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articles du N° 163 - Février 2003

( sommaire )

L'ange de Fra Angelico

N'ayant trouvé aucune illustration qui me satisfasse pour évoquer comme je le souhaite l'homosexualité, j'ai retenu pour la couverture un bel ange de Fra Angelico. En effet, dit Jésus, à la Résurrection, il n'y aura plus ni hommes ni femmes, les hommes ne prendront plus de femmes et les femmes plus de maris et ils seront comme des anges (Marc XII 25). En attendant, ne jouons pas à l'ange ou ne discutons pas à l'infini sur le sexe des anges - et des autres -, mais honorons au mieux les problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui !

Éditorial : Homosexualité ?

Pourquoi l'homosexualité fait beaucoup parler aujourd'hui et souvent oppose les uns aux autres, dans la société civile - hier à propos du Pacs - comme dans les églises ? Ce numéro de notre journal se veut une modeste contribution au débat qui s'engage dans nos églises protestantes. Sur cette question, plaise à Dieu que la générosité l'emporte toujours sur les réflexes identitaires de conservation ou sur le fanatisme !

Je ne suis pas expert en ce domaine. Pourtant, il me semble qu'il s'agit ici d'un problème de société, pas récent, mais qui aujourd'hui prend un certain relief, comme à d'autres moments le problème du divorce, de l'avortement, ou simplement de l'accession des femmes à des conditions sociales égales à celles des hommes, question non encore prise en compte dans tous les pays et dans toutes les églises !

Certains, à juste titre, ont pu évoquer les tendances pédophiles de tels homosexuels. On a fait aussi état de tendances exhibitionnistes - affectivement ou physiquement de certains homosexuels. Lors de la Gay Pride, moi le premier, je ne prise guère ceux qui se dandinent en string sur leur char. Cette provocation volontaire, anodine à certains égards, agace mon éducation protestante ! Mais soyons honnêtes ! La pédophilie, l'exhibitionnisme, voire la perversité sexuelle ne sont de loin pas le monopole des homosexuels. Dans la Porte Etroite, reportez–vous à ce qu'André Gide dit de sa tante Lucile Bucolin.

Par ailleurs, il importe sans doute de distinguer ceux qui sont homosexuel normalement, de ceux qui le deviennent par seul souci de se distraire ou de varier les plaisirs.

Voici maintenant quelques réflexions personnelles à propos de l'homosexualité. J'en changerai peut-être. En tout cas, je ne revendique aucune compétence dans ce domaine et sollicite toute votre indulgence si vous pensez que je dise des bêtises. Je crois que l'homosexualité n'est pas dans l'ordre de la nature, ne serait–ce que parce que l'une des finalités du couple est la procréation. En revanche, je ne crois pas que l'ordre naturel doive être sacralisé, comme le nazisme a tenté de le faire avec la notion de race élue et de race épurée. L'ordre de la nature n'a qu'une valeur indicative. Les valeurs premières sont d'ordre affectives, altruistes et spirituelles. C'est pourquoi nous ne devons ni juger, ni condamner ceux qui aiment autrement. Si la nature, l'éducation qu'ils ont reçue ou les influences parentales ont fait ou conditionnés certains ainsi, de quel droit les rejetterions - nous ou les culpabiliserions-nous de ce qu'ils sont ? Plutôt que de ressasser sans cesse les condamnations de Paul à l'égard des déviants sexuels (Romains I. 26 – 27), essayons de nous inspirer des évangiles qui ne jugent jamais les petits, les faibles et les marginaux.

Le mariage des homosexuels ? Je serais plutôt contre. Qu'il y ait une loi qui préserve leurs droits, tel le Pacs, il le faut. Mais si l'une des composantes du mariage est la procréation, pourquoi marierait-on des homosexuels ? En revanche, je conçois tout à fait que des homosexuels puissent demander que l'on prie pour leur vie commune. De quel droit et en quelles circonstances un homme d'église pourrait-il refuser une prière ou une parole de bénédiction à ceux qui le lui demandent ? J'ai conscience de l'ambiguïté qu'il peut y avoir entre un mariage ecclésiastique et une parole de bénédiction. J'en maintiens pourtant la différence de portée et de lieux. Il me semble évident que les homosexuels ont leur place dans les églises comme les autres à une condition : que leur vie privée reste une vie privée. Nous avons connu des pasteurs et des théologiens homosexuels qui faisaient de l'église une tribune pour défendre leur cause personnelle : « Pourquoi croyez-vous que le centenier de Capernaüm était si soucieux de la vie de son serviteur (Mathieu VIII. 6) ou Jésus de celle de son ami Lazare (Jean XI. 35-36) ? » De tels propos tenus en chaire avec un air entendu, pour exceptionnels qu'ils soient, sont inadmissibles.

Sur l'homosexualité, comme en son temps sur l'avortement, l'opinion sociale est en mutation. Il me semble que la sagesse, pour les églises comme pour le législateur, consiste alors à légiférer le moins possible et à être porte-parole de la grâce plus que de règlements. Pour ce qui est de l'exercice du ministère pastoral des homosexuels, soyons pragmatiques et souples. Que les églises n'érigent aucun règlement restrictif. En revanche, les conseils presbytéraux restent évidemment libres d'accepter ou de refuser des pasteurs, quel que soit leur profil. On ne saurait les leur imposer. Pendant un temps, selon les lieux et les personnes, il y aura des acceptations et des refus de pasteurs homosexuels. Je gage que, par la suite, quel que soit l'usage qui prédominera, ce type de préoccupation ne défraiera plus la chronique.

Pierre-Jean Ruff

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Textes divers, de Sébastien Castellion, Antoine de Saint-Exupéry, Albert Schweitzer, Georges Brassens

Après avoir souvent cherché que c'est d'un hérétique

je n'en trouve autre chose

sinon que nous estimons hérétiques

tous ceux qui ne s'accordent pas avec nous

en notre opinion.

écrit en 1554

Sébastien Castellion

Si je diffère de toi

loin de te léser

je t'augmente.

Antoine de Saint-Exupéry

Nous sommes un mystère les uns pour les autres

il faut nous y résigner

on ne connaît, non pas quand on sait tout de l'autre

mais quand on a de l'amour,

de la confiance, de la foi

en son compagnon de route

il ne faut pas vouloir violer l'âme d'autrui.

Albert Schweitzer

Le jour du quatorze juillet,

Je reste dans mon lit douillet.

La fanfare qui marche au pas,

Cela ne me regarde pas.

Je ne fais pourtant de tort à personne

En suivant des chemins qui ne mènent

pas à Rome,

Mais les braves gens n'aiment pas que

L'on suive une autre route qu'eux.

Georges Brassens

Bâtir la paix,

C'est bâtir l'étable assez grande,

Pour que le troupeau entier s'y endorme.

C'est bâtir le palais assez vaste

Pour que tous les hommes s'y puissent rejoindre

Sans rien abandonner de leurs bagages.

