Au cur des Écritures.
Un être proche vous trahit Absalon le fils, Judas lami
et le ciel sobscurcit, le sol se dérobe sous vos
pas, le monde se charge de menaces. Des voix de multitude se font entendre
:
voix violentes ou cyniques, moqueuses : « Point
de salut pour vous en votre Dieu ! » Voix extérieures,
voix ennemies dune foule ivre de son efficacité et de sa
communion ! Mais ces voix sont-elles réelles ou imaginaires ?
Ou alors ce sont peut-être des voix intérieures, voix-cris
de la douleur dêtre dans la douleur ! Car la trahison ouvre
dans lêtre une brèche où la violence sengouffre
dans lintime et le tétanise. Et lunité de
lêtre ny résiste pas toujours. Si elle vole
en éclats, on nest pas loin de la paranoïa, qui risque
de justifier toutes les violences en retour, à moins que ce ne
soit le retournement de la violence contre soi-même. En tout cas
pour qui a souffert la trahison, lhallali semble exprimer de manière
assez juste le terrassement et le déchirement de lêtre
dans ce quil a de plus profond : sa confiance.
Mais au creux de la dérision le nom de Dieu a
surgi : Elohim ! Il a surgi pour blesser, mais il va sauver. Et ce qui
avait éclaté dans lêtre meurtri la
confiance se rassemble à nouveau en ce nom recomposé
: Elohim Adonaï ! Bouclier ! Tu es un bouclier autour de moi !
Ma gloire tu es. Ma tête tu relèves !
Sil sagit dhonneur retrouvé
et de victoire à nouveau envisageable,
victoire violente quand on lit la fin du psaume
, on peut lentendre aussi à un autre niveau de réalité.
Le mot gloire nest pas pure extériorité. Il parle
de pesanteur, de présence, de juste place, de réalité
propre. Et la tête redressée nest pas que posture
belliqueuse, mais dignité rendue et reçue, mouvement de
résurrection.
« Je me couche et je mendors, je me réveille,
car lÉternel me soutient. »
Ce qui est vaincu, ce nest pas tant le traître,
lennemi extérieur, que ce danger qui nous guette tous,
« à lheure où cela fait vraiment très
mal » de perdre à tout jamais ce souffle originel qui nous
fait vivre et croire en la vie. Ce qui, avec la gloire, est rendu, cest
la grâce dêtre comme né à nouveau, mûri
par lépreuve et guéri par une confiance renouvelée
de Dieu en nous et de nous en Dieu.
Florence
Taubmann
Psaume de David quand il fuyait devant son fils Absalon.
Éternel, quils sont nombreux mes adversaires
!
Nombreux ceux qui se lèvent contre moi !
Nombreux ceux qui disent à mon sujet :
Point de salut pour lui auprès de Dieu !
Mais toi, Éternel ! tu es pour moi un bouclier,
Tu es ma gloire, et tu relèves ma tête.
A haute voix je crie à lÉternel,
Et il me répond de sa montagne sainte.
Je me couche, et je mendors ;
Je me réveille, car lÉternel me soutient.
Psaume 3,1-6
haut
De tout mon cur, en vérité, de toutes
mes forces
Je taime dans mon mystère et dans ma nudité.
Ton nom est avec moi, comment serai-je isolé ?
Il est mon amant, comment demeurerai-je solitaire ?
Il est mon soleil, comment ma lumière séteindrait-elle
?
Comment serai-je projeté ? Il est un soutien dans ma main.
Les foules moutragent, ignorant quelles moutragent
À cause de la gloire de Ton Nom, ma gloire.
Source de ma Vie ! Je te bénis dans ma Vie,
Éternellement, je chanterai mon cantique.
Juda Halévy (1085-1150) Six
poèmes
haut
Dans un numéro spécial de la revue de poésie
Fontaine, parue en 1942, et consacrée à « De la
poésie comme exercice spirituel », Pierre Emmanuel écrivait
: « Ce nest ni de poésie, ni de philosophie, ni même
de mystique, que le monde a besoin, mais dêtre : et le monde,
chacun de nous le porte en soi. [
] Être poète, cest
dabord être homme. Cest assez dire que la poésie
daujourdhui doit être progrès de lhomme
dans son futur, donc prophétie. » Né en 1916, Pierre
Emmanuel fut lun des hérauts de cette poésie prophétique
du XXe siècle. Marqué par Nietzsche et « la mort
de Dieu », par la guerre et la résistance, il vécut
une bouleversante expérience spirituelle qui devait irriguer
toute son uvre depuis « Le poète et son Christ »,
« Babel », « Évangéliaire », «
Jacob », « Tu »
jusquà sa mort
en 1984.
Florence
Taubmann
[
] Jésus de Nazareth, Yéshoua
Que nous croyions ou non en Toi
Parmi nous en chacun de nous
Tu es limpossible Tout
Évidence toute communicable Évidence
Qui saisit ne pouvant être saisie.
Par tes gestes tes yeux ta présence
Je massure de ce que jai pressenti
En voyant exister certains êtres
Dont marrache des larmes de joie
Le fait simple limmense mystère
Quils sont ici
Je massure que labsolu nous contemple
Que nous devons être à sa rétine la vue
Que lamour est dans notre regard
Cet immuable Regard absolu
Que tout visage plus que le mien est le mien
Si ta lueur en mes yeux me léclaire
Que lamour que je me dois à moi-même
Nest ma substance que lue dans tes yeux
Qui sont ceux des êtres dont jaccepte quils maiment
(« Tu » 1978)