1/ Lidée dun devoir
dingérence sest développée
au cours des vingt dernières années. Où peut-on
en trouver lorigine ?
La raison principale du développement de ce concept, cest
que lon se trouve, depuis la chute du mur de Berlin, devant
une situation nouvelle. Dans les crises locales qui naissent ici ou
là, la communauté internationale est moins immobilisée
que du temps de la guerre froide. A cette époque, toute crise
locale risquait de devenir mondiale. Les deux camps se neutralisaient
et favorisaient le gel de toute initiative. Pourtant lopinion
internationale se sentait troublée par limpossibilité
dintervenir en face de ce quelle pouvait assimiler à
une non-assistance à personne en danger. De ce
mouvement de lopinion est né le sentiment dun devoir
et dun droit dingérence.
2/ Qui se trouve mobilisé par un tel
devoir : lindividu, la nation, la communauté internationale
?
Cest bien sûr, au premier chef, la communauté
internationale qui est mobilisée, cela, même si un nombre
croissant dindividus se sentent concernés. Mais ce devoir
ne touche en rien la sphère du privé.
Ce qui arrive parfois, cest que certaines nations, isolées
en face de lindifférence des autres, se mobilisent seules.
Exemple, depuis longtemps le Portugal, devant le problème déjà
ancien de Timor.
3/ Lapplication de ce devoir a suscité
récemment bien des difficultés. Faut-il en désespérer
ou peut-on penser en améliorer et en faciliter lusage
?
Il ne convient pas seulement de se préoccuper de lapplication
du devoir dingérence, mais de perfectionner le concept
lui-même. Partant dune base éthique qui veut se
projeter sur le droit international, on entre en collision avec le
droit de la souveraineté. Quelle souveraineté offre-t-on
encore aux nations si le droit dingérence sapplique
? Quand il y a véritablement anarchie dans un pays, alors ce
nouveau droit peut sexercer.
Cas spécial : le Kosovo. Le concept juridique qui entre en
jeu consiste alors dans le droit des peuples à disposer deux-mêmes.
Au moins partiellement, la souveraineté serbe doit seffacer
dans ce cas.
4/ Le déficit de contrôle démocratique
sexerçant sur les décisions de tel ou tel dirigeant
de tel ou tel pays nest-il pas souvent à lorigine
de ce devoir dingérence de voisins émus par les
conséquences de ce déficit ?
Le critère, en labsence de tout fonctionnement démocratique,
cest le respect des Droits de lHomme. On entre alors dans
le domaine de la criminalité internationale et de la défense
des individus contre les abus de certains dictateurs. Le droit dingérence
est plus facile à exercer quand existe un consensus international
dans lappréciation de cette absence de respect des Droits
de lHomme.
Dans le cas de Timor déjà mentionné, cest
la crainte du détournement de sens dun référendum
admis par lIndonésie qui a mobilisé lopinion
internationale.
5/ Lappel à laction résultant
de lévocation de ce devoir dingérence peut-il
être considéré comme une des avancées morales
majeures de la fin du XXe siècle ?
Noublions pas que lingérence a existé
depuis des siècles. La problématique a été
ainsi posée au XVIe siècle à légard
des Indiens dAmérique. On retrouve cette problématique
au XVIIIe dans la lutte contre lesclavage, au XIXe dans la naissance
du mouvement philhellène ainsi que dans la mise en cause générale
de la colonisation. Ce ne sont que des exemples.
Ce qui est nouveau, cest que lon ne se place pas tant
sur le plan moral que sur le plan juridique. On a, par exemple, créé
des tribunaux internationaux. Ainsi est transposée au niveau
international lidée dune société
organisée dont la vie se déroule sous un contrôle
juridique.
Cela est à relier à la pugnacité récemment
manifestée par certains juges (affaire Pinochet) qui se saisissent
dune affaire contre un criminel qui se pensait hors datteinte.
Cest là encore un progrès récent quon
peut espérer voir samplifier au siècle prochain