Antoine de Saint- Exupéry

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La différence du figuier

L'histoire dont je vais vous parler se trouve dans l'Évangile de Luc (13, 6-9) et c'est l'histoire d'un figuier différent. Différent, parce qu'il ne donne pas de fruit. Différent, parce qu'alors pèsent sur lui toutes les condamnations de l'Histoire : « on reconnaît l'arbre à ses fruits » paraît-il. Pire même « tout arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé et jeté a feu » (Luc 3, 8-9). Et que celui qui n'a jamais découvert dans ses branches un fruit pourri, que celui qui ne s'est jamais senti desséché et stérile lui donne le premier coup de hache... C'est aussi l'histoire d'un homme pas du tout différent des autres, qui possède un figuier sans fruit , et qui raisonne alors de façon logique et rentable. Il n'a pas besoin d'un figuier inutile et l'accuse même d'épuiser sa terre. Puisque le figuier ne veut pas tenir le rôle qui est le sien, puisqu'il le déçoit, exit le figuier. Bon pour le bûcheron, sans état d'âme.

Alors c'est aussi l'histoire différente d'un vigneron qui s'oppose à la logique dans un combat dérisoire. « S'il te plaît, dit-il au propriétaire, laisse -moi bêcher encore une année. Peut-être donnera-t-il du fruit à l'avenir... ». La bêche et le temps contre la tronçonneuse efficace. Toute la bonne nouvelle de Jésus-Christ tient pour moi dans ce « peut-être... » qui ouvre simplement par amour le droit de vivre pour ce que l'on est et non pour ce que l'on aurait voulu ou dû être. Avec son « peut-être » qui ouvre un sursis, le vigneron reconnaît au figuier le droit d'occuper son bout de terre sans contre partie. Gratuitement, comme ça, parce qu'il l'aime bien. Il ne donne pas de fruit ? Et alors ? En tant qu'arbre déjà il a quelque chose à apporter, et c'est en tant qu'arbre qu'il veut le sauver. En Jésus-Christ, je crois que Dieu prononce un « peut-être » salvateur sur la vie de l'être humain. Une chance, encore une, une dernière, d'être aimé pour ce qu'il est, malgré sa différence vécue comme un manque. Une chance, encore une, pour qu'il puisse porter dans sa vie les fruits de ce qui le dépasse et le nourrit lui-même. Comme avoir parfois le courage de dire obstinément des « peut-être » dérisoires contre toute logique. Des peut-être qui résonnent non pas comme des menaces mais comme des chances. Ce sont les « peut-être » qui sont prononcés sur nos vies et que nous prononçons dans celles des autres au nom du Dieu de Jésus-Christ qui font la différence. Toute la différence.

Anne Faisandier

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Etre soi-même, même si...

Témoigner ? Je ne peux pas. Je ne peux plus. En tout cas je refuse de sacrifier à tout ce qui pourrait de près ou de loin ressembler à une tentative d'auto-justification. Le choix que j'ai fait sur le tard d'assumer une « orientation sexuelle » dont j'avais longtemps cru pouvoir esquiver l'insistance relève d'abord du consentement à l'injustifiable. J'ai suffisamment tourné autour pour considérer aujourd'hui que l'homosexualité m'est attachée, sinon inéluctablement, du moins pour un certain temps qui pourrait bien se prolonger jusqu'à ma mort. Pour le dire dans le jargon du document du comité protestant luthérien réformé, cette acceptation supposait comme préalable fondamental le consentement à ma propre finitude. Comme si Dieu m'avait envoyé ce poil à gratter afin que je n'oublie pas que la justice de ma vie en dépendait que de lui seul.

Une certitude fondamentale à l'issue de cette épreuve : Dieu m'aime tel que je suis... Et tel qu'il m'a fait : parmi les paroles prononcées dès avant ma naissance et qui m'ont fait et me font ce que je suis, paroles prononcées par des gens qui m'ont aimé et que j'aime, celles qui ont pu déterminer mon homosexualité ne sont pas des paroles mauvaises. Je ne suis pas maître, mais j'en assume l'héritage.

Je peux aussi témoigner avec gratitude de l'accueil qui a été réservé à l'annonce pour le moins bouleversante de mon homosexualité par ma famille et mes ami(e)s. En ce qui concerne l'Eglise réformée de France, la gratitude se mêle à l'amertume. L'annonce forcée de mon homosexualité à mes conseillers presbytéraux m'a fait passer en quinze jours du statut de « bon pasteur » à celui de victime émissaire, certains collègues m'ont indiqué sans ménagement la porte de sortie et il m'a été difficile de faire comprendre qu'en l'état actuel de la discipline de l'Eglise Réformée de France à défaut d'un ordre explicite que seul le Conseil national de l'Eglise réformée de France pouvait me donner, toute démission équivalait à une acceptation de ma part des motifs pour lesquels on me la demandait. A chacun d'en tirer les conclusions qu'il voudra sur ce qu'il y a lieu ou non d'appeler « discrimination ». Il ne s'agit de toute façon là que de scories au regard de l'écoute, du respect, du soutien et d l'amitié que j'ai rencontrés au sein de cette Eglise qui reste la mienne.

Je voudrais enfin témoigner de mon sentiment d'être en marche sur un itinéraire assez peu balisé et sur lequel je me trouve en position de non-maîtrise, mais dans la gratitude d'exister. En marche, mais certainement pas en errance : l'amitié et l'écoute des autres ont joué et jouent le rôle de phares, me permettant de tenir le coup et de ne céder ni sur mon désir, ni sur ma vocation, ni sur mes responsabilités à l'égard d'autrui ; plus profondément, la certitude d'être aimé de Dieu sans condition, fut et reste pour moi comme une boussole. Ma vie n'a pas sombré dans le chaos et j'ai de bonnes raisons de penser que, Dieu voulant, il me sera possible de construire du nouveau sans faire table rase du passé et même si les modèles manquent.

Dans cette perspective, deux choses me frappent particulièrement dans le document de base du comité protestant luthérien réformé.

La première, c'est le vacillement du discours à propos de la notion de modèle : on stigmatise l'homosexualité comme « passion du même » sans prendre garde que la notion de modèle d'identification dont on use par ailleurs abondamment sacrifie beaucoup plus largement à cette même passion idolâtre. Cela ne disqualifie pas le propos, mais pose d'une part la question de modèles qui ne soient pas d'identification et d'autre part celle d'une cohabitation possible de modèles différents. Dégagés de la tentation d'idolâtrie qui leur est inhérente, les modèles sont des outils indispensables à toute construction éthique ou morale.

La seconde, c'est l'opposition entre courage et peur, entre invitation à la créativité et crispation sur des repères dont on reconnaît par ailleurs qu'ils sont en passe de devenir inopérants. Pour le dire avec des mots de Jean-Claude Guillebaud, cela ne signifie pas que le monde dans lequel nous évoluons serait voué à la chute, mais qu'il est en phase de refondation. Tous les discours de maîtrise qui prétendent dire de façon péremptoire et définitive ce que la nature, l'humain ou l'ordre symbolique sont, ont aujourd'hui plus que jamais pour destin d'être voués au dérisoire. Mais plus encore, tous ces discours sont depuis longtemps frappés d'inanité par le logos de la Croix. Pas plus que les autres, nous ne savons vraiment où nous allons, mais notre baptême nous appelle à témoigner de notre confiance fondamentale dans le Dieu de Jésus-Christ.

