La Mission de France
est un diocèse français catholique étrange, sans
géographie, mais avec un évêque bien à lui,
205 prêtres et des diacres. Ses fidèles: des hommes et
des femmes quun de ses évêques appelle des «incroyants
en Christ». Pourquoi donc cette dénomination? Dans notre
pays pourtant de tradition catholique, énormément de gens
nont jamais entendu parler du christianisme. Il nest pas
obligatoire de chercher à des milliers de kilomètres pour
trouver des personnes sans aucune culture religieuse, que ce soit par
tradition familiale, par refus systématique, ou par déception
suite aux premiers contacts avec la religion. Nos synodes actuels, tout
comme lÉglise catholique, sinterrogent sur la possibilité
de témoigner de lÉvangile auprès de tous
ces gens.
Sans la résurrection,
le message chrétien nexiste pas. Répon-dre
aux questions et interrogations quant à la résurrection
est donc primordial.
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Témoigner de lÉvangile? Ou «transmettre
la foi», comme il est dit dans le diocèse catholique de
Lyon qui vient de se lancer dans une grande distribution de Nouveaux
Testaments, digne des méthodes de certaines Églises évangéliques?
Comment lit-on la Bible quand on la reçoit dans de telles conditions?
Quelle compréhension en a-t-on? Comment sinscrit-elle dans
le vécu de celui ou de celle qui la lit? Sa lecture ne risque-t-elle
pas de produire leffet inverse de celui dont on rêve et
déloigner plutôt que daccueillir son lecteur?
Les échanges avec ceux qui se trouvent à
la marge de nos cercles religieux ou cultuels sont toujours passionnants.
Nous avons beaucoup à apprendre sur nous, sur notre capacité
à communiquer en écoutant leurs interrogations, leurs
doutes, leurs étonnements ou même leurs rebellions. Nous
avons aussi à nous poser de nombreuses questions sur notre foi,
sur son expression, sur notre rapport aux textes bibliques, sur notre
capacité à louverture. De telles rencontres sont
toujours loccasion de prendre conscience de la fragilité
de nos discours et de la nécessité de fuir la fixité
ou la rigidité dogmatique.
Parler de Pâques avec des non chrétiens
Prenons pour exemple les textes bibliques pour ce temps
de Pâques. Ne risquent-ils pas de paraître incompréhensibles
à ceux et à celles qui sont extérieurs à
nos langages parfois trop spécialisés? Sans la résurrection,
le message chrétien nexiste pas. Répondre aux questions
et interrogations quant à la résurrection est donc primordial.
Affirmer que le tombeau de Jésus le Christ est
vide et que cela prouve bien la vérité de ce que nous
croyons serait un bien mauvais début pour une conversation sur
le sujet avec beaucoup des non chrétiens. En déclarant
que les textes, selon une lecture littérale que nous pourrions
faire, racontent des faits, que Jésus est revenu en chair et
en os, que son cadavre a repris vie, en ajoutant que nous ressusciterons
nous aussi, après avoir traversé le noir du tombeau, et
que nous reviendrons tels que nous sommes, faisons-nous autre chose
quexprimer notre peur et devant la mort? Cette angoisse et le
refus de notre finitude commandent souvent la lecture de textes concernant
la résurrection ou la réincarnation.
Lire les textes bibliques sans se départir de
nos facultés intellectuelles?
Comprendre les textes bibliques avec notre intelligence
oblige-t-il à admettre que Dieu ne se manifeste que dans des
actions irrationnelles? Nous serions alors assommés par une puissance
incompréhensible qui nous dispenserait de toute réflexion
et nous forcerait à plier léchine, servilement,
devant sa force. Dieu serait omnipotent, omniscient, maître de
tout. Cette image de Dieu est certes présente chez les hommes
qui se servent de leurs catégories habituelles pour dire leur
relation à Dieu. Ils la pensent à limage des relations
entre humains, dominées par le pouvoir et légocentrisme.
Chacun se trouve bloqué dans limage quon sest
forgée de lui qui lenferme comme un tombeau. Il na
aucune possibilité qui lui donnerait lespérance
de sortir dune telle situation. Nos textes bibliques sont souvent
lus par des hommes qui interprètent leur rapport à Dieu
selon ce modèle. Ils ne perçoivent alors quune face
de Dieu, une face violente.
