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Numéro 180-181
août-septembre 2004
( sommaire )

Combattre

Le pasteur Jacques Stewart, président de la Cimade, exprime son souci et son intérêt pour la cause des immigrés et des sans-papiers. II nous rappelle la nécessité de poursuivre le combat en leur faveur.

« Maîtriser l'immigration »

L'expression ne manque pas d'équivoque ; comme si l'immigration ne relevait que de l'exercice de notre pouvoir, ne devait et ne pouvait servir que nos intérêts d'ordre démographique et économique ; comme s’il fallait qu'elle se fonde, sans poser de problèmes, dans le paysage de certaines banlieues qui lui seraient réservées. S'il faut parler de maîtrise, c'est d'abord dans le sens d'une information objective et juste de l'opinion publique sur les réalités de l'immigration ; ce problème de société à l'échelle mondiale, qui nous concerne tous, nous questionne tous par ses enjeux humains et éthiques. Ce n'est pas la question taboue à abandonner à nos seuls gouvernements et à l'exploitation ethnicisante de l'extrême droite. Elle concernera nos enfants demain. Elle appelle une réflexion citoyenne responsable.

La réalité des situations économiques et sociales d'extrême précarité, des violences de certains régimes politiques, entraînant des déplacements forcés, ne peut être utilisée pour donner des flux migratoires la vision d'une menace. Cette même réalité ne peut non plus conduire à ne parler des migrants qu'en termes de victimes qui ne dépendraient que de l'assistance des États riches, et à oublier leur rôle prépondérant d'acteurs de développement dans les domaines de l'économie, de la culture et des relations sociales, pour les pays d'origine comme pour les pays d'accueil.

Ce ne sont pas forcément – ou seulement – les plus pauvres qui émigrent. Les raisons des migrations sont multiples : désir d'échapper à des situations de discrimination, d'insécurité, d'enfermement économique et social, désir d'émancipation, de découvrir d'autres modes de vie et de pensée, d'autres cultures, d'acquérir des connaissances, de construire des réseaux de relations et, peut-être ultérieurement, d'échanges de productions.

Apprendrons-nous à penser l'immigration dans la diversité mouvante de ses manifestations actuelles ? Penser à ses effets là-bas et ici ? La question n'intéresse-t-elle pas aussi en priorité nos solidarités entre Églises (comme le dialogue entre religions ) d'un continent à l'autre ? Parlerons-nous enfin davantage des migrations en termes d'espaces de liberté et de droit, en termes de protection des personnes, permettant d'éviter que des vies, des besoins et des désirs légitimes, des projets, tournent au cauchemar, à l'hécatombe ou à la marginalisation clandestine ? Apprendrons-nous dans notre pays à penser collectivement, à tous niveaux, les politiques de l'emploi, de l'habitat, de l'enseignement, et les moyens de relations interculturelles, dans de vraies perspectives d'accueil de populations différentes en mouvement ?

Il nous faut abandonner nos représentations sécuritaires des frontières. J'aime le commentaire de Jean Alexandre sur la fin du récit de Genèse 3, (Adam et Ève chassés du jardin d'Éden) : « Toute idéologie qui lie l'humain, par nature, à un territoire fixe, à une patrie, une race, une nation, se heurte à l'énoncé biblique : tu es coupé de tes origines, ton passé est passé, va vers ton avenir, à toi de le construire. Il n'existe plus d'autochtones. »

Au prétexte de s'opposer à l’entrée massive de clandestins, de lutter contre les trafics de population, les réseaux mafieux d’exploitation des mineurs, de prostitution, de drogue, et de protéger les intérêts des étrangers en situation régulière, la nouvelle loi sur l'immigration (comme celle sur l’asile) entraîne de fait à jeter une suspicion quasi systématique à l'égard d’étrangers entrant et séjournant sur le territoire. Elle renforce les obstacles à l'accès de statuts stables, aux conditions du regroupement familial, etc. Elle tend à assimiler tout étranger en situation irrégulière à un délinquant.

Les circulaires du ministère de l’intérieur ont enjoint aux préfets la multiplication des opérations de contrôle sur la voie publique et des arrêtés de reconduite hors frontières. Prenant pour motif l’alignement de la France sur les autres États européens, la loi a désormais fait passer de 12 à 26, voire 32 jours la durée de séjour dans les centres de rétention, d’où une hausse spectaculaire du nombre d’étrangers dans ces centres, dans des conditions d’entassement de plus en plus intolérables, sources d’incidents graves que dénonce la Cimade qui y est présente.

Rétention, charters d’exclusion, dernières étapes d’une « maîtrise de l’immigration » ? Quelle société, quel avenir construisons-nous ? feuille

Jacques Stewart

« Notre Dieu, nous voudrions franchir nos frontières, pour vivre le voyage, le brassage, l'échange de la communion. Nous voudrions aller là où ne nous porte pas notre origine, comprendre ce que notre formation ne nous donne pas à saisir, faire ce que nos habitudes ignorent, oublient et parfois méprisent. Nous voudrions faire comme toi, qui es le Dieu unique d'un peuple unique et qui es pourtant aiusi bien le Dieu qui abat les barrières, qui va et envoie jusqu 'aux extrémités de l'existence. Nous voudrions franchir nos frontières avec toi. »

André Durnas

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