logo d'Évangile et Liberté

Ouverture et Actualité

Article
précédent
liste suivant

Théâtre

Sur cette page :

Précédents articles :

Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, Deux petites dames vers le nord de Pierre Notte, L’École des Femmes de Molière , La Mégère apprivoisée de Shakespeare, L’Hôtel du Libre-Échange de Georges Feydeau , L'affaire de la rue de Lourcine, Les Etourdis, La Méchante vie, Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès, Journalistes de Pierre Notte, Les Éphémères d’Ariane Mnouchki, Le Tartuffe ou l’Imposteur de Molière, Loretta Strong, Le Frigo, Les Poulets, Quartett de Heiner Müller, J'existe (foutez-moi la paix), Festivals de l'été 2006, Cyrano de Bergerac, Moi aussi je suis Catherine Deneuve, La Grande Parade , Le Roi Lear, Le menteur, Père, Le Baladin du monde occidental, Eva Perón, La Fin des terres, Richard III, Hervé Guibert, lu par Patrice Chéreau et Philippe Calvario, Eraritjaritjaka.

haut

Le Mariage Forcé de Molièrescène du théâtre du Mariage Forcé de Molière

Comment va le théâtre? Epatamment bien. La réponse est apportée par une petite rareté du répertoire mise en scène par Pierre Pradinas dans une lecture au fil du rasoir.

Durant l'hiver 1664, alors qu'il mijote son Tartuffe, Molière écrit dans la précipitation une comédie-ballet que lui demande le roi et pour laquelle il travaille avec l'autre artiste fêté de la cour, Lully. Les deux Jean-Baptiste concoctent un spectacle où Louis XIV lui-même danse et se travestit. Quatre ans plus tard, Molière reprend sa comédie-ballet et la transforme en une farce en un acte, impertinente et expéditive. L'inspiration - il y a chez Poquelin un précurseur de Picasso qui aimait à dire: quand je vois quelque chose à voler, je le vole - lui vient en droite ligne de Rabelais. Tel Panurge multipliant les entretiens pour savoir s'il doit ou non se marier, le vieux Sganarelle (c'est à dire qu'il a cinquante ans!) interroge ami, philosophe, magicien et égyptiennes diseuses de bonne aventure pour en conclure que sa future épouse est une coquette qui le fait déjà cocu avant la noce. Résolu à rester célibataire, la confrontation avec son ex-future belle-famille, plutôt du genre mafieuse, l'oblige à revoir son choix et c'est contraint et forcé que Sganarelle épouse celle qui fera son malheur.

Pochade menée tambour battant, petite soeur de la commedia dell'arte, insolent regard sur la conjugalité, Le Mariage Forcé est à la fois un presque rien enrubanné par une heure de rires et un vertige de philosophie désabusée, de désarroi amoureux, de fragilité des sentiments, de doute et de chagrin. Un théâtre léger bâti sur les profondeurs de l'âme, un Douanier Rousseau peint sur une Chambre de Raphaël. Pierre Pradinas imagine une boite noire, caisse à entourloupes, machinerie à double fond qui fait surgir chaque péripétie avec le trait précis d'une bande dessinée de la ligne claire chère à Hergé. Dans ce spectacle éminemment graphique d'une intelligence généreuse, une distribution exemplaire cisèle une dizaine de petits rôles comme des assassins affûtent une lame. Héros de cette odyssée de l'amour timide et bafoué, Sganarelle doit à Bruno Raffaelli, qui construit chaque étape de son personnage comme un chef d'oeuvre de Compagnon du Devoir, une humanité rare, sans artifice, celle d'un frère. On court, on court au théâtre!

Thierry Jopeck

  • Le Mariage Forcé de Molière, mise en scène de Pierre Pradinas, avec Bruno Raffaelli, jusqu'au 8 janvier 2009, au Studio-Théâtre, Carrousel du Louvre - 01 44 58 98 58.

haut

Le Voyage de Monsieur Perrichon d’Eugène Labichescène du théâtre Le Voyage de Monsieur Perrichon d’Eugène Labiche

Julie Brochen, nouvelle directrice du Théâtre National de Strasbourg, règle son compte à l’une des comédies les plus désopilantes du répertoire français. Voyage à risque qui tourne mal..

Le Voyage de Monsieur Perrichon est un peu le Hamlet du vaudeville, la pièce des pièces d’un auteur prolifique et inégal, un rebelle en redingote et bedaine. La charge contre l’esprit bourgeois (le flirt avec Molière est manifeste) aura rarement été plus caustique que dans cette chanson de geste d’un carrossier parisien sur la Mer de Glace. Ecrite avec le concours de son acolyte Edouard Martin, que la postérité a largement oublié, la pièce a des capacités de déclenchement d’hