait-elle bonne, alors, à interdire? On tombe
ainsi dans le risque de lindividualisme sentimental qui refuse
toute confrontation entre foi et raison. Il faut par conséquent
revenir à lidée simple que lapologétique
est la défense raisonnée de la foi, le fait den
être lavocat, cest-à-dire être appelé
auprès delle. Le modèle en est Pascal et son «Apologie
de la religion chrétienne».
Lapologétique devient alors le fait de sadresser
à tous les hommes et non se perdre dans des querelles de chapelles.
Cest reconnaître que tous les hommes doutent, y compris
soi-même. Cest donc une preuve de courage face aux esprits
forts et aux relativismes séduisants, que davouer la faiblesse
de la foi face à la raison puisquelle a besoin dêtre
défendue.
Dieu seul donne la foi, mais cest notre responsabilité
de lui ouvrir la voie par la critique des idoles qui en tiennent lieu,
positivisme compris. Le dialogue avec lathéisme radical
est finalement le plus fécond, car il rend plus fort et plus
humble à la fois, cest-à-dire apte au dialogue avec
toutes les croyances et donc avec chacun.
Philippe
Gaudin