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Numéro 188 - Avril 2005
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Quel regard un lecteur d’aujourd’hui peut-il avoir sur La Vie de Jésus d’Ernest Renan ? Cette démystification du christianisme parue en 1863 fit l’effet d’une bombe. On y trouve en effet indirectement une charge contre les doctrines traditionnelles de l’Église catholique de l’époque.

La Vie de Jésus d’Ernest Renan (1823-1892)

Nommé au Collège de France, où il inaugurera une chaire de langues hébraïque, syriaque et chaldaïque, c’est au cours de sa leçon inaugurale, le 22 février 1862, que Renan parla de Jésus comme d’un « homme incomparable » et non d’un Dieu. Ces deux mots, entre autres, scandalisèrent ; révoqué de sa chaire, il ne la réintégrera qu’après la guerre de 1870.

C’est en historien, s’appuyant sur la critique scientifique, qu’il écrira cette Vie de Jésus. Renan « magnifie la personnalité de Jésus, mais il démontre que le fondateur du christianisme n’est pas l’incarnation de Dieu. Il donne à admirer un être exceptionnel, mais un homme rien qu’un homme », comme l’écrit Michel Winock (Les voix de la liberté, Seuil).

Approche historique, écriture romantique

Partant des quelques traces d’histoire admises à l’époque, Renan va reconstituer la vie de Jésus à partir de son immense érudition, s’appuyant sur les travaux de l’école critique allemande, et y apportant une connaissance profonde de la Palestine. Toutes ces qualités seront au service d’un véritable génie propre de l’écriture, qui fit de cet ouvrage un succès immense, un chef d’œuvre de la littérature romantique. Mais il est difficile aujourd’hui de se reconnaître dans ce Jésus suave et mièvre qui parcourt la Galilée, en compagnie de ses amis et de quelques femmes empressées, une bande de braves gens simples et crédules.

En ce qui concerne les miracles, Renan constate que Jésus fut un thaumaturge « à contre cœur » et qu’il « subissait les miracles que l’opinion exigeait, bien plus qu’il ne les faisait ».

La résurrection de Lazare ne peut-être que le fruit d’une méprise, à savoir d’une confusion entre le Lazare de la parabole et le frère de Marthe et Marie. Propagée par les commérages d’une ville d’Orient, l’hypothèse fut changée en fait. En ce qui concerne la résurrection de Jésus, Renan considère qu’elle est le fruit « de la forte imagination » de Marie de Magdala : « Pouvoir divin de l’amour, moments sacrés où la passion d’une hallucinée donne au monde un Dieu ressuscité !»

Si Renan ne croit pas à la divinité de Jésus (pas une seule fois il ne parle du « Christ »), il voue à l’homme une admiration sans bornes. « S’être fait aimer à ce point qu’après sa mort, on ne cessa de l’aimer, voilà le chef d’œuvre de Jésus. » « Il ne fut pas un fondateur de dogmes […], c’est l’initiateur du monde à un esprit nouveau. » « Il a fondé la religion dans l’humanité, comme Socrate y a fondé la philosophie et Aristote la science. » Il estime ainsi que Jésus est la personnalité qui a fait faire à l’humanité « le plus grand pas vers le divin ».

Accueil officiel réservé, succès populaire

Avec ce livre, Renan devint un adversaire redoutable de l’Église catholique. Elle fut désorientée par cette interprétation appuyée sur des centaines de références bibliques, véritable déconstruction du christianisme d’alors. Les libres-penseurs, de leur côté, mirent près de cinquante ans avant de trouver dans ce livre une référence privilégiée ; La Vie de Jésus, n’était pas, en effet, un manifeste d’athéisme et Renan, selon eux, y donnait une place trop importante au sentiment du divin.

Les protestants, enfin, furent assez réservés. Albert Schweitzer, dans sa fameuse et monumentale étude consacrée aux innombrables livres portant sur la vie de Jésus, se montra très sévère : « Il n’y a guère d’ouvrage qui pullule d’autant de fautes de goûts – et des plus affreuses ! Il s’agit là d’un art chrétien au pire sens du terme, d’art de figurines de cire. » Pourtant, le succès de cette Vie de Jésus fut tel qu’il entraîna l’admiration, puis la conviction de nombreuses personnes qui se convertirent au christianisme après l’avoir lu. feuille

François Lerch

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