Aussi, contrairement à ce qu'affirme le document du comité protestant luthérien réformé, je ne suis pas sûr qu'il y ait lieu pour nos Eglises d'« oser une parole forte », mais bien plutôt des paroles et des gestes humbles qui apportent leur pierre au travail de recomposition en cours et tout particulièrement sur des questions aussi délicates que celle de l'homosexualité.

Richard Bennahmias

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Le centre du Christ libérateur
pour une Église enrichie par le droit à la différence
et non pour une Église appauvrie par l'indifférence

Actuellement - à la bonne heure -, beaucoup d'églises se posent la question de la responsabilité des personnes homosexuelles dans l'église, et aussi de la reconnaissance de leur union, et peut-être d'autres questions. Le débat est assez vif et je voudrais apporter en quelques lignes un peu de ma propre expérience.

D'abord je tiens à vous préciser qu'il n'est ni dans l'esprit du centre du Christ libérateur, ni dans mes intentions de créer une église homosexuelle : cela serait aussi inacceptable qu'une église réservée aux noirs ou aux femmes ou à d'autres minorités. Nous voulons en premier lieu aider les homosexuel(le)s à se sentir eux-mêmes bien dans leur foi, les aider à savoir que Dieu les aime tels qu'elles et ils sont.

L'orientation sexuelle est un don dans la vie de chaque être humain, un don de Dieu dont nous devons être reconnaissants. Elle doit être intégrée dans notre vie au même titre que d'autres actions physiques, comme manger, dormir... Un excès ou une privation dans ce domaine aurait les mêmes conséquences fâcheuses et déséquilibrantes que l'abus ou la privation relatifs à un autre besoin de notre corps.

Rassurez-vous, je suis loin de rejeter la morale chrétienne qui souligne l'importance de la responsabilité dans la liberté et dans l'amour. Ne créons pas une ségrégation supplémentaire, donc ne créons pas des églises spécialistes homophiles. Je n'ai jamais encouragé quelqu'un à quitter son église, bien au contraire. Je crois que les chrétiens engagés dans leurs communautés respectives doivent y rester et y rendre un témoignage chrétien.

Nous aimerions que les églises existantes ouvrent leurs portes et que bientôt notre centre soit superflu, que tous les pasteurs et prêtres soient capables d'avoir une pastorale pour les homosexuel( le)s.

Nous voudrions que les églises arrêtent de penser que l'homosexualité est un choix de vie. Je suis préparée théologiquement et psychologiquement à ce ministère et je peux vous assurer qu malgré toute cette préparation, il ne fait pas bon être homosexuel : dans une école, dans un travail, dans une famille, dans une église.

Ce n'est pas non plus une mode d'être gay. S'il y en a davantage aujourd'hui, c'est certainement parce que il y a plus d'information sur le sujet, et que les gens qui n'auraient pas compris autrefois leur orientation sexuelle ignorée, peuvent aujourd'hui plus facilement trouver la raison de leur mal-être, une réponse à leur mauvaise relation avec l'autre.

Nous voudrions que les églises choisisssent leur pasteur sans racisme, sans sexisme, sans tenir compte de qui il ou elle aime, mais en s'attachant à sa capacité à aimer.

Je comprends que les premières féministes nous aient fait peur, à moi la première, car elles manifestaient en provoquant la société, avec tous leurs excès ; mais il y en avait d'autres qui travaillaient le silence, et peut-être l'ensemble a-t-il fait avancer la cause des femmes : nous avons pour la joie de l'église des femmes pasteurs.

Il y a des gays avec des « plumes » à la Gay Pride, mais j'ai également rencontré des hétérosexuels qui ont profité de la Gay Pride pour mettre eux aussi des plumes ; il y a des homosexuel(le)s qui veulent être et qui sont parents. Que va faire l'église avec ces familles hors norme, quelle morale chrétienne comprendront les enfants de ces familles s'ils vont à l'école biblique ? Il ne sera pas facile de les préparer au baptême, sans accueillir leurs deux parents du même sexe.

Il y a des homosexuel(le)s qui veulent être pasteurs. J'ai été pendant six ans co-présidente (avec un homme président, respecter la parité) du Forum des groupes de chrétiens gais et lesbiennes d'Europe, et j'ai eu un peu honte comme Française de constater notre retard. Il est clair que là où l'Eglise catholique est forte, l'Eglise protestante est craintive, lente et en retard ; dans les pays du Nord en revanche, là où l'Eglise Luthérienne est majoritaire, les réponses à toutes ces questions sont favorables. J'ai rencontré une évêque suédoise lesbienne, elle vivait avec son amie. J'ai un ami pasteur luthérien à Kiel, Allemagne ; il vit avec son ami, professeur d'université, et depuis dix ans déjà ils reçoivent officiellement les paroissiens dans leur maison, le presbytère. Toutes les années ils font une petite réception autour de Noël, et toute l'église y est invitée, les membres peuvent voir avec amitié ou curiosité leur foyer.

Je voudrais que l'église ait le même besoin de connaître ceux qui depuis longtemps frappent à sa porte. Des exemples ? Notre président du conseil, Serge, 35 ans de bonheur en couple avec Roger, ou Robert qui depuis le 28 mars, jour où son compagnon depuis 20 ans décède, rend visite tous les jours, sans en manquer un, à sa belle-mère déprimée par la mort rapide de son fils.

Je devine la pensée de certains lecteurs qui disent : « Et la Bible ? »

Elle nous parle de l'humanité même du message de Jésus, le pourquoi de sa venue : Il est venu pour nous apprendre à aimer l'autre tel qu'il est, et surtout pas à le juger. Jésus ne voulait pas que les règles existantes d'exclusion de l'époque et rejetées par lui, soient remplacées par d'autres qui font actuellement souffrir.

Il est certain que des premiers pasteurs homosexuel(le)s, la vie sera regardée avec « une loupe » et que le sens de modèle prendra là toute sa valeur, mais cela se passe toujours de cette manière. Les premiers pasteurs homos devront gagner la confiance pour tous les autres qui viendront après. Et il est à peu près certain que le conseil et les membres de la communauté seront beaucoup plus exigeants qu'avec un pasteur « bien marié ». Mais avec l'amour de Dieu laissons Le agir.

Il serait dommage qu'un jour vienne où les personnes homosexuelles rejetteront une église qui les a mis dehors et cesseront de frapper à la porte, alors qu'elles étaient fatiguées et chargées de plus d'un fardeau. Voilà une terrible responsabilité à assumer.

Caroline Blanco
pasteur du Centre du Christ libérateur

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Le protestantisme libéral

Le protestantisme libéral est une tendance qui non seulement applique à la religion la méthode de libre et personnelle recherche, mais demande à ses adeptes de se conquérir, par la réflexion et l'étude des convictions individuelles, de soumettre leurs croyances à l'épreuve perpétuelle de leur conscience et de leur lumière nouvelle.

