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Numéro 177 - mai 2004
( sommaire )

Débattre

L'Église ne peut négliger de se demander comment elle entend accompagner les personnes divorcées. Que ce soit au travers d'un acte rituel ou non, elle devrait réfléchir à la façon d'an-noncer un Évangile libérateur - un Évangile qui prenne acte de l'échec d'une relation de couple et qui permette aux person-nes divorcées de marcher à nouveau debout.

Des "cultes pour divorcés"
une nouveauté légitime ?

Depuis 1986 aux États-Unis, et 1993 en Suisse, un nouveau type d’acte pastoral a vu le jour : les cultes pour divorcés. Plusieurs Églises protestantes ont introduit des rituels pour divorcés dans leurs liturgies officielles (Signalons que des réflexions quant à l’accompagnement des personnes divorcées sont en cours du côté catholique).

Sommes-nous en face d’un phénomène de mode, ou les cultes pour divorcés vont-ils ouvrir la voie à d’autres types d‘actes pastoraux, liés à de nouvelles réalités sociales ou individuelles ?

Dans les Églises protestantes d’Allemagne et de Suisse qui proposent des cultes pour divorcés, le déroulement de la cérémonie présente, à quelques détails près, la même structure : accueil et invocation ; rappel du projet initial (vision initiale du couple, du mariage, du conjoint, etc.) ; réaffirmation de la responsabilité parentale (si possible en présence des enfants) ; complainte (vision obscurcie, expressions de peine) ; confession du péché ; annonce du pardon et renouveau possible ; action rituelle (p. ex. rituel d’onction) ; action de grâce ; éventuel changement de nom de famille (selon les pays) ; bénédiction.

Du fait du caractère nécessairement individualisé d’une telle cérémonie, il ne peut y avoir de liturgies toutes faites. Une demande de culte pour divorcés sera examinée avec soin par le/la pasteur/e de paroisse. L’autorité paroissiale compétente (p. ex. conseil de paroisse) préparera la paroisse à une telle cérémonie. Après discussion avec les personnes concernées, il sera décidé si cette cérémonie se déroulera lors d’un culte dominical, ou au contraire dans l’intimité.

S’agit-il d’un phénomène de mode ? J’espère que non. Les cultes pour divorcés n’ont rien à voir avec une glorification du divorce, même si quelques journaux allemands et suisses se sont empressés de présenter les choses ainsi. Bien au contraire, comme le nom l’indique bien, il s’agit de culte pour divorcés. L’enjeu de telles cérémonies n’est pas le divorce en lui-même, mais la bénédiction de personnes divorcées.

La légitimité des cultes pour divorcés me semble enracinée dans la compréhension biblique et protestante du mariage et de l’échec. Selon la conception protestante, le mariage n’est pas un sacrement. Et à moins de sortir quelques versets de leur contexte, on aura de la peine à trouver dans la tradition biblique un refus du divorce en tant que tel.

Par ailleurs, les statistiques montrent que le nombre des divorces ne cesse d’augmenter. Le divorce n’est plus l’affaire de quelques personnes, mais bien une réalité pour tout le monde, vécue personnellement ou indirectement. Si les Églises veulent annoncer un Évangile libérateur dans tous les domaines de la vie, il faut qu’elles assument aussi leur rôle auprès des divorcés.

Poser la question des cultes pour divorcés, c’est avant tout se demander comment les Églises peuvent et veulent accompagner les personnes qui divorcent ; c’est aussi poser la question de l’insertion de l’Église dans la société. L’Église, qui est toujours à réformer, peut-elle (re)devenir une vraie interlocutrice et une partenaire pour les femmes et les hommes d’aujourd’hui ? Dans notre société occidentale où seules les valeurs de l’argent, du pouvoir et de la réussite importent, les Églises ont leur mot à dire sur l’échec et la souffrance : l’histoire de Jésus ne commence-t-elle pas par la souffrance et l’échec ? Si les évangiles nous montrent un Christ qui apprend aux gens à marcher debout et à ne plus être prisonniers de ce qui les fait souffrir, une Église ne peut pas faire comme si elle n’était pas concernée par l’échec.

Il est vrai que les Églises ne peuvent pas répondre n’importe comment à une nouvelle demande rituelle. Mais une Église protestante doit s’interroger : une telle attente n’est-elle pas légitime au nom de la conception libératrice de l’Évangile qu’elle confesse ? En ce qui me concerne, je crois qu’une Église répond à sa mission thérapeutique, diaconale et sociale quand elle se donne les moyens d’accompagner des personnes divorcées – avec ou sans cérémonie liturgique. feuille

Claudia Rojas

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