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Numéro 173 - janvier 2004
( sommaire )

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Expo: Rembrandt et son école, Mike Leigh

Pierre le Grand voulait faire de Saint-Pétersbourg la Nouvelle Am-sterdam. Amsterdam où il s’était rendu incognito en 1697 pour étudier les techniques navales et industrielles. Son goût pour la Hollande le porte à acquérir en 1716 Les Adieux de David et Jonathan de Rembrandt. C’est la première œuvre du maître de Leyde qui entre dans les collections russes.

Dès 1764, Catherine II, souveraine depuis deux ans seulement, commence une longue série d’acquisition d’œuvres d’art de la première importance parmi lesquelles les peintures flamandes et hollandaises tiennent une place privilégiée.

L’exposition Rembrandt et son école de Dijon est remarquable à plusieurs titres. Elle permet au visiteur de voir des œuvres importantes du maî-tre et qui ont peu souvent quitté la Russie : Flore (1634) [voir ill.], Le Sacrifice d’Abraham (1635), Vieille Femme assise dans un fauteuil (1634).

Rembrandt van Rijn : Flore.Mais le titre lui-même indique un deuxième intérêt de cette exposition. Se détachant d’une historiographie par trop romantique, qui voulait faire de Rembrandt un génie solitaire ayant connu successivement gloire et misère, cette présentation insiste sur l’importance de l’atelier de Rembrandt. Nom-bre de peintures achetées par Catherine II comme œuvres originales du maître ont été depuis ré--attribuées à leurs véritables auteurs, tous ayant fréquenté l’atelier amstellodamois (Backer, Bol, Dou, Drost, v. d. Eeck--houdt, Flink, de Gelder, v. Hoogstraten, Koninck, Maes, Paudiss).

Occasion rare aussi que de voir dans la même salle Le Sacrifice d’Abraham de la main du maître (St-Pétersbourg) et la version de Munich réalisée par R. et son atelier. Ce travail de comparaison est rendu plus passionnant encore par une série de dessins de la même scène biblique par ses divers élèves.

La question des attributions est rendue particulièrement sensible par la similitude des modèles. Ainsi L’Astro-nome de G. Dou rappelle-t-il étrangement la figure du père de R. que l’on peut voir dans des gravures de 1630. Ou encore Le Jeune homme en armure de F. Bol, si proche des figures de jeunes guerriers de R., entretient-il cette confusion. Cette même influence du maître se retrouve encore dans les nombreuses scènes bibliques présentées ici.

Cette exposition fait porter un regard renouvelé sur l’École hollandaise du XVIIe siècle. feuille

Louis Catala

Rembrandt et son école (Peintures du Musée de l’Ermitage de St-Pétersbourg). Dijon, Musée de Beaux-Arts, du 24 nov. 2003 au 8 mars 2004, tous les jours de 10 à 18h, fermé le mardi. Site web : www.ville-dijon.fr.

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Cinéma : Une révolte libératrice

Quelle que soit sa qualité, le souvenir d’un film s’estompe. Surtout lorsqu’on aime le cinéma et que l’on retourne souvent dans les salles dites obscures. Mais notre mémoire est sélective, elle sait garder au plus profond de nous les images et les sons qui ont nourri, strate après strate, le sédiment secret de notre être intérieur. Nous sommes riches de ces impressions apparemment fugitives qui nous ont ébranlés, questionnés, transformés et nous ont fait avancer dans la connaissance de nous-mêmes et des autres. Le titre d’un film, le nom d’un réalisateur suffisent alors à faire ressurgir un visage, un geste, une scène, un mouvement de caméra, une musique, quelques phrases, dont nous réalisons qu’ils font en effet partie de notre trésor secret.

Voici par exemple, dans le chef-d’œuvre du britannique Mike Leigh Secrets et Mensonges, le personnage de Maurice le photographe. Ce bon gros Nou-nours qui tout au long du film cherche désespérément à ré-con--cilier les mem-bres de sa pau-vre fa-mille dé-glin-guée : sa sœur Cyn-thia, son épouse, sa nièce. L’arrivée inattendue d’Hor-tense, l’étrangère à la recherche de sa mère biologique, va révéler brutalement à chacun les mensonges et les secrets dans lesquels chacun s’est enfermé. La scène est terrible, le mal à son paroxysme. C’est alors que le gentil Maurice explose. Il crie sa révolte devant ce gâchis, pleure, hurle de plus en plus fort : « On a tous mal, pourquoi on ne partage pas notre douleur ? J’ai passé ma vie à essayer de rendre les gens heureux et les trois êtres que j’aime le plus se détestent ! Je suis au milieu et je n’en peux plus! » Ce corps de bon géant tout à coup véhément qui s’agite et s’effondre est resté pour moi comme la figure très humaine de ce Dieu qui nous aime et nous supporte au point de s’intercaler dans nos conflits et lâchetés et, s’il le faut, nous brise de sa colère. Et les corps jusqu’alors déchirés peu à peu se rapprochent, se touchent et finalement se serrent les uns contre les autres. Oui la colère peut être parfois libération. feuille