Le protestantisme libéral en outre, se déclare prêt à supporter les conséquences de sa méthode, c'est-à-dire une grande variété de vue parmi ses adeptes.

Notre liberté ne serait qu'une servitude et un trompe-l'œil, si nous avions tous les mêmes opinions. La preuve que chez nous la liberté est positive, c'est notre extraordinaire variété.

Charles Wagner

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Du bon vouloir de Dieu

Cet été, le 27 juillet 2002, nous nous sommes pacsées. Pour nous, il s'agissait d'un engagement important. Cela nous faisait sortir d'une relation « privée », officieuse pour entrer dans une relation « publique », officielle. C'était, et c'est un engagement de notre couple vis à vis de la société. Nous aurions pu aller discrètement au tribunal pour donner notre contrat à la greffière : c'est vrai, nous aurions pu... Mais à nos yeux, cela n'aurait pas eu de sens et du coup, bien peu d'intérêt et de place dans notre vie. Non ! Nous voulions donner à ce Pacs une autre dimension que des considérations matérielles et des avantages fiscaux. Nous voulions dire notre amour devant nos proches - familles et amis et affirmer que notre relation peut être féconde à sa manière, qu'elle peut contribuer à construire la société et l'Eglise dans lesquelles nous vivons.

Nous sommes toutes les deux issues de familles très croyantes et pratiquantes et notre foi est bien ancrée en chacune de nous. Il nous était donc inconcevable de ne pas nous placer sous le regard de Dieu. C'est pourquoi nous avons souhaité une célébration chrétienne de notre Pacs, temps de prière et de recueillement, entourées par les gens que nous aimons. Il était important de le faire avec d'autres, de proclamer devant eux et avec eux, notre joie. Cela participe du rituel. C'est par lui qu'on entre dans le sacré, dans une autre dimension. Le rituel, c'est ce qui fait qu'un jour est différent de tous les autres jours. C'est un passage, une transition. En aucun cas, cette célébration n'était une fin en soi. Elle n'était et ne doit être qu'une étape (ô combien exceptionnelle !) qui nous ouvre sur le monde et sur l'avenir.

Cette célébration a été l'occasion d'un engagement spirituel fort. Témoignages, textes et chants se sont succédés pour créer du sens : sens de nos vies individuelles, sens de notre vie de couple, sens de notre différence. Dieu était bien témoin de notre engagement ce jour-là, présent dans tous les visages qui nous entouraient, mais aussi dans l'amour manifesté par les absents pour qui cette célébration était trop difficile à vivre.

Mais au cours de ce temps de prière et de partage, notre union n'a pas été bénie. Seules nos médailles, symboles de cet engagement, l'ont été. Autant rendre grâce à Dieu du bonheur qu'il nous donne nous semblait essentiel, autant la bénédiction de notre union ne l'était pas : en tout cas, pas sous cette forme rigide et imposée du rituel catholique. La bénédiction de nos médailles n'était-elle pas un simple questionnement de Dieu ? « Si tu voulais bien... ».

Et si Dieu l'a bien voulu, il l'a sûrement fait... mais au moins l'aura-t-il fait de son plein gré, sans que la religion des hommes ne vienne interférer. Nous n'avons pas besoin d'avoir cette certitude. Il nous suffit de savoir qu'il nous aime et de le remercier de cette vie qu'il nous a donné de partager ensemble.

Bénédicte et Marie-Noëlle

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Avoir des enfants à deux plus deux

On parle depuis longtemps de familles recomposées. Ici, il s'agit presque d'une famille surcomposée. Un témoignage authentique appelle toujours l'attention et le respect. Même si l'on n'approuve pas tout et si les innovations humaines peuvent nous surprendre, elles ne présentent pas forcément plus de risques que l'application simpliste de principes qui font partie de nos habitudes (N.D.L.R.).

Notre histoire débute, comme il est assez habituel, par une rencontre entre un homme et une femme : une belle amitié partagée qui me donne, un jour l'envie de créer ensemble une famille.

David n'a que 23 ans (et moi 30 passés) lorsque je lui parle de cette idée ; ma proposition le sidère. Son besoin de paternité ne s'est pas encore manifesté. Il ne sait pas du tout où il se situe dans un tel désir, mais il sent qu'il faut dire oui là, ou alors jamais, car cette situation a beaucoup de chance de ne jamais se représenter.

Mon désir d'enfant n'est pas récent, mais je ne veux pas d'un bébé à tout prix. Je ne me sens pas capable de créer un petit être sans papa. Ce serait prendre des risques que je ne saurais pas gérer et de futures questions auxquelles je ne pourrais pas répondre. Je veux avoir un enfant pour l'accompagner à chaque étape de son existence et pour l'aimer, afin de lui donner toutes les chances d'être un adulte équilibré et heureux. La rencontre avec David va nous permettre de donner vie à mon projet.

Sans nous presser, à partir de ce moment, nous allons nous voir tous les deux très régulièrement; tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, pour parler. Le but est d'apprendre à nous connaître, échanger pour sentir si nous pouvons aller dans le même sens auprès d'un enfant, savoir si nous sommes aptes à dialoguer et à nous écouter, éléments indispensables durant, au moins, le quart de siècle à venir !

Sept mois plus tard, Lydie entre dans ma vie et simultanément dans celle de David et dans notre projet commun. Nous reparcourons avec elle toutes nos étapes, nos confrontations d'idées et nos interrogations. Et elle adhère parfaitement à notre cheminement ; David et elle s'entendent très bien. Nous pouvons donc continuer à trois.

Nous débattons de divers thèmes : baptême, importances éducatives, handicap, religion, pension alimentaire, rythme de séjour chez le papa, etc. Quelques sujets nous demandent plus de temps et de partage :

- La façon d'appeler Lydie. Nous pensons que, dans la société dans laquelle nous vivons (et a fortiori celle où l'enfant grandira), il y a des codes et un certain vocabulaire compréhensible par tous. Il nous faut donc trouver un nom qui est représentatif d'un certain statut auprès du petit. Les « Nounou », « Tara », « amie de Maman », ne conviennent pas, les petits noms inventés ne feront pas écho chez les cousines et les petit camarades d'école. Notre choix se porte donc sur « Marraine ».

- L'organisation quotidienne demande toute notre attention car elle nous semble primordiale. Nous ne voulons pas de nourrice car nous sommes déjà trois à intervenir auprès de cet enfant et nous avons envie de l'élever complètement. Or, si la place d'un Papa et d'une Maman auprès d'un bébé, comme d'un plus grand, n'est plus à créer, ce n'est pas le cas de celui de la compagne de Maman, qui, lui, est à inventer. Il est nécessaire que Marraine et bébé puissent, ensemble, trouver et prendre leur place. De plus, ni David ni moi n'avons le désir d'être père ou mère au foyer. Par contre, Lydie aimerait beaucoup une activité plus centrée sur la maison et les enfants. Aussi, après le congé de maternité passera-t-elle à mi-temps.

