Depuis 1986 aux États-Unis,
et 1993 en Suisse, un nouveau type dacte pastoral a vu le jour
: les cultes pour divorcés. Plusieurs Églises protestantes
ont introduit des rituels pour divorcés dans leurs liturgies
officielles (Signalons que des réflexions quant à laccompagnement
des personnes divorcées sont en cours du côté catholique).
Sommes-nous en face dun phénomène
de mode, ou les cultes pour divorcés vont-ils ouvrir la voie
à dautres types dactes pastoraux, liés à
de nouvelles réalités sociales ou individuelles ?
Dans les Églises protestantes dAllemagne
et de Suisse qui proposent des cultes pour divorcés, le déroulement
de la cérémonie présente, à quelques détails
près, la même structure : accueil et invocation ; rappel
du projet initial (vision initiale du couple, du mariage, du conjoint,
etc.) ; réaffirmation de la responsabilité parentale (si
possible en présence des enfants) ; complainte (vision obscurcie,
expressions de peine) ; confession du péché ; annonce
du pardon et renouveau possible ; action rituelle (p. ex. rituel donction)
; action de grâce ; éventuel changement de nom de famille
(selon les pays) ; bénédiction.
Du fait du caractère nécessairement individualisé
dune telle cérémonie, il ne peut y avoir de liturgies
toutes faites. Une demande de culte pour divorcés sera examinée
avec soin par le/la pasteur/e de paroisse. Lautorité paroissiale
compétente (p. ex. conseil de paroisse) préparera la paroisse
à une telle cérémonie. Après discussion
avec les personnes concernées, il sera décidé si
cette cérémonie se déroulera lors dun culte
dominical, ou au contraire dans lintimité.
Sagit-il dun phénomène de mode
? Jespère que non. Les cultes pour divorcés nont
rien à voir avec une glorification du divorce, même si
quelques journaux allemands et suisses se sont empressés de présenter
les choses ainsi. Bien au contraire, comme le nom lindique bien,
il sagit de culte pour divorcés. Lenjeu de telles
cérémonies nest pas le divorce en lui-même,
mais la bénédiction de personnes divorcées.
La légitimité des cultes pour divorcés
me semble enracinée dans la compréhension biblique et
protestante du mariage et de léchec. Selon la conception
protestante, le mariage nest pas un sacrement. Et à moins
de sortir quelques versets de leur contexte, on aura de la peine à
trouver dans la tradition biblique un refus du divorce en tant que tel.
Par ailleurs, les statistiques montrent que le nombre
des divorces ne cesse daugmenter. Le divorce nest plus laffaire
de quelques personnes, mais bien une réalité pour tout
le monde, vécue personnellement ou indirectement. Si les Églises
veulent annoncer un Évangile libérateur dans tous les
domaines de la vie, il faut quelles assument aussi leur rôle
auprès des divorcés.
Poser la question des cultes pour divorcés, cest
avant tout se demander comment les Églises peuvent et veulent
accompagner les personnes qui divorcent ; cest aussi poser la
question de linsertion de lÉglise dans la société.
LÉglise, qui est toujours à réformer, peut-elle
(re)devenir une vraie interlocutrice et une partenaire pour les femmes
et les hommes daujourdhui ? Dans notre société
occidentale où seules les valeurs de largent, du pouvoir
et de la réussite importent, les Églises ont leur mot
à dire sur léchec et la souffrance : lhistoire
de Jésus ne commence-t-elle pas par la souffrance et léchec
? Si les évangiles nous montrent un Christ qui apprend aux gens
à marcher debout et à ne plus être prisonniers de
ce qui les fait souffrir, une Église ne peut pas faire comme
si elle nétait pas concernée par léchec.
Il est vrai que les Églises ne peuvent pas répondre
nimporte comment à une nouvelle demande rituelle. Mais
une Église protestante doit sinterroger : une telle attente
nest-elle pas légitime au nom de la conception libératrice
de lÉvangile quelle confesse ? En ce qui me concerne,
je crois quune Église répond à sa mission
thérapeutique, diaconale et sociale quand elle se donne les moyens
daccompagner des personnes divorcées avec ou sans
cérémonie liturgique.
Claudia
Rojas