Le cri paraît naïf ou
dérisoire. Mais il y a des paroles qui tuent comme celles proclamées
par le père de cette jeune femme qui se désole de sa solitude
: « Avec le caractère que tu as, tu resteras toujours vieille
fille. » Il y a effectivement de quoi en vouloir à ses
parents. Elle se demande si cest pour rester fidèle à
la parole de son père quelle sempêche de rencontrer
un homme. Ces parents déclamant en chur à leur fils,
aujourdhui chômeur : « Si tu continues comme ça,
tu ne réussiras jamais rien dans ta vie ! » Ou encore cette
mère, excédée certes, qui proclame devant son fils
de douze ans : « Si tu nétais pas là, la vie
serait plus tranquille ! »
Comment ces enfants, adultes pour certains (et même avancés
en âge, nous restons toujours les enfants de nos parents) vont-ils
se relever de ces messages dont les mots sont autant de barreaux à
une liberté et un épanouissement de soi ?
Ce sont des phrases assassines, dites peut-être dans la colère
ou à la fin dun repas bien arrosé. Mais lenfant,
lui, se souvient, il ne se souvient même que de cela. Ces injonctions
deviennent gravées comme les tables de la loi dans un temple
! Ceux qui arrivent à en reparler à leurs parents, parfois
bien des années plus tard, ne sont souvent pas pris au sérieux.
Non seulement ils ont été blessés, mais en plus
ils ne sont pas entendus dans leurs blessures ! Et beaucoup en restent
là : victimes tiraillées entre « mes parents ont
raison » et « je leur en veux de ce quils mont
dit ».
Pourtant ce ne sont que des mots. « Il suffit de passer outre,
doublier. » Mais justement, ce sont des mots, ceux par lesquels
nous sommes reconnus, aimés ou emprisonnés. Nos mots,
lorsquils habitent une relation de couple ou de parents, peuvent
aussi blesser ou tuer.
Alors, il faudra le temps de la colère et du détachement,
le temps de la parole qui libère et du lien qui guérit,
pour quun autre regard sur soi devienne enfin possible.