- Nous prenons l'engagement de partir tous les quatre au moins une semaine par an. Il nous parait important que nous vivions un quotidien ensemble et que notre bébé ait son père, sa mère et sa marraine sous le même toit au moment de ces vacances.

Conjointement à ces discussions, nous sommes convaincus que l'enfant ne doit pas servir de « glisse-pilule » : les trois familles doivent être au courant, avant le début de la grossesse, de l'homosexualité de leur parent. Si la situation est claire et acceptée sans souci chez Lydie et moi, ce n'est pas le cas de David. Aussi va-t-il s'atteler à cette tâche toujours ardue et plus ou moins douloureuse le plus vite possible car nous sommes conscients qu'un environnement familial immédiat n'est pas suffisant pour un enfant : il a besoin d'un cercle élargi pour se construire, composé de grands-parents, d'oncles et tantes, d'arrière-grands-parents et de cousins cousines.

Après une grossesse sans souci, notre bébé naît le 19 février 1999 : elle s'appelle Maëlle.

David passe le congé de paternité chez nous : notre apprentissage est commun ainsi que nos émotions d'ailleurs.

Notre vie s'organise bien, sans heurts, sans déchirements et remplie de sentiments. Si bien que très vite, nous décidons d'avoir un deuxième bébé : Eloïse naît le 20 octobre 2000, juste vingt mois après Maëlle.

Bruno entre dans la vie de David trois mois après la naissance d'Eloïse. Les enfants intègrent parfaitement « l'amoureux de Papa » (comme dit Maëlle), et lui font une place auprès d'elles proportionnelle à celle que Bruno sollicite petit à petit. Au niveau des adultes, nous apprenons à nous connaître et à nous apprécier mutuellement. Il y a assurément de la place pour quatre autour des filles, chacun leur apportant des choses différentes et complémentaires. Forts de cette conviction, nous cheminons désormais à six.

Les enfants vivent chez Maman-Marraine ou chez Papa-Bruno. Nos rencontres avec les garçons sont hebdomadaires au minimum, souvent multiples. Les filles voient souvent chaque membre de leur famille. A certaines occasions (Noël, baptêmes et enterrements), nous participons tous ensemble à ces événements. Nous poursuivons notre semaine commune de vacances six et les enfants adorent nous avoir tous sous le même toit.

Notre famille ne s'agrandira plus. Nous sommes parfaitement heureux avec nos deux petites filles. Puisse notre bonheur durer le plus longtemps possible et aboutir à l'épanouissement de deux adultes bien dans leur peau, fières de leurs richesse personnelles et familiales.

Catherine et Lydie

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L'homosexualité dans la rue : pourquoi ?

Pour le spectateur non-averti la marche de la Gay Pride (Fierté Homosexuelle) peut offrir l'image bigarrée d'un carnaval. Il est vrai que les chars, les sonos, les drag queens et autres folles dénudées rivalisent d'imagination et de paillettes dans un but volontairement provocateur. Au-delà des clichés qui peuvent choquer les adeptes du politiquement correct, la Gay Pride est pourtant une commémoration, une manifestation de visibilité qui a pour but la revendication du droit à l'indifférence et à l'égalité des droits.

Une commémoration

La programmation de la Gay Pride le dernier samedi du mois de juin n'est pas un hasard du calendrier. Les homosexuels ont choisi cette date afin de commémorer les émeutes dites de Stonewall.

En effet, l'histoire de la fierté gay trouve son origine à New York en juin 1969. Ce jour là, comme souvent, le bar Stonewall Inn est victime d'une descente de police. Les agents cherchent à contrôler l'identité de la clientèle qui, hormis son orientation sexuelle, n'a strictement rien à s reprocher. Face à cette injustice les clients refusent d'obtempère et se révoltent. Des centaines d'homos, se massent dan Christopher Street aux abords du Stonewall Inn.

Plusieurs jours d'émeutes scellent d'une pierre angulaire la volonté de la communauté homosexuelle : ne plus être pourchassée au simple motif de son orientation sexuelle. A compter de ce moment les homos ont rejeté la honte et se sont présentés fiers de leurs différences... La Gay Pride que les américains nomment Christopher Street Day (le jour de la rue Chritopher) vient de naître.

Depuis, l'évènement est commémoré dans la plupart des pays occidentaux. A New York près d'un million de lesbiennes et de gays manifestent chaque année. A Paris, la Gay Pride réunit près de 400.000 personnes alors qu'une marche similaire est organisée dans les plus grandes villes de France (Lyon, Marseille, Bordeaux, Montpellier, Nantes...).

Dans l'émission « Tout le monde en parle » Thierry Ardison recevait Jack Lang. A la question provocante : « Si vous étiez président combien de Gay Pride organiseriez-vous chaque année ? » l'invité a répondu : « Il n'y aurait plus de Gay Pride car l'homosexualité serait définitivement acceptée ».

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Volontairement incorrect

« Pour vivre heureux, vivons cachés ». Les homosexuels ont longtemps vécu dans l'ombre de nos sociétés par peur du qu'en dira-t-on ? Malheureusement, cette discrétion donnait libre cours aux « lazzis et quolibets ». En choisissant d'apparaître au grand jour et de revendiquer leur fierté ils ont bousculé les préjugés et les idées reçues.

Lors des émeutes de Stonewall les gays bien installés dans la société sont restés dans l'ombre. Ils pensaient vraisemblablement avoir plus à perdre qu'à gagner dans le combat pour la visibilité. Ainsi, ce sont les « folles » et les travestis qui sont à l'origine du combat pour l'égalité des droits.

Aujourd'hui encore, le côté bigarré et provocant de la Gay Pride peut choquer les non-gays mais également certains homosexuels qui ne comprennent pas forcément cette « exhibition ». Pourtant nous pouvons donner une explication simple à ces extravagances. Par méconnaissance de nos différences, une part de la société a peur de l'homosexualité. Pourtant, elle est naturelle et certainement pas contagieuse. Le jour de la Gay Pride les gays ont choisi de prendre le contre-pied des railleries populaires. Certains d'entre-nous se montrent tels que la société aime nous représenter. Cette faculté d'autodérision démontre que nous ne sommes plus les victimes de nos « agresseurs »... Volontairement, la Gay Pride est politiquement incorrect.

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Une manifestation militante

La Gay Pride n'est pas seulement une parade commémorative. Elle est également une manifestation militante, une vitrine de la communauté gay citoyenne.

Lutter pour le droit à la différence c'est aussi et surtout lutter pour l'égalité de traitement devant la loi. Dans ce but des associations se sont constituées, des contacts ont été pris avec les pouvoirs politiques et syndicaux. Et une fois par an les homosexuels descendent dans la rue pour faire avancer leurs revendications... A titre d'exemple, le vote de la loi sur le PACS (Pacte Civil de Solidarité), doit beaucoup à la mobilisation de la communauté homosexuelle lors de la Gay Pride.

Nous avons toutes et tous des craintes au sujet de la différence d'autrui. Au fil de l'histoire nos peurs se sont traduites par le racisme, les guerres de religions... L'homophobie est une des réactions de l'homme confronté à la différence.

