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Numéro 184 - Décembre 2004
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Le commencement arrive en fait à la fin. Parce que l’histoire s’écrit à l’envers. Mais, à la fin, au moment où l’on voudrait enchanter les lecteurs, on ne sait plus ce qu’était le commencement. Il faut alors le reconstruire.

Où commence l’histoire de Jésus ?

Lorsque la renommée de Jésus commença à déborder la Palestine pour se répandre en Asie mineure, on parlait surtout de sa mort et de sa résurrection, ainsi qu’en témoigne l’apôtre Paul, citant les premières confessions de foi. Les années passant, les communautés chrétiennes voulurent aussi savoir ce que ce Jésus avait dit. L’évangile primitif de Thomas, c’est à dire celui qui a pris forme très tôt (probablement avant celui de Marc), puis a été retouché par les gnostiques, répond à cette demande : « Jésus di-sait… Jésus disait… ». Cet évangile apocryphe est très sobre, ne relatant que des paroles du Maître, fortes, mais complètement isolées de sa vie, de ses joies et de ses tristesses, de ses compassions envers tous ceux qu’il rencontrait.

Oui, mais que fut sa vie ? Marc fut le premier à raconter une histoire de Jésus relatant, en plus des paroles, les hauts faits, miracles et guérisons, que la tradition orale avait joliment rassemblée. La mémoire d’un homme s’embellit toujours lorsque le temps s’éloigne de lui, à plus forte raison lorsque cet homme est hors du commun. Jésus est déjà adulte au début de l’histoire parce que c’est à l’âge adulte qu’il a fait parler de lui.

Oui mais que s’est-il passé avant cette période publique ? L’embellissement du personnage continuait son œuvre et à cet homme exceptionnel il fallait une naissance exceptionnelle, qui puisse nous faire rêver et nous attendrir devant un petit enfant emmailloté. Parce que la naissance est toujours enchanteresse, porteuse de toutes les espérances du monde. Les mythes de la naissance merveilleuse et de la conception miraculeuse prenaient forme dans l’imaginaire de la tradition. Toutes les époques ont besoin de mythes qui prennent racine dans le monde des symboles, pour exprimer des vérités qui dépassent la mémoire du passé et la transforment. Matthieu et Luc relatent ces événements admirables, de manières très différentes, voire contradictoires ; peu importe puisque que nous ne sommes pas dans la dure réalité de l’histoire, mais dans la contemplation d’une merveille sortie de l’histoire.

Jean écrit son évangile au tournant des premier et deuxième siècles. À cette époque, la mémoire de ce que fut réellement Jésus commence à s’épaissir, de sorte que certains se demandent si Jésus ne pourrait pas être Dieu lui-même. Jean ne va pas explicitement jusque là, mais il s’en rapproche, exprimant une grande intimité entre le Père et le Fils. Jésus devient le Fils unique, préexistant et envoyé du ciel pour sauver tous ceux qui croient. Il se rapproche de l’Esprit, du Logos et donc les circonstances de sa naissance n’ont plus d’importance. Jésus ne naît pas chez Jean, de même qu’il ne meurt pas, mais retourne au Père. Dans le prologue, placé au début, mais écrit à la fin, le commencement de Jésus est déporté au commencement du monde, l’inondant de lumière. C’est du côté de cette lumière que se déploie tout l’évangile. Nous avons quitté le monde des ténè-bres pour nous laisser enchanter par le Royaume lumineux de l’Esprit.

Pourtant le problème du commencement de Jésus ne s’arrêtait pas là, puisque la question : « Oui, mais que s’est-il passé avant ? » hantait toujours les esprits, dans la recherche sans fin d’une remontée prodigieuse aux origines, que les généalogies trop lapidaires de Matthieu et de Luc ne suffisaient pas à épancher. Proliférèrent alors aux siècles suivants d’autres évangiles apocryphes, embellissant l’enfance de Jésus, construisant une naissance miraculeuse et une jeunesse sans tache à Marie, donnant des parents à cette femme devenue si pure, et retrouvant aussi une jolie histoire pour Joseph le charpentier. Plus on s’éloignait de l’époque où Jésus avait enseigné, plus le commencement de Jésus remontait le temps et les générations en nous enchantant de nouvelles et pittoresques histoires qui voulaient simplement dire que Jésus avait quitté l’histoire pour entrer dans la nôtre. Le commencement de Jésus, c’est le commencement de notre rencontre avec lui. feuille

Henri Persoz

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