Dans le cadre de diverses manifestations
inter-religieuses, le Dalaï Lama a captivé les foules
les 7 et 8 août à Genève. La cathédrale
de Genève nest pas parvenue à contenir la foule
des participants. Plusieurs centaines de personnes ont suivi la célébration
sur le parvis à travers des haut-parleurs, tandis que 2000
autres avaient trouvé place à lintérieur
de lédifice.
Le Dalaï Lama, dont lautorité spirituelle est
respectée à travers le monde entier, représente
sur le plan politique une figure controversée, car il symbolise
le voeu de nombreux Tibétains de se libérer de la domination
chinoise.
En 1950, les forces communistes chinoises ont revendiqué
et envahi le territoire. Le Dalaï Lama est parti en 1959 en exil
en Inde. Depuis lors, il parcourt le monde pour parler du bouddhisme
et faire campagne en faveur de lindépendance du Tibet.
Introduction du pasteur Vincent Schmid
Cest un commentaire du pasteur
Vincent Schmid sur le texte de Luc 9.51-56 :
Ce passage de lEvangile de Luc nous parle déthique.
Quel esprit nous anime en face de celui qui est différent par
sa religion et par sa foi ?Notre foi et notre religion font partie
de notre être intime. Il sagit donc dun terrain
hypersensible. Lépisode suivant le montre : les disciples,
vexés par le refus des villageois qui sont de croyances différentes,
entrent dans une colère meurtrière et veulent se venger.
Or, Jésus na pas un mot de reproche envers les villageois.
En revanche, il réprimande sévèrement ses disciples.
Ce sont eux qui doivent apprendre à se détacher de la
violence qui les saisit à cette occasion.
Telle est la base dune démarche vraiment spirituelle.En
guérissant la violence qui nous habite, on rend possible la
relation avec celui qui est différent, et qui pourtant est
notre frère humain. Aujourdhui, le problème de
la violence religieuse est menaçant. On ne compte pas moins
de cinquante-six guerres ou foyers de tension à caractère
religieux plus ou moins marqués. Il y a donc un bon et un mauvais
usage de la religion.Le mauvais suscite un esprit de violence et danimosité
qui nous entraîne à la ruine et finit par rendre le monde
invivable. Le bon usage, au contraire, recherche un esprit de charité,
destime mutuelle et de compréhension sympathique. Il
permet à chacun dêtre ce quil est dans un
monde viable.
Il y a trente ans, lhomme posait le pied sur la lune.Avec
le recul, on se rend compte que la véritable révolution
fut mentale plus que technologique.Pour la première fois, on
a pu contempler de loin notre planète bleue. Elle est devenue
soudain plus petite, et lidée dune éthique
commune à laquelle chaque religion pourrait adhérer
sans se dénaturer est apparue plausible.Une éthique
qui saccorderait sur linacceptable, sur une communauté
des refus. La concorde entre croyances différentes est
bonne, peut-on lire dans lEdit que lempereur bouddhiste
Asoka promulgua au 3e siècle avant J.C. En effet, le respect
est non seulement profitable aux autres, mais dabord à
soi-même.Puisse ce jour marquer dune pierre blanche notre
marche hésitante vers plus de lumière !
La prédication du Dalaï Lama
Où que jaille
dans ce monde, jai toujours éprouvé un profond
respect pour les grandes religions et les grands courants spirituels,
car je suis conscient quils ont tous apporté dimmenses
bienfaits à lhumanité. Ils en apportent en ce
moment et ils continueront à en apporter dans le futur. De
cela, je suis intimement convaincu.
Nous voici à une époque où, de façon
générale, nous avons atteint un état de développement
matériel et technologique que lhumanité na
jamais connu jusquà ce jour. Outre quil faille
utiliser cette capacité à maîtriser les éléments
extérieurs à des fins altruistes, il convient aussi
de laccompagner dun développement intérieur,
dune maîtrise de lesprit, sans laquelle jamais notre
humanité ne pourra connaître la sérénité
et la paix véritable.
Pour moi, le développement intérieur prend racine
dans lamour, la compassion, la patience, la tolérance,
dans une attitude sans attachements ni désirs excessifs.Toutes
les grandes religions délivrent ce même message spirituel,
doù il découle quelles doivent éprouver
du respect mutuel les unes pour les autres.
Il ne suffit pas dadopter une religion, dappartenir
à une religion.Il faut aussi la mettre en pratique.Par la force
et la grâce de lexpérience, lesprit peut
petit à petit se pacifier, devenir plus serein, plus fort,
plus courageux. Si bien que, lorsque les difficultés surgissent
dans la société et entre les nations, la force que procure
lexpérience religieuse intérieure aide à
les résoudre.
La religion est comme un médicament. On doit lingérer
pour combattre la maladie. Débattre des qualités du
médicament ne sert pas à grand chose. Il faut le prendre
quand nous sommes malades. De la même manière, quand
notre esprit est troublé et notre paix intérieure détruite,
il faut utiliser la médecine de la spiritualité. Cest
dans ces circonstances quelle a sa raison dêtre
et peut déployer son efficacité.