Les Écritures nous apportent bien plus que des
renseignements historiques tendant à localiser Dieu dans le temps
et lespace ou que des essais tendant à le décrire.
Elles nous enseignent la liberté et, peut-être même,
la capacité de grandir, de rejoindre Dieu loin de toute religiosité
et de tout rite. Cette liberté est offerte à lhomme
Abraham qui part à la découverte de linattendu de
son être. Il sort de sa famille, de son pays, il rejoint une autre
terre: sa vie. Il découvre quil ne peut le faire quaccompagné
de cette confiance en ce qui est force en lui: un Dieu qui se manifeste
à lui dans sa pensée, dans sa conscience et non dans des
statuettes devant lesquelles se prosterner. Cette liberté est
offerte à un peuple, à une communauté qui sort
desclavage mais doit apprendre pendant de longues années
derrance ce à quoi la liberté oblige: être
éduqué pour vivre les uns avec les autres, les uns pour
les autres; sortir dun état sauvage pour entrer dans une
ère civilisée. Les prophètes du Premier Testament
rappellent sans cesse cette liberté; ils luttent contre la facilité
à retomber dans ces esclavages que sont les tentations de dominer,
de soumettre les autres à son pouvoir, de vivre dans le culte
de soi, déliminer autrui qui dérange. Le Nouveau
Testament ouvre lapprentissage de cette liberté à
chacune, à chacun, individuellement, indépendamment de
toute appartenance à un peuple. La vie croyante, dans ses choix
plus que dans des événements racontés et interprétés
théologiquement, et lenseignement de Jésus de Nazareth
permettent daccéder à cette liberté denfant
de Dieu.
Lappel à la liberté
Que veut dire enfant de Dieu pour un non chrétien?
Comment lui en parler? Je dirais: en évoquant la possible accession
à un état où on est responsable, où on est
conscient de ses choix et de ses actes, où on se tient debout
devant Dieu.
Que nous apprend Jésus? Que nul nest exclu
de lamour de Dieu. Cet amour ne dispense pas des épreuves
de la vie, mais il aide à trouver la force de les traverser.
Jésus va au bout de son action quand il souligne que la loi de
Moïse est un instrument pour aider lhomme à la liberté
et non pas un outil pour lasservir à Dieu. Lorsque nous
disons avec le centurion: «cet homme était vraiment Fils
de Dieu» (Mc 15,39), nous faisons confiance, nous avons foi en
ce que Jésus est venu révéler de lamour de
Dieu; et alors la Parole, ouverture et espérance possible pour
tous, ne peut être tue.
Les essais permanents pour faire régner le despotisme,
le mal et le mensonge sur les hommes: voilà la fermeture et le
silence du tombeau. Par son envoyé, son Messie, Dieu offre et
donne lassurance que la pierre qui ferme le tombeau peut toujours
être roulée. Le tombeau devenu béant, vidé
de la mort, laisse la Parole, le témoignage, courir le monde
au gré des rencontres entre les êtres humains.
Peut-être ne faut-il pas chercher dans les Écritures
un sens déjà inscrit. Peut-être devons-nous ouvrir
nos vies à lécoute des paroles et des rencontres
des autres, partager leurs recherches, leurs questions et accepter de
perdre la sécurité de nos discours trop bien charpentés.
Peut-être, et même sans doute, Dieu se laisse-t-il rencontrer
dans des échanges avec dautres perceptions religieuses.
Ainsi, la tendance actuelle à se concocter sa religion en puisant
dans plusieurs confessions, loin dêtre une horreur et une
erreur, si elle nest pas seulement signe de superstition, peut
être lannonce dune nouvelle quête spirituelle
.
Florence
Couprie
Les mots «ressusciter»,
«résurrection» appartiennent au patois théologique
alors que les mots grecs qui sont dans la Bible sont des mots
qui appartiennent au langage courant des gens de lépoque:
se lever [
] Cest un mouvement très concret
qui est traduit par «ressusciter».
La résurrection
est ainsi quelque chose de concret qui appartient à la
vie de tous les jours. Dailleurs la Bible en parle souvent
au passé. Lapôtre Paul nous dit: «vous
avez été ressuscités en Christ».
La vie éternelle
est quelque chose que le Christ nous donne dans cette vie présente,
ce nest pas seulement une vie future (après la mort
de notre corps), mais une vie présente qui est éternelle
par certains aspects.
Marc Pernot, Petit dictionnaire
de théologie
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