C'est pour cette raison que j'ai accepté d'écrire ce texte destiné à des lecteurs de la communauté protestante... Une communauté qui mieux que toute autre peut comprendre le besoin qu'ont les homosexuels de vivre librement et d'obtenir l'égalité des droits... La Gay Pride est un outil dédié à cet objectif.

Eric Seroul
Directeur du magazine BNEWS

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Un regard changé

Prenant à l'hôtel un petit déjeuner avec ma femme, au cours d'un voyage récent, j'observe un instant deux hommes d'âge moyen assis à une table voisine, en train de boire un café et de déguster un croissant. Rien de spécial dans leur comportement. Je me surprends cependant à penser, involontairement : « Seraient-ils deux homosexuels ? »

Quelques minutes plus tard, je fais part à ma femme de cette idée sortie de mon inconscient sans que je le souhaite. Elle aussi a vu ces deux hommes attablés et elle rejette mon idée, les ayant entendus se parler d'un jogging à préparer ! Et elle ajoute : « En revanche, n'avais-tu pas remarqué la semaine dernière, au restaurant à Palerme, ces deux hommes placés en face de notre table... ? » Et je lui réponds que si.

Il y a vingt ans, je n'aurais pas eu cette réaction spontanée devant ce groupe, comme nous en voyage. De cette constatation je tire la conclusion que, malgré moi, mon regard sur les autres a changé. Pourquoi ? Ne serait-ce pas simplement parce qu'on nous parle partout d'homosexualité, dans les media notamment, et qu'à la longue, l'idée de la trouver souvent présente autour de moi a fait son chemin.

Malgré tout, je suis surpris d'avoir senti naître en moi un tel sentiment qui pourrait bien traduire un manque d'ouverture. S'il m'avait fallu avoir telle ou telle conversation inattendue avec ces deux hommes en les croisant au sortir de la salle à manger, mon attitude aurait-elle été affectée par ce sentiment ?

Le phénomène de l'homosexualité se met à susciter en nous une attention plus grande et la volonté d'accueil peut s'en trouver heureusement accrue. C'est à condition que notre regard se fasse autre de façon réellement positive. Pour le petit épisode que je viens de relater, je me pose encore la question.

Bernard Felix
L'assomption

(1) psy

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Relecture du rapport sur Église et homosexualité

Le débat sur l'homosexualité est aujourd'hui officiellement ouvert dans les Eglises luthéro-réformées de France ! Si celui-ci intervient tardivement au regard du protestantisme européen, il faut reconnaître aux instances de l'Eglise réformée de France (pour parler de mon Eglise) le courage d'entrer dans un débat réputé difficile. Et s'il n'y avait, derrière, des attentes et des souffrances individuelles, on pourrait déjà se féliciter du chemin parcouru. Comment mieux mettre à l'épreuve notre dimension communautaire ; comment mieux vivre en actes notre profession de pluralité et notre volonté de débat en interne et au sein de la société ; comment mieux exercer notre tâche herméneutique, notre élaboration théologique et éthique si ce n'est à travers un champ d'expérimentation réel où nos corps, nos appartenances, nos orientations, nos histoires sont à ce point impliqués et imbriqués. Je me propose ici de dire simplement quelques mots sur l'élaboration, le contenu et les choix du document produit par le Comité Permanent Luthéro-Réformé, en en pointant les présupposés idéologiques.

Entre ouverture et réalisme ecclésial

La configuration choisie pour ce projet lui donne la forme d'un rapport de rapports le rapprochant davantage, quoi qu'on en dise, d'une contribution pré-synodale que d'un document de travail balayant large. Pour preuve, le choix restreint des contributions en annexe, l'absence de parole donnée à des homosexuel-le-s ou à des mouvements impliqués dans la pastorale des gays et lesbiens, le silence sur l'histoire des débats parmi les spécialistes chrétiens francophones, enfin une bibliographie très orientée « psy ».

Si les annexes développent plus abondamment la chose, on peut être fort déçu du traitement exégétique de notre sujet. N'est-ce pas justement l'angle qu'il fallait approfondir en débat avec l'aile orthodoxe, pour faire passer pédagogiquement l'important renouvellement des interprétations. Pourquoi, par exemple, passer quasiment par pertes et profits le récit de Sodome et Gomorrhe alors que sa fallacieuse interprétation « sodomite » a été d'un poids écrasant, jusqu'au XVIIIe siècle, pour justifier la rigueur des législations anti-homosexuelles et a marqué durablement les consciences ? Il vaut aussi la peine de se demander pourquoi en invoquant l'altérité à travers Genèse 1, on omet volontairement le second récit de la création. Quant à l'anthropologie biblique comme à la réflexion large sur la sexualité dans la Bible, on reste sur sa faim : pas d'allusion aux passages sur l'érotisme, la fidélité, l'attitude de Jésus, la liberté paulinienne des enfants de Dieu... Le plus ambigu - et le plus grave - me semble être l'impression laissée que le référent biblique ne peut en rien nous aider en la matière. Comme si la rigueur des textes et le décalage historique nous interdisaient toute réappropriation contemporaine, toute herméneutique. Symbole d'une crise de confiance en la « Bible, règle de foi » et d'une inexpérience dans son usage herméneutique appliqué à l'éthique.

Exit l'éthique, le droit, l'histoire

D'éthique justement, il n'est pas question, ici. Et nous sommes tout de même en droit de nous étonner de cette révocation. La question n'est elle pas affaire d'éthique personnelle, d'éthique communautaire, d'éthique sociale ? Le plan adopté par la commission Couple-Famille-Société (reprenant les trois pôles « théologique, exégétique et éthique, sans ignorer les dimensions psychologiques, sociologiques et juridiques ») me parait en comparaison mille fois plus pertinent, plus englobant, moins idéologique !

Car ici, manque bien sûr aussi une approche par le droit ecclésial. L'une des questions est bien de savoir s'il faut inscrire et comment la non-discrimination (quant à l'orientation sexuelle) dans notre Discipline ? Les auteurs du document semblent plus soucieux de reconstruire l'archéologie psychique du sujet individuel que de prendre en compte la dimension historique, sociale et juridique de la matière abordée. Comment d'ailleurs faire l'impasse de la discussion avec l'argumentation socio-génétique d'un conditionnement social négatif !

C'est que la vérité est ailleurs... dans la psychanalyse ! Celle-ci - après quelques réserves d'usage - apparaît en fait comme l'élément central (matériellement), déterminant (cf. la place qu'elle tient dans le texte et la bibliographie, son débordement en un troisième chapitre psycho-sociologique) et incontestable (alors que la Bible nous laisse dans le brouillard exégétique). Voyez comment la « science » freudienne et lacanienne tient lieu de vérité, volant littéralement la place à l'approche théologique, étrangement absente. Une vrai assomption ! Qu'on me comprenne bien : l'apport psychanalytique en général, l'argumentaire psycho-social d'un Tony Anatrella par exemple, doivent avoir ici leur place. Et une place non négligeable. Mais comment ne pas porter le même regard critique, historique, herméneutique sur ces disciplines de sciences humaines ? Comment ne pas jauger et articuler la force de leurs arguments à l'aune des autres champs du savoir théologique ? Surtout, si l'on sait que la psychanalyse est devenue aujourd'hui, chez nombre d'éthiciens et de théologiens, l'argument principal et « moderne » justifiant les positions conservatrices ! Et si l'on constate que parmi les psychanalystes eux-mêmes toutes les approches ont pu être défendues.