Lexpérience et la mise en pratique sont donc essentielles,
quoique difficiles, et ne débouchant pas instantanément
sur des résultats probants. Cela se travaille à long
terme et doit conduire à une véritable transformation
intérieure à force de patience, de détermination
et de persévérance.
La spiritualité demande beaucoup defforts au
fil dun processus de transformation et de familiarisation progressif
destiné à habituer lesprit à une nouvelle
façon de sentir le monde. Ainsi se développera une force
intérieure allant de pair avec la joie intérieure, la
sérénité.
Dans le psaume que nous avons chanté, nous avons loué
la sagesse, lamour et lactivité dune instance
transcendante, Dieu pour les chrétiens.
Nous louons la sagesse, lamour, la compassion parce que nous
en reconnaissons la valeur. Mais il ne suffit pas de les célébrer,
il faut quils imprègnent nos actes quotidiens.
Les grands courants spirituels ont des visions métaphysiques
ou philosophiques différentes. Mais sur le fond, toutes visent
à rendre lhomme meilleur, cest-à-dire à
développer en lui lamour, la compassion, la patience,
la tempérance. Ces qualités se retrouvent au cur
de toutes les traditions religieuses.
La diversité des visions philosophiques, métaphysiques
et spirituelles correspondent à la diversité des êtres
humains qui ont chacun leurs besoins et leurs aspirations propres.
Comment ces religions, malgré leurs diversité,
peuvent-elles aider lhomme à devenir meilleur ? Prenons
tout dabord le cas des grandes religions qui envisagent un Dieu
créateur. Ce concept a une très grande puissance. En
effet, lhomme descend directement de ce créateur.Il doit
donc agir pour se conformer à ce que le créateur attend
de lui, cest-à-dire développer lamour, la
compassion et une certaine intimité avec le créateur,
surtout dans les religions qui nenvisagent pas une série
dexistences successives. Le concept de Dieu créateur
est une profonde source dinspiration propre à donner
un sens à chaque instant de lexistence et le sentiment
davoir accompli la volonté du créateur.
Dans son introduction, le pasteur a mentionné les innombrables
guerres ou conflits qui ont eu pour origine les divisions entre les
religions. Je pense que ceux qui ont déclenché ces conflits
au nom de la religion ne lavaient pas pratiquée au plus
profond deux-même et ne sétaient pas transformés
à son contact. Le pratiquant dune religion qui a pu se
transformer, qui a acquis une certaine sagesse et la paix découlant
de cette transformation spirituelle, reconnaît dans les autres
traditions spirituelles les mêmes qualités de transformation
intérieure. De ce fait, il est nécessairement conduit
à les respecter. Si , en revanche, nous navons retenu
de notre religion que le nom, sans la mettre en pratique et sans changer
au plus profond de nous-mêmes, cela signifie que nous navons
pas su réduire notre haine, nos attachements, nos obsessions.
Nous navons pu ou su utiliser la médecine de la religion
pour anéantir la haine qui nous habite et qui débouche
sur des guerres de religions. si on observe aussi la vie politique
et économique, on constate que toutes sortes de pratiques,
telle la corruption, ne sont pas en accord avec le bien-être
de la communauté. Il serait pourtant possible dy remédier
avec davantage de discipline et déthique.
Une parole tibétaine dit : Le témoin intérieur
compte plus que le témoin extérieur. Ce qui signifie
quil vaut mieux être en harmonie avec sa conscience quavec
le témoin extérieur qui nous regarde et nous juge. Cest
pour cela que nous devons nous imposer cette discipline qui consiste
à agir au sein de la communauté de telle façon
que nous nayons rien à nous reprocher vis-à-vis
de notre témoin intérieur.Cest à cette
condition que nous serons entièrement satisfaits de nous-mêmes.
Je madresse maintenant aux nombreuses personnes qui
nont foi dans aucune religion, ni de chemin spirituel dans le
sens religieux. Ils doivent comprendre que lamour et la compassion
ne sont pas lapanage de la religion. A partir du moment où
ils reconnaissent que comme eux, tout être humain souhaite éviter
la souffrance et atteindre le bonheur, ils doivent développer
des qualités humaines pour ne pas infliger des souffrances
inutiles.
Ceux qui obtiennent du pouvoir, de largent et de la
renommée en ayant une activité néfaste pour la
société nauront jamais de satisfaction intérieure
profonde. Cela leur manquera toujours.Quant à moi, je me suis
constamment efforcé de devenir meilleur et de prendre soin
dautrui. Je pense quau jour de ma mort, la conviction
davoir tout entrepris pour développer mon bon cur
me réconfortera, me rendra serein et me permettra de mourir
en paix. Dans la tradition bouddhiste, on se prépare aux vies
futures en tentant de trouver la sérénité dans
cette vie déjà.
Je suis particulièrement heureux davoir partagé
ce service dominical avec vous, davoir entendu ces paroles de
lEvangile, davoir exprimé quelques mots sur ce
que je pense être lessence de la spiritualité.
Ce fut une très belle occasion de vous rencontrer ici, frères
et surs. Mon dernier conseil sera celui-ci : pratiquez vraiment,
appliquez dans le concret votre propre chemin spirituel. Merci !