logo d'Évangile et Liberté

Numéro 177 - mai 2004
( sommaire )

Commenter

Pourquoi restez-vous là, à regarder vers le ciel ?
Luc 24,4-6 ; Luc 24,13-32 ; Actes 1,9-11

Les protestants n’aiment pas beaucoup l’Ascension. Elle leur semble un peu irréelle, déraisonnable, incroyable au sens littéral du mot. Mais c’est justement ce que, à mon sens, nous expliquent les récits de Luc !

Ce ciel qu’au début du Livre des Actes, Jésus rejoint sous les yeux des disciples, est plein de mystères. Il n’a pas de limites, il va au-delà du temps et de l’espace, au-delà de ce que nous pouvons comprendre. Il est donc par excellence le domaine de Dieu, Dieu lui-même, puisqu’il dépasse tout ce qu’il est possible d’imaginer. Il n’est donc pas surprenant que, pour signifier ce Jésus qui rejoint Dieu, Luc utilise cette belle image de l’ascension vers le ciel pour exprimer ce voyage vers l’inconnu de Dieu, vers l’infini de Dieu, et aussi vers un monde de lumière.

Mais voilà que, sitôt Jésus « élevé », un nuage vient le soustraire au regard des disciples. Le nuage cache les réalités d’en haut, mais laisse entrevoir parfois, au gré de sa forme et de son épaisseur, ce monde inconnu et mystérieux que nous ne pouvons que soupçonner. Pour les anciens, le nuage est le symbole de ce qui laisse filtrer la lumière divine, à travers le voile opaque du mystère. Jésus est donc ici celui qui rejoint Dieu, et que nous ne percevons plus qu’à travers l’épaisseur de ce qui nous le cache.

Mais pourquoi ces deux hommes en blanc qui reprochent aux disciples de rester plantés là, à regarder le ciel ? Sont-ce les mêmes que ceux qui, au tombeau, reprochaient aux femmes de regarder vers les morts ? Curieuse réapparition. Ils posent le même type de question : Pourquoi cherchez-vous sous la terre ? Pourquoi cherchez-vous dans le ciel ? Il n’y a rien à voir ; circulez ! Perplexité des hommes et des femmes qui ne savent plus où il faut chercher leur maître, du côté du monde des morts ou du côté du monde des dieux.

La réponse à cette perplexité, qui est aussi la nôtre, peut être trouvée dans cette longue histoire des disciples d’Emmaüs, qui relie textuellement le récit des femmes qui regardent la terre à celui des hommes qui regardent le ciel. Surtout si l’on considère, avec certains historiens, qu’à l’origine l’Évangile de Luc et le Livre des Actes formaient une seule écriture continue que l’Église a coupée en deux par la suite. Ce n’est donc ni au cimetière, ni dans le ciel que les disciples retrouvent Jésus, mais sur la route d’Emmaüs, dans la cité des hommes, en marchant avec cet inconnu qui demande à les accompagner et leur parle des Écritures et des œuvres de Dieu. Il y a encore un nuage, entre Jésus et les disciples. Car ces derniers se préoccupent d’un corps perdu et Jésus se préoccupe d’un enseignement. Ils ne le reconnaissent donc pas, sauf lorsqu’il a disparu. Ambiguïté de la rencontre ; ambiguïté d’une religion qui s’attache plus à ce qu’est devenu le corps de l’enseignant qu’à l’enseignement lui-même.

Le nom d’Emmaüs n’est d’ailleurs pas choisi au hasard : d’après le Livre des Macchabées, c’est aux abords de cette ville que les troupes juives ont battu les armées grecques et conduit ainsi Israël vers la libération. Le Jésus ressuscité devient donc ce compagnon de route, qui demande à faire un bout de chemin avec nous, que nous croyons instruire, mais qui nous instruit et nous conduit sur le chemin de la libération.

La rencontre avec le Jésus d’après Pâques n’est donc pas dans le domaine du visuel, du palpable, dans la contemplation de la mort, ou dans la contemplation du ciel. Mais elle est dans la parole délivrée le long du chemin ; parole des prophètes qui dénoncent l’oppression du peuple et la trop grande indigence des pauvres ; parole de Jésus lui-même qui défend les rejetés de ce monde et nous invite à le suivre. Nous ne le voyons plus, puisqu’il a rejoint l’incompréhensible de Dieu ; il reste caché par le nuage épais du mystère ; mais nous l’entendons sur notre route, nous expliquer tout ce qu’il a fait pour les hommes et nous libérer. A nous de le reconnaître à sa parole avant qu’il ne soit reparti sur d’autres chemins.feuille

Henri Persoz

haut

Merci de soutenir Évangile & liberté
en vous abonnant :)

 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Évangile & liberté

Courrier des lecteurs

Ouverture et actualité

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs


Article Précédent

Article Suivant

Sommaire de ce N°


Vous pouvez nous écrire vos remarques, vos encouragements, vos questions