Altérité et sexualité

Plutôt que d'évoquer l'aggiornamento psychanalytique sur l'homosexualité, au lieu d'invoquer la notion de sujet lacanien - qui ne nous aide pas vraiment en la matière -, il aurait été plus profitable de travailler les notions de bisexualité psychique, de choix d'objet narcissique ou non, de déni de castration... autant d'apports qui nous aident à penser la question. Sans oublier de mentionner les critiques, aujourd'hui classiques, adressées à la psychanalyse : place accordée à la sexualité, universalité de l'Oedipe, loi selon Freud... Peut-être aurait-il fallu aussi - comme la commission Couple-Famille-Société en a eu le courage, comme l'association « David et Jonathan » nous y invite - affronter vraiment la question de l'altérité dans son rapport à la différence sexuée et dans son lien à l'orientation sexuelle. Nous sommes là, avec aussi la question de la discrimination sociale et légale, au coeur des vrais enjeux de notre sujet.

Arrêtons de tirer sur la corde ! Un document existe, produit par nos Eglises, prétexte à ouvrir entre nous un large débat. Prenons-le à bras le corps. Sans manquer les vrais enjeux. En déployant une éthique de la discussion. Sans jamais oublier celles et ceux dont on parle.

Joël Geiser

1 Dans le sens psychanalytique d'une « naissance toujours renouvelée ».

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Trois ouvrages

Trois destins hors du commun

Il est des vies dont le destin et surtout l'humanité nous interpellent fortement

En voici trois exemples glanés au gré des étals récents de librairies

Yves Congar

Yves Congar. Mon journal du Concile. 2 tomes. 1200 pages. Le Cerf. 2002.

L'ouvrage conséquent que viennent de publier les éditions du Cerf n'est pas une biographie (1).C'est le journal que le Père Congar , dominicain français, tint pendant toute la durée du Concile Vatican II, de 1962 à 1965, mais aussi en amont, pendant la préparation du Concile, et en aval, soit les suites de cet événement. A ce Concile, le Père Congar est consultateur de la Commission théologique.

Ce journal est le troisième du genre d'Yves Congar puisqu'il publia antérieurement le Journal de la Guerre (1914-1918) et le Journal d'un Théologien (1946-1956).

Dans ce journal, au jour le jour, Yves Congar évoque ses rencontres, les débats conciliaires et ses réflexions personnelles. On y retrouve tous les arcanes, les intrigues, les astuces qui caractérisent toute assemblée appelée à délibérer, tels nos synodes protestants, avec en prime le poids de l'institution et de la hiérarchie. Les lecteurs non-initiés, comme nous, pauvres protestants, sont impressionnés par la valse des monsignori et des cardinaux évoqués. C'est à vous donner le tournis !

La position, oh combien inconfortable ! du père Congar est de rester toujours fidèle à son Église, tout en y adoptant une attitude critique sans compromissions. Le tout, avec un capital de santé bien déficient : « Aimer Dieu de toutes ses forces. Je dois y être, puisque je n'ai plus de forces. Sauf celles qu'il me prête juste chaque jour »

L'ouvrage a pour sous-titre : « Je marche pour que l'Eglise avance ».

Yves Congar se fait ici l'écho de l'enthousiasme suscité par la convocation de ce Concile par Jean XXIII, puis de la relative déception de beaucoup de catholiques, suite aux atermoiements et aux options de Paul VI : « Kung pense que le papa Paul VI est très bon tant qu'il hésite, ce qui est son premier mouvement ; mais ensuite, à la fin, il décide dans un sens conservateur. Il est actuellement l'objet de grosses pressions qui ont toujours un caractère politique, se référant à la situation italienne. On lui fait valoir qu'en ce moment les ouvertures (oecuménisme, collégialité, liberté religieuse), favoriseraient le glissement à gauche et même, avec l'évasion des capitaux, une crise économique en Italie. D'où, chez le pape, des attitudes qui décevraient les espérances soulevées par son début ».

Sur son Église Yves Congar déclare : « Je vois le poids non dénoncé de l'époque où l'église était seigneurisante, où elle avait un pouvoir temporel, où les papes et les évêques étaient des seigneurs, qui avaient une cour, protégeaient les artistes, prétendaient à une pompe égale à celle des Césars. Cela, l'Eglise ne l'a jamais répudié à Rome. La sortie de l'ère constantinienne n'a jamais été son programme... Je le crois à l'évidence, Il n'y a rien à faire tant que l'Eglise romaine ne sera pas sortie totalement de ses prétentions seigneuriales et temporelles. Il faudra que tout cela soit détruit : et cela le sera ! ». Et à propos du bilan de ce Concile : « A voir les choses froidement, ce qui s'est passé est très grave. On a reculé de plusieurs années. Les frères séparés se sont remis à douter de nous... Le pape, qui est l'homme de tous, a voulu donner satisfaction à tous. Mais, ce faisant, il est apparu comme celui en qui on ne peut se fier totalement. Une fois de plus, il n'a ni la théologie ni la structure intellectuelle de ses gestes ».

Qu'il est beau ainsi de voir les lutteurs qui, jusqu'à leur dernier souffle, se battent pour que la lumière déborde les petites combines humaines et les crispations identitaires !

Anne Brenon. Les Fils du Malheur. Pèire Maury, berger d'exil (1300-1311). Editions de l'Hydre. 2001. 280 pages. 19 euros.

Si le livre d' Anne Brenon sort des presses, lui, n'est pas un de nos contemporains. L'ouvrage d'Anne Brenon est le second volet d'une série intitulée les Fils du Malheur (2). Cette saga, faite de romans historiques, relate la fin du catharisme occitan, au travers de la vie d'habitants du village de Montaillou.

Après l'évocation de l'existence de Guillelme Maury l'Impénitente, c'est celle de son frère Pèire qu'Anne Brenon retrace ici : un berger habitué aux transhumances, un homme en un premier temps partagé entre ses souhaits, ses désirs légitimes et sa foi, puis un ami et un défenseur indéfectible des « bonshommes », alors que la traque de l'Inquisition menace de toutes parts.

Les registres de l'Inquisition, scrupuleusement rédigés et conservés, sont le vivier principal des faits, gestes et croyances de tout ce petit peuple des contreforts des Pyrénées.

La qualité d'écriture d' Anne Brenon, son sens aigu des choses humaines, son attachement irrévocable à la cause cathare comme à la défense de ceux que les systèmes autoritaires écrasent, font le reste. On trouvera difficilement meilleure évocation des systèmes d'oppression des puissants de ce monde, comme de la grandeur d'âme, parfois surhumaine, de certaines de leurs victimes.

