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Numéro 182 - Octobre 2004
( sommaire )

Débattre

« Lolitas » hypersexys, brouillage des genres dont le marketing se joue, ni enfants ni adultes, provoquent un malaise : est-ce un mouvement de fond ou de mode ? Une plongée dans la presse fillette (5-12 ans) donne quelques clés de compréhension et quelques questionnements supplémentaires...

Lolitas en kiosque

La presse fillette ? Au kiosque à journaux, les couvertures colorées s’offrent sous plastique transparent avec un gadget très prisé (pendentif, tongs, perles, etc.). Une dizaine de titres mensuels dont Julie, Manon, Princesse, Les p’tites sorcières, Les P’tites princesses, Barbie Magazine, occupent le créneau ; certains comme Manon (6-8 ans) ou Julie (8-12 ans) tirent respectivement à 80 000 et 140 000 exemplaires. Si la presse fillette n’est pas un phénomène nouveau (elle paraissait déjà au XIXe siècle), elle s’était absentée des années durant, pour mille raisons, dont le féminisme et la mixité obligatoire des années 70 ne sont probablement pas les moindres. À l’époque, n’aurait-on pas pris pour une provocation l’appel évident à des valeurs féminines, même s’il est plus subtil que dans les Lisette, La Semaine de Suzette ou Bernadette de naguère ?

Plaire et séduire

La presse fillette d’aujourd’hui est, sans état d’âme, réservée aux filles, promeut un univers de filles dont les garçons sont les grands absents. Mais la différence avec les ancêtres ne tiendrait-elle pas dans cette autonomie qu’on encourage les jeunes lectrices à revendiquer, dans cette exigence de reconnaissance de leurs goûts, de leurs stars, de leurs marques, un mouvement dans lequel les adultes sont entraînés, consentants ou non ! Autre différence essentielle, ces fillettes apprennent très tôt à gérer les relations avec les copines et… avec les copains de cœur (les garçons n’existent généralement que dans cette relation). Et surtout à mesurer leur séduction. Il faut plaire, plaire encore et cette presse joue à fond sur l’apparence : conseils donnés pour personnaliser son look, vêtements recommandés – des pages de publicité pour des vêtements de marque chers –, même si dans la partie rédactionnelle on balance le conseil opposé : attention ne dépense pas futilement, ne t’attache pas aux marques, l’apparence n’est pas le seul critère pour être bien avec les copains !

Dès 6 ans, on trouve aussi la bonne vieille rubrique « Courrier » (courrier du cœur compris), lieu de balbutiements des soucis amoureux – « Je suis amoureuse mais je ne sais pas s’il m’aime » – des disgrâces physiques, du souci de l’apparence qui trahit l’inquiétude de ne pas être conforme. Le stéréotype minceur se glisse déjà au travers de conseils : tu es ronde, tu es mince, choisis tel vêtement, ne grignote pas… Le courrier a pour fonction évidente de relier les lectrices, mais ne donne-t-il pas en même temps au magazine l’autorité du savoir sur les conduites à tenir ? Les parents, dont on sait qu’ils contrôlent très peu ou pas du tout ces lectures, comme d’ailleurs le contenu des jeux vidéo des garçons, devraient y être attentifs.

Fillettes modélisées et formatées

Si l’on ne trouve plus les stéréotypes sexuels classiques (ménage, cuisine, enfants), la fillette est bien modélisée, formatée pour un univers féminin convenu où elle navigue de rubriques animalières à celles de bricolage (récurrentes celles-là et toujours connotées intérieur : décoration de la chambre, cadre pour ses photos, déguisements), d’interviewes de stars en reportages sur un métier « social » et en journal intime fortement valorisé – une expression de soi qui n’est jamais proposée qu’aux filles.

« Finalement, explique Corine Destal de l’université de Bordeaux qui a travaillé sur cette presse, les filles telles qu’on les montre dans la presse fillette correspondent à l’image de la femme moderne en miniature. On leur insuffle déjà qu’il faudra assurer sur tous les plans sans omettre cette touche de frivolité et de superficialité en même temps que de modération si typiquement féminines. Ce qu’on attend des filles ? Qu’elles contrôlent tout, les garçons étant largement dévalorisés dans cette presse. »

Signe de régression de la cause des femmes que cette presse fillette centrée sur un univers hyper féminisé ? « En tout cas très frileuse, peu novatrice, dangereuse lorsqu’elle encourage finalement les adultes à cautionner les relations amoureuses de leurs filles dès l’école primaire ! Prépare-t-on des objets sexuels pour demain ? Et des lectrices de la presse féminine plus que des quotidiens nationaux ? ». feuille

Claudine Castelnau

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