Invité à
déjeuner chez Théodore Monod, à Dakar, jai
trouvé un carafon de vin et un bifteck. « Ce nest
pas parce que je suis abstinent et végétarien que je dois
imposer mes choix aux autres », ma-t-il dit. Voici un exemple
de largeur desprit et de libéralisme qui, à mes
yeux, a la valeur dune parabole moderne. La question de la tolérance
na vraiment été posée quà la
fin du XVIIe siècle par Pierre Bayle avec sa défense du
droit à lerreur.
Dans une lettre adressée aux instituteurs, Jules
Ferry, alors ministre de linstruction publique, donne un conseil
qui peut être utile à tous :
« Au moment de proposer à vos élèves
un précepte, une maxime quelconque, demandez-vous sil se
trouve à votre connaissance un seul honnête homme qui puisse
être froissé de ce que vous allez dire. Demandez-vous si
un père de famille, je dis un seul, présent à votre
classe et vous écoutant, pourrait, de bonne foi, refuser son
assentiment à ce quil entendrait dire.
Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment
Vous ne toucherez jamais avec trop de scrupules à cette chose
délicate et sacrée quest la conscience. »
Si lon vient vous dire que vous êtes un vulgaire
moraliste, nhésitez pas à redorer votre blason en
proclamant hautement que vous faites de léthique, et non
de la morale. Les deux mots ont étymologiquement le mêmes
sens, mais le premier terme vient du grec et est tellement plus noble
que le second, dorigine latine ! La tolérance nest
possible que dans la mesure où elle repose, non sur le mépris
ou lindifférence, mais sur le respect profond de linterlocuteur.
En cette année de commémoration de la libération
dAuschwitz, il importe dinsister sur toute proposition qui
permette de faciliter un peu la compréhension entre les hommes.
Philippe
Vassaux