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Numéro 175 - mars 2004
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Le Fils de l’homme est venu
non pour être servi,
mais pour servir
Marc 10,45 (ou Matthieu 20,28)

La spéculation sur la fin du monde est de retour. Elle va de pair avec la montée des courants fondamentalistes qui demandent aux fidèles une soumission absolue aux « vérités révélées ». La parole de Jésus en Mc 10,45 s’inscrit en faux contre cette vision de la religion.

Cette parole de Jésus conclut la scène concernant une demande eschatologique. Les disciples Jacques et Jean (leur mère chez Mt), demandent, dans l’attente de la fin prochaine du monde, une place d’honneur à la table du festin eschatologique. Jadis, comme aujourd’hui, on aimait spéculer sur la fin du monde. À l’époque de Jésus, on imaginait cette fin à la manière d’un grand tribunal au sein duquel le Messie devait apparaître comme roi et juge. Il aurait condamné les méchants et permis aux élus de siéger à sa table. Cette idée fait encore recette aujourd’hui. Aux États-Unis, il existe depuis quatre ans maintenant une série de livres qui s’intitule « Left Behind ». Il s’agit de romans écrits par deux auteurs fondamentalistes qui imaginent la fin du monde après l’enlèvement des vrais chrétiens par Dieu. Une dizaine de livres sont déjà parus et ont battu tous les records de vente. On y apprend (la lecture d’un seul ouvrage suffit largement) que finalement le Christ vaincra le Malin, ce dernier provenant d’un pays de l’Est de l’Europe, et que tous les peuples, y compris les Juifs, le serviront.

L’idée que les hommes sont nés pour servir les dieux ou les messies de toutes sortes est aussi ancienne que la religion elle-même. Prenons un exemple au Proche-Orient ancien. Selon l’épopée d’Atra-Hasis qui était largement répandue, les dieux, avant l’apparition des humains, devaient subvenir eux-mêmes à leurs besoins en travaillant de leurs mains. Les dieux inférieurs, chargés de cette corvée, firent alors la grève. C’est ainsi que le conseil des dieux décida de créer l’humanité pour qu’elle les serve par le culte et les offrandes dans le temple. L’homme est ainsi considéré comme esclave et serviteur du divin. En analysant de tels textes, on ne peut que donner raison aux critiques de la religion, comme celles de Feuerbach, Engels et autres, qui ont montré comment les systèmes religieux reflétaient la distribution du pouvoir dans les systèmes politiques concrets. Si l’homme est appelé à servir les dieux, il doit aussi servir ceux que l’on considère comme leurs représentants sur terre. On trouve cette même conception dans certaines franges du christianisme. Le lecteur de la série des « Left Behind » apprend qu’il faut se soumettre à l’idéologie de droite du christianisme fondamentaliste américain, puisque celle-ci est le porte-parole autorisé de la volonté divine. Comme au deuxième millénaire avant J.-C., l’homme semble toujours, à l’aube du troisième millénaire après J.-C., être appelé à servir et à se soumettre.

Pourtant, la réponse de Jésus aux attentes eschatologiques prend exactement le contre-pied de ces idées. Jésus, reconnu par les siens comme étant le Messie, et devant par conséquent régner dans une gloire absolue et triomphante, dit être venu pour servir. C’est le retournement complet de l’idée que l’on se faisait, et que l’on se fait encore, d’une religion. Le règne de Dieu qui est annoncé par cette parole n’est pas la transposition des hiérarchies et des systèmes de pouvoir existants. Le Dieu de ce règne n’est ni un Dieu sectaire ni un Dieu dont la raison d’être serait l’humiliation et l’exploitation de l’homme.

La parole de Jésus, transmise par Marc et Matthieu, met en garde contre l’autoritarisme religieux qui s’incarne aujourd’hui, entre autres, par la montée des intégrismes de toutes sortes. Ceux-ci se caractérisent justement par la tentative de vouloir soumettre les croyants à tout un catalogue d’exigences divines et d’exclure les autres de la grâce de Dieu. L’interprétation de la fonction messianique que Jésus donne selon Mc 10,45 s’oppose à toute dérive totalitaire. Ce n’est pas l’adoration et la soumission que veut ce Messie, mais le bonheur, la liberté et l’épanouissement de tous les hommes. feuille

Thomas Römer

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