Après bien des
années consacrées à échanger des nouvelles
et des méditations sur le monde des hommes, que retenir de ces
communications amicales, nous demande-t-on.
Face au mal
Les tremblements de terre et bien des désastres
sont imprévisibles et hors des responsabilités humaines.
Mais nous nous interrogeons très souvent sur le pourquoi de la
méchanceté humaine. En Afrique sub-saharienne, au Sud-Est
asiatique et en Europe, des massacres font des ravages, avec des dizaines
et des centaines de milliers de morts, dhandicapés, dorphelins,
de mal-nourris et de non-soignés. Les guerres et les terrorismes
commettent des atrocités à grande échelle. Jusque
dans les Églises dites chrétiennes les rivalités
organisées conduisent à des ruines. Quel être est
lhomme ?
Jean Calvin pensait les hommes « enclins au mal,
incapables par eux-même de faire le bien ». Mais au milieu
du siècle dernier, les Éclaireurs de France (inspirés
de la « libre pensée ») chantaient : « En son
prochain chacun deux (les Éclaireurs) a confiance, le sachant
digne, ardent et travailleur. » Comment évaluer lhomme
et le juger dans sa complexité ?
Et face à la souffrance
Sans doute lhomme est-il souvent malheureux. Pas
seulement par pénurie de nourriture pour sa famille et pour lui-même.
Il porte la nostalgie dun monde meilleur quil ne réussit
pas à construire à lextérieur de lui et en
lui-même. Lincompréhensible violence, dont il use
avec acharnement, serait sans doute une sorte de vengeance, de volonté
de nivellement dans le malheur, une recherche dégalité
dans la souffrance. Seule la foi en un Dieu qui aime et la confiance
de se savoir aimé peut apporter sérénité
et sens de vivre. Comment comprendre et faire comprendre cette conscience
« denfants de Dieu » ?
Un journal ouvre un chemin
Quelle est la raison dêtre dun «
journal » qui informe et réfléchit sur « le
religieux » et est concerné par lui ? Selon la pensée
bouddhique, la religion se doit dêtre un « véhicule
» (grand ou petit !) qui met lhomme en route. Cette finalité
de « chemin » doit être comprise et vécue par
toutes les religions. Il faut sans cesse rappeler aux chrétiens
que les Églises ne sont pas des « fins en soi » (pour
obtenir le salut, par exemple). Si elles deviennent des buts en soi,
tous les moyens sont bons pour y parvenir. On assomme bien les noyés
qui dans leau se débattent contre leurs sauveteurs ! On
brûle les corps vivants pour sauver les « âmes mortes
». On supprime les libertés individuelles, on censure les
écrits pour permettre à Dieu dagir !
Dans léchange
Nous croyons quil est plus utile et urgent que
jamais face aux intégrismes religieux, politiques, économiques
et sociaux daffirmer lÉvangile de Jésus
qui libère. Mais il est difficile de vivre ce que lon annonce.
Il y a tant dincohérences dans nos vies.
Cet Évangile de Jésus ne se limite pas
à des textes écrits et diffusés. Aussi bien pensés
soient-ils, les textes publiés natteignent que lintellect.
Comment faire passer à travers des phrases, mais aussi des images,
des couleurs, des mises en page, quelque chose de cet amour de Dieu
dont nous venons de parler ? La parole orale ou écrite nest,
elle aussi, quun moyen. Comment faire passer une amitié
à des êtres isolés dans leur solitude, une communication
dénergie aux découragés, une voie possible
à des errants perdus dans limbroglio de la société
?
Un journal est un échange permanent. Certes, il
informe, enseigne, réfléchit, mais il est aussi sans cesse
à lécoute.
Vers lAutre et les autres
Dans toute communication, il y a des risques de dysfonctionnement.
Ce quon écrit et dit ne correspond jamais complètement
à ce quon voudrait dire (essayer de parler de lamour,
de la foi, laisse toujours insatisfait
). Ce qui est écrit
et dit nest pas compris avec certitude par les lecteurs ou auditeurs.
Ce qui est compris est interprété par le receveur selon
sa forme de pensée, sa situation personnelle, lhumeur de
la journée, lambiance sociale. Que de sources de malentendus,
de niveaux de distorsions entre auteurs et lecteurs !
Et pourtant, cest à force déchanges,
de mises au point, dexplication, que la communication passe. Lêtre
résulte, se construit des relations avec les autres et lAutre,
celui qui ne cesse de venir à nous.
Christian
Mazel