Des rafales de vent
secouent les grands arbres, arrachent les feuilles couleur dautomne
qui prennent leur envol, planent en nostalgie avant de retomber. Tapis
multicolore qui bientôt deviendra grisaille indistincte avant
que le recouvre la blancheur hivernale.
Novembre, banalité récurrente annuelle
du long passage vers lhiver. Pour les plus romantiques ou les
plus perméables aux cycles naturels, ces feuilles errantes portent
des morceaux de passé qui se perdent. Envols de souvenirs soudain
colorés de jaune, de vert, de rouge et dor, de tristesse
et de rêve, de joie lointaine, de douceur apaisée, avant
de rejoindre la terre de loubli.
Depuis des millénaires, novembre est devenu le
mois de la mémoire. Aujourdhui encore, 1er novembre, 11
novembre, fêtes des morts anonymes ou lointains, et même
pour nous, à la frontière, fête de la Réformation,
aux racines de cette crise qui nous a fait naître. Un coup dil
en arrière, avant de sombrer dans la mort de lhiver en
latence des réveils et des nouveaux regards.
Là-haut passent les nuages que le vent effiloche,
passent les images des amitiés perdues, des proches disparus,
des rêves inaboutis. Les grandes vagues de ciel grave balayent
vers lhorizon des pans de passé perdu.
Et montent au fond de moi les grandes voix du silence.
Elles ouvrent un espace immense pour des espérances à
venir au-delà de moi-même.
Alors je crois sentir quil est une mémoire
profonde de ce monde où rien ni personne ne se perd, un lien
damour secret, caché, invisible qui rassemble tout et lance
à travers le temps des pistes despoir infinies.
Jacques
Juillard