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Numéro 185 - Janvier 2005
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On a bien vu, dans ce geste, celui du service et de l’humilité, mais on a moins souligné le geste de l’amant…

Le lavement des pieds Jean 13,1-17

Cette fois encore, Pierre n’a rien compris. Car Pierre, lui, a le sens de la hiérarchie. Et il le sait bien : un maître ne lave pas les pieds de ses disciples. Ce geste est un geste d’esclave, ou d’amant. Pourtant, Jésus est là. Il s’est dévêtu, il a mis un torchon comme tablier. Le voilà à genoux. Devant Pierre. L’acte est colossal : la parole de Dieu en tablier, le verbe à genoux, esclave, amant. Pierre ne pouvait pas comprendre, ne pouvait pas accepter un tel geste. Car ce geste s’en vient à jamais bouleverser notre idée de Dieu. Ce geste est colossal, plus fort encore peut-être que l’institution de la Cène. Un geste tellement énorme que nous n’avons, comme Pierre, pas pu le supporter. Ce qui est le troisième sacrement a disparu à tout jamais de nos disciplines. Le Logos à genoux. Un maître à genoux. Un geste qui dit un homme pour le service. Un geste qui s’en vient à jamais briser la loi de la violence dans nos humaines relations, un geste qui s’en vient briser à jamais nos idées de hiérarchie et de dignité. Voilà la suprême dignité : être suffisamment détaché du souci de soi, de son ego, pour pouvoir prendre le risque de l’agenouillement.

Mais peut-être aussi est-ce la seule réponse possible à la trahison ? Il faut le souligner : ce geste incroyable du Maître est encadré par les annonces de la trahison de Judas. Et la trahison est peut-être l’expérience la plus absolue de notre condition humaine. La trahison nous constitue. Elle est notre expérience la plus fondamentale, à la hauteur de notre confiance brisée, de nos affections bafouées. Qui d’entre nous peut dire en vérité, n’avoir jamais ressenti la morsure de la trahison et l’immense désespoir qui en résulte ? Être trahi, avoir trahi, voilà notre blessure la plus secrète. Monte alors en nous la question : comment survivre encore, avec au cœur cette déchirure ? Et là, au cœur de cette brûlure qui, en vérité, nous constitue, Jésus s’agenouille. Le Maître se tient à genoux devant toi, comme pour mieux te relever, comme pour inventer une nouvelle grammaire à nos émotions, à nos sentiments, à nos relations.

Jésus et Marie de Béthanie, un même geste

On a bien vu, dans ce geste, celui du service et de l’humilité, mais on a moins souligné le geste de l’amant. Pourtant, l’évangile de Jean lui-même fait le parallèle : au chapitre qui précède, juste avant l’entrée à Jérusalem, Marie de Béthanie s’est, elle aussi, agenouillée. Elle a lavé les pieds du Maître, elle les a baignés de parfum, et les a essuyés de ses cheveux. Geste de l’épouse, de l’aimante, geste quasi érotique qui nous choque, comme il a choqué Judas, dont la réaction et l’incompréhension viennent faire le pendant de celle de Pierre. Le même verbe grec est employé dans les deux cas pour laver, et ainsi la dernière entrée à Jérusalem se trouve encadrée de ces deux récits de lavement des pieds. Étonnant, non ? Et voila que le Maître lui-même le proclame : « Faites, vous aussi, ceci ».

Ne cherchez plus à dominer. Ne cherchez plus à vous imposer par la force. L’homme est un être pour : pour la tendresse, pour la relation, pour le service, pour la rencontre, la tendresse aimante : Marie de Béthanie. Bouleversement de notre grammaire relationnelle : la Parole à genoux devant toi. Voilà bien une grande béatitude : « Heureux, si vous faites cela ». Voilà la 11e béatitude, celle de l’évangile de Jean, qui résume et accomplit toutes les autres. Ce geste nous révèle un Dieu au-delà de Dieu lui-même, un Dieu au-delà de la puissance qui se révèle dans la tendresse, un Dieu qui se met au service de l’homme, folie, scandale, et pourtant… Déjà, l’homme ceint seulement d’un torchon annonce l’homme nu de la croix.

Oui, déjà, tout s’accomplit. Rien ne sera plus jamais comme avant ! L’agenouillement du Fils fait s’ouvrir en nous une porte jusque là verrouillée, celle du pardon possible, celle à laquelle Christ se tient et frappe. Regarde : le Maître à genoux, pour te relever. feuille

Jean-François Breyne

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