Jean Domon

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Livre : André Gounelle: « Parler du Christ»

Voici un livre important qui correspond à un véritable aboutissement dans l’œuvre et la pensée religieuse d’A. Gounelle. L’ouvrage comporte de remarquables synthèses sur le mot et le sens du titre Christ attribué à Jésus, la Croix et la résurrection, le Christ comme l’homme véritable, pleinement hu-main et exemplaire, les questions concernant l’historicité de Jésus. Mais on lira sur-tout, avec bonheur et la joie des découvertes, le ch. 6 intitulé « Le Christ à la lumière des religions ». A. Gounelle y présente, dans ces typologies dont il a le secret et qui ont une force pédagogique exceptionnelle, une christologie de type musulman, puis bouddhiste (à laquelle va sa préférence), de type hindouiste ensuite, romanesque enfin, dominée par la figure du héros. A. Gounelle est convaincu que la plupart des doctrines classiques (trinité, double nature du Christ, expiation substitutive, par exemple) représentent trop souvent pour le croyant « un fardeau et un obstacle » et qu’il ne s’agit pas, par conséquent, de les réinterpréter en leur donnant artificiellement une nouvelle jeunesse, mais bien d’explorer d’autres voies et d’apporter ainsi des alternatives aux orthodoxies traditionnelles. S’il croit profondément que Jésus est le Christ, s’il voit en lui « l’événement le plus décisif, l’acte le plus important, l’intervention la plus marquante de Dieu dans l’histoire humaine », il n’en reste pas moins vrai que, pour lui, le « christ » se manifeste ailleurs qu’en Jésus, et cela comme puissance divine, dynamique et créatrice, à l’œuvre dans le monde et en nous. Dans des pages d’introduction au ton très personnel, André Gounelle conteste ainsi à la fois l’exclusivité et l’exclusivisme du christianisme, selon lesquels Dieu ne se manifesterait qu’en Jésus (voir à ce sujet un extrait de cet ouvrage : p. 6 du présent numéro d’Evangile et liberté). Ce livre est peut-être le plus accompli d’André Gounelle. feuille

Laurent Gagnebin

André GOUNELLE, Parler du Christ.
Van Dieren Éditeur, Paris • 152 p. • ISBN 2-911087-43-7 • 20 E

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Livre : Alain Houziaux et alu: «A-t-on encore besoin d'une religion?»

Ce petit livre est introduit par A. Houziaux sous la responsabilité duquel il est publié, et cela dans la foulée des fameuses « Conférences de l’Etoile » à Paris. L’ouvrage est agréablement surprenant, car il nous permet d’entendre, avec B. Feillet et A. Rémond, des auteurs catholiques dont les paroles sont marquées par une immense liberté de pensée où retentissent les accents d’un christianisme libéral. Dans son intervention, A. Houziaux se refuse à donner à la religion le sens péjoratif qu’un Barth lui accordait. Il repère très finement les besoins auxquels les religions peuvent ou ne peuvent pas répondre, en souligne leur fonction régulatrice, en insistant sur le fait que, désormais, dans un monde de plus en plus assoiffé d’irrationnel, elles « auront pour fonction de prolonger l’esprit des Lumières et de la tolérance ». B. Feillet, prêtre et écrivain, attend de la religion aujourd’hui qu’elle éveille le désir du divin et restitue à l’humanité le mystère de Dieu que les Eglises ont accaparé. Il milite alors pour une modestie sans cette idolâtrie avec laquelle les Eglises s’absolutisent. Relatives, elles devraient reconnaître le bienfait de leur diversité plutôt que rechercher leur unité. A. Rémond, journaliste et écrivain, a suivi tout le chemin qui aurait dû le conduire à la prêtrise, mais y a renoncé, choisissant la foi sans la religion dont il dénonce un legs trop souvent marqué par le totalitarisme, l’emprise sur les consciences, l’obscurantisme et le fanatisme. Quant à A. Comte-Sponville, il se veut un « athée fidèle » aux valeurs communes reçues de la religion et qu’il s’agit de transmettre. Pour lui, ce qui fait la valeur d’une vie humaine, ce n’est pas la foi, « c’est la quantité d’amour et de courage dont on est capable ». Chaque exposé est suivi d’un débat vif entre ces quatre personnalités. feuille

Laurent Gagnebin

André Comte-Sponville, Bernard Feillet, Alain Rémond, A-t-on encore besoin d’une religion ? Éditions de l’Atelier, Paris, 2003 • 96 p. • ISBN 2-7082-3695-4

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