Ces pages sont consacrées à un homme hors du commun. Elles le ressuscitent. Elles lui rendent justice et, au travers de lui, à tous les humbles défenseurs des causes nobles ou de l'honneur humain, dont l'histoire n'a pas gardé les noms, ni évoqué la générosité, donc les prouesses.

Ces pages font aussi la part belle aux derniers bonshommes cathares : surtout Pierre Authié, mais aussi son frère Guilhem, son fils Jaume, en attendant celui qui va clore cette belle série : Guilhem Bélibaste. Elles relatent leurs faits et gestes, plus encore leur dévouement indéfectible à la cause de l'Evangile et le message qu'ils ont charge de transmettre.

Christophe de Ponfilly. Massoud l'Afghan. Celui que l'occident n'a pas écouté. 300 pages. Le Félin et France Loisirs. 1998 et 2001.

Le onze septembre dernier, la destruction du World Trade Center, en plein coeur de New York, projette l'Afghanistan et les taliban sur le devant de la scène internationale. Jusqu'à ce jour, les américains soutenaient l'Afghanistan et les taliban pour deux raisons. Les taliban, moyennant indemnisation, acceptaient la construction d'un pipe-line du Turkménistan à la côte pakistanaise, via l'Afghanistan de l'ouest. Par ailleurs, leurs exaction auprès de la population locale hypothéquaient l'image et la cause de l'islam dans le monde, ce qui ne pouvait que plaire aux américains.

Christophe de Ponfilly (3), journaliste et cinéaste, a été légitimement l'admirateur du Commandant Massoud, le Lion ou l'Aigle du Panjshir, homme avant tout, chef militaire charismatique, mais par nécessité, inaccessible à la corruption. Avec talent et sérénité, il tint tête aux fanatiques de l'islam, aux nombreux chefs afghans gagnés par la corruption et aux nations occidentales qui les ont toujours soutenus. Notre auteur dira : « Ce jeune commandant a le génie de la rencontre. Il sait, en écoutant intensément les autres, manifester son intérêt pour les problèmes qui touchent les paysans de la vallée, les mollahs, les combattants... Il a la passion de l'organisation. Capable de dicter plusieurs messages en même temps, de penser à une action future, de réfléchir à ce qu'un tel lui a proposé, il ne laisse rien au hasard et est omniprésent... Il interroge avec un calme qui semble inaltérable et avec ce brin d'humour qui donne la mesure d'une vraie intelligence ». Tous le perçoivent comme un ami ou un grand frère. En souriant, il explique qu'il n'y a que trois grades dans son armée : les moudjahidin (soldats), les chefs de groupes et le commandant.

Contraint à être un homme de guerre, il est profondément homme, c'est-à-dire, homme de paix. Christophe de Ponfilly nous livre un reportage. Il n'est pas à proprement parler un homme de lettres. Mais, suite au film qu'il a consacré au Commandant Massoud en 1998, son récit nous permet d'approcher l'une des figures les plus emblématiques de notre temps.

Pierre-Jean Ruff

Si vous me le permettez, mes frères, je vous félicite pour tous vos succès militaires. Je remercie, et nous devons tout le faire, le Tout- Puissant qui, une fois de plus, nous a accordé sa grâce et sa bienveillance. Il nous a donné une nouvelle chance de servir notre peuple et de sauver notre patrie. Il n'existe pas de meilleure mission que de sauver son peuple de ses oppresseurs, d'hommes intolérants et éloignés de Dieu. Nous nous battons pour la liberté. Pour moi, la pire des choses serait de vivre esclave. On peut tout avoir : à manger, à boire, de quoi se vêtir, un toit où se loger. Si l'on n'a pas la liberté, si l'on n'a pas la fierté, si l'on n'est pas indépendant, cela n'a ni goût, ni valeur

Ahmad Shah Massoud

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Paroles de sincérité

Cueillez, coupez, faites vos gerbes de vérités, respirez le parfum de ces fleurs de lumière, mais ne vous enorgueillissez pas de votre moisson ! La modeste moisson de vos frères moins heureux est de même nature que la vôtre ; ils emportent eux aussi pressés sur leur coeur, une provision de vérités dont ils vont vivre.

Ne repoussez pas ceux dont la gerbe est moins riche, ne vous apitoyez pas sur ceux qui n'ont pu saisir que de rares clartés, ne condamnez jamais ceux qui, ignorant les soleils lointains clignotant faiblement dans l'infini, ont jalousement saisi les rayons des planètes prochaines, reflets trompeurs et blafards, vers luisants de la voûte céleste, clartés de pauvres, de miséreux dont les yeux n ont pas souvent le loisir de regarder au ciel et d'en sonder l'infini profondeur.

Ne condamnons personne au nom d'une vérité que nous ne possédons pas nous-mêmes : songeons seulement - si notre moisson est riche - que notre richesse spirituelle nous crée de plus grands devoirs. Plus de dogmatisme ! Plus d'autoritarisme ! Plus d'exclusion ! Plus de dénonciation pieuse !

Si, dans nos églises chrétiennes, nous étions moins sûrs de posséder la vérité, croyez-moi, nous nous aimerions davantage et nous serions plus près du Christ.

Etienne Giran

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Courrier des lecteurs

A propos de l'éditorial d'octobre dernier : « Pouvoir et autorité dans les Églises ».

Une remarque sur ce bon article de quelqu'un qui a vécu ce métier difficile et admirable. Etre pasteur de la fin du 2° millénaire entre d'une part cette merveilleuse mutation de la pensée qu'ont pulsé l'étude des textes, les découvertes archéologiques, l'évolution des théologies... et d'autre part le traditionalisme des fidèles aux souvenirs de leur pieuse enfance, des comportements ancestraux... est une gageure...

Il serait bon de rappeler que ce qu'on traduit par autorité est le mot grec « exousia » qui a le sens de liberté...

Ce qui a frappé les gens de l'époque de Jésus, c'est sa liberté de parole. Or les scribes et les pharisiens ne pouvaient supporter cette liberté de parole de ce gars du peuple, même pas diplômé du Temple ! Celui qui parle avec liberté comme Socrate, Platon ou Jésus... a de l'autorité, si ce qu'il dit correspond au besoin, au sentiment profond, à la conscience de la vérité... des auditeurs. Il serait bon que les paroissiens reconnaissent la liberté de parole qu'a reçue leur pasteur, et qu'ils usent de la même liberté de parole avec lui et entre eux, fraternellement.

Je demandais à un formateur de commando de la Légion : « Que faut-il pour avoir de l'autorité ? » - « D'abord aimer les hommes »... C'est pour cela que les protestants persécutés, brimés... se sentaient tellement unis et trouvaient en eux les ressources incroyables qu'on leur reconnaît. Les gens d'église ont les pasteurs qu'ils méritent... Il n'y a pas ici une accusation, seulement l'espérance d'un moment où il y aura besoin « d'honorer la condition d'homme », comme le dit P. J. Ruff. Alors, il sera possible d'honorer ce petit juif, professeur de « liberté de parole », qui nous paraît si entraînant.

Hugues Vertet

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