À Manon qui
ne sen souvient plus.
Au temple, lassistance sent parfois certains propos,
certains gestes la réveiller brusquement. Une réalité
spirituelle affleure, inattendue, presque insolite et dérange
la monotonie des cérémonies et des discours. Lassemblée
est lancée hors delle-même, hors de sa paresse ordinaire
et de sa médiocrité. Elle connaît ainsi de beaux
réveils émouvants dautant plus quinattendus.
Le pasteur, en un tel jour, baptise deux adolescents
avant leur première communion, ce qui est la succession traditionnelle
de nos rites. Deux jeunes, une fille et un garçon, sont placés
en face de lassemblée. Elle vient de recevoir sur le front
leau qui, formellement, la fait entrer dans lÉglise
de Jésus-Christ. Le pasteur se retourne et interpelle maintenant
le jeune catéchumène placé en face delle
; il sapprête à prononcer pour lui les paroles habituelles.
Avant quil ne sapproche, dans ce court instant
où commence le face à face du baptisant et du baptisé,
elle se tourne vers lui et son regard fait tressaillir certains dans
lassemblée. Muette, illuminée, pleine de joie et
damour, avec un regard qui semble lenvelopper, elle lentraîne
dans cette épreuve, le pousse à accepter, à dépasser
sa timidité, son angoisse, à se réjouir. Concentré
sur ce qui se passe, il la regarde un bref instant, com-prend ce message
sans paroles, cette grâce quil véhicule et les assistants
ont, en un éclair, senti passer ce qui est difficilement exprimable.
On noublie pas de tels moments et lon garde
la mémoire de lillumination qui a ébloui ceux qui
ont eu le privilège de la ressentir.