Je
me suis penchée sur quelques confessions
de foi. Celle qui me parle le moins (peut-être est-ce normal?)
c'est le "symbole
des apôtres". D'abord il y a des choses que je ne comprends
pas, et puis je me dis qu'il n'est peut-être pas si triste et
sec qu'il en a l'air. Voilà donc quelques interrogations en
vrac :
D'abord,
pourquoi "symbole des apôtres", ce sont eux qui l'ont
écrit ?
Bonjour, et bravo de vous poser
des questions. Je suis vraiment d'accord avec vous, c'est cela qui
fait avancer.
Le symbole dit des apôtres n'a pas été écrit
par les apôtres, en tout cas pas ceux qu'a connu Jésus.
Une 1ère ébauche de ce texte apparaît au début
du IIIe siècle sous la plume d''Hippolyte.
Contrairement à ce que l'on cherche dans une confession
de foi actuellement, ce texte n'est pas un résumé
des croyances essentielles, mais un catalogue anti-hérésies.
Ce texte servait de test d'orthodoxie (c'est-à-dire dans
le patois théologique : de pensée conforme à
celle de l'église), afin de ne pas donner le baptême
à un hérétique. Cela est apparu comme nécessaire
principalement quand le christianisme est devenu la religion officielle
de l'empire romain (avec la conversion de l'empereur Constantin
au IVe)
Du coup, il est effectivement un peu sec. Et je ne l'utilise que
quand il est bon d'unir des chrétiens de différentes
églises, en particulier quand on a une célébration
commune avec des catholiques.
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Ce
qui est dit de Jésus est un peu restrictif non ? C'est si factuel,
ça me donne l'impression que toute sa parole est contenue dans
son supplice et sa mort. ça en dit beaucoup, d'accord, mais
ce n'est pas tout non?
Je suis donc complètement
d'accord avec vous, le problème dans ce texte est d'abord
ce qui manque dans le Credo, puisqu'il manque par définition
ce qui est consensuel, ce qui est le cur même de la
foi chrétienne, reconnu par toutes les sensibilités
de l'époque. Du coup, oui, L'amour de Dieu, le pardon, la
vie du Christ... n'ont pas besoin d'être évoqués.
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Pourquoi
"son fils unique", si nous sommes tous appelés à
être fils et filles de Dieu ? Parce que nous ne le sommes pas
encore ?
Oui, c'est effectivement assez
étrange. Le Christ est fils unique et nous sommes fils &
filles de Dieu, les 2 se retrouvent d'ailleurs dans le même
texte au début de l'évangile selon Jean. On dit parfois
que Jésus est Fils par nature, et que nous le sommes par
adoption, c'est à dire simplement parce que cela plaît
à Dieu de nous reconnaître comme son enfant alors que
nous ne l'étions en fait pas.
Une autre possibilité est plus fine, et peu-être
plus riche théologiquement. Elle consiste à dire que
le Christ est l'Humain tel que Dieu l'a toujours, et de toute éternité
rêvé. Il est ainsi la Parole éternelle de Dieu,
le plan de Dieu pour ce qui concerne l'être humain, à
l'image et à la ressemblance de Dieu. C'est donc le Christ
qui est le Fils, ou la Parole de Dieu, si l'on veut. Il est le Fils
Unique, et il n'y en a jamais eu d'autre, il n'y en aura pas d'autre
(Dieu reste fidèle à son idée théorique
de l'humain). Voilà le premier point. Ensuite, historiquement,
il y a des personnes humaines en chair et en os, toutes sont des
ébauches plus ou moins abouties de ce projet, et à
ce titre toutes plus ou moins des enfants de Dieu, et la grâce
est que Dieu reconnaisse ces créatures inachevées
comme des enfants à part entière, comme des parents
reconnaissent comme fils leur nourrisson (incapable de parler et
de faire grand chose). Parmi ces enfants, il y a un homme, Jésus
de Nazareth qui est plus, bien plus abouti que tous les autres,
et qui a reçu la mission particulière, unique, de
nous révéler Dieu. Il est un fils comme nous le sommes,
à un degré supérieur, sans doute, mais pas
autrement. Il est bien plus le Christ que quiconque, par son degré
d'humanité et sa vocation, mais nous avons tous du Christ
en nous. Jésus est alors le fils aîné d'une
multitude de frères et surs.
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D'où
vient la référence à une descente aux enfers
? ça me fait penser aux textes de mythologie romaine, mais
pas tellement aux Evangiles que j'ai parcourus.
Je suis bien d'accord avec vous
sur le côté mythologique du truc, un peu comme Ulysse
dans l'Odyssée et autres héros de la mythologie grecque
comme Orphée qui récupère ainsi son Eurydice.
Le sens est peut-être celui d'Orphée, précisément
: en Christ, Dieu accepte de descendre jusqu'aux enfers pour sauver
ceux qu'il aime : dans cet enfer où nous sommes par nos faiblesses
et nos souffrances ? On peut dire aussi que le parcours du Christ
proposé ici avec la descente aux enfers, résurrection
sur la terre et ascension au ciel = Dieu s'expérimente d'abord
comme puissance de consolation et de libération du péché,
il s'expérimente ensuite dans notre vie sur terre (dans nos
décisions et nos actions) et enfin en une élévation
vers le ciel (vie spirituelle et/ou vie après la mort) ?
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"Il reviendra
pour juger les vivants et les morts" : cette phrase m'est un
peu étrangère, mais je n'arrive pas à formuler
les questions qu'elle me pose!
C'est épouvantable, à
mon avis, si l'on imagine ce jugement comme une sélection
des meilleures personnes pour la suite, et un rejet des moins bons
pour les torturer.
C'est une formidable promesse si on le comprend comme une promesse
de purification de notre être en permettant à ce qui
est vivant en nous (libre, aimant, avançant...) d'être
libéré de ce qui l'entrave (ce qui est mort, haineux,
souffrant...). Ce jugement est ainsi à espérer, à
attendre non seulement pour l'avenir, mais dans le présent,
pour nous permettre de ressusciter chaque jour un peu plus.
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Qu'est
ce que c'est la communion des saints ? Il y a un rapport avec la Cène
? J'espère que ce n'est pas limité aux saints au sens
de l'église catholique ?
Non, heureusement, ce n'est
pas limité à une élite.
D'abord parce qu'au sens de la Bible : saints = tous (comme on
le voit par exemple dans le début de la lettre de Paul aux
Romains, les saints : ceux qui sont appelés par Dieu).
Mais même au sens du Ve siècle (où est apparu
cet article), il s'agit, je crois de suggérer que nous sommes
tous au bénéfice de choses formidables qu'ont accompli
les martyrs de l'église chrétienne comme témoignage
de foi. On peut relire cela en reconnaissant que nous sommes tous
dans la même barque, et que nous sommes tous au bénéfice
de ce qui est semé par le moindre germe de foi, d'espérance
ou d'amour (comme dirait Paul), ou par la moindre Parole de Dieu
semée dans le monde... Effectivement, l'humanité a
été changée par un St françois, par
un Gandhi ou un Martin Luther King + Cf les textes de l'évangile
comme les paraboles du sel de la terre, lumière du monde,
semence...
Saint Augustin suggère que ce sont les saints qui prient
pour nous, plus que nous qui devrions prier les saints?
Nous sommes au bénéfice de la sainteté de
ceux qui nous ont précédés? Cf prière
d'Abraham pour Sodome. Mais cette notion est encore inscrite dans
l'idée d'un Dieu terrible qu'il faut amadouer pour qu'il
nous accueille, ce qui ne me plait guère (malgré ma
grande admiration pour St Augustin).
- La rémission des péchés m'évoque
de nouveau cette idée de rachat de nos péchés
par le Christ, que j'ai vraiment du mal à comprendre (peut-être
aussi que je n'ai pas envie!)
Oui, on peut y voir cette notion de rachat de nos péchés
par le Christ, assez pénible notion si on imagine encore
un Dieu méchant dont l'intense sentiment de punition et de
vengeance doit être calmé par le sang et les souffrances
d'un innocent. Mais cela peut être une façon moyenâgeuse
de dire que le problème fondamental n'est plus celui de l'amnistie
de nos fautes (car Dieu ne rejettera jamais personne). Le problème
est de nous guérir de nos faiblesses, de faire naître
une nouvelle dimension en nous, et de nous faire grandir. C'est
un peu comme cela que je comprend le salut en Christ = un peu comme
une naissance et une guérison, plus que comme une amnistie.
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La
résurrection de la chair m'étonne : on dit tellement
que c'est la chair qui est faible, qui conduit au péché
(je ne suis pas tellement d'accord mais c'est ce qu'on entend un peu
partout! pour moi ça ne peut être vrai que si "chair"
est une façon de dire "mauvais instincts" et pas
seulement le corps physique). Alors finalement pourquoi sa résurrection
serait une bonne nouvelle ?
C'est vrai, il n'est pas question
ici, je pense, de la chair au sens d'instinct animal (comme parfois
chez Paul), ni la chair au sens de corps (ce qui est une bonne mais
temporaire dimension de notre être), mais d'une résurrection
de la chair au sens où Paul l'entend en 1 Corinthiens 15,
c'est à dire une chair spirituelle, une chair glorieuse.
Cela me semble assez important. En effet, dans certaines pensées,
le ressuscité rejoint Dieu au point de fusionner avec lui.
Dans le Christianisme, ce qui compte c'est l'individu et les relations
entre individus (dont Dieu). La résurrection de la chair,
cela peut être compris comme une résurrection de l'individu
personnel, puisque c'est notre corps qui marque en ce monde à
la fois un espace qui nous est propre, et qui est l'interface avec
les autres (par les sens).
Mais cet article a longtemps fait craindre aux gens l'incinération,
et a perpétué le culte des morts dans les cimetières,
ce qui est bien archaïque, et déplace à mon avis
le lieu véritable de ce qui fait l'infinie valeur de la personne
humaine et de sa vie.
haut
Voilà,
j'arrête là ma longue série de questions, vous
me consacrez déjà beaucoup de temps!
C'est avec joie, sincèrement.
haut
Et
je termine par un bouquet de compliments sur le site de la paroisse
que je viens de découvrir et qui apporte plein d'éléments
de réponses (et du coup soulève un tas d'autres questions,
mais c'est comme ça qu'on avance, le jour où l'on n'a
que des certitudes, je crois qu'il faut demander à être
bousculé!).
Merci pour ce bouquet de compliments
qui m'encourage beaucoup dans ce ministère.
Avec toutes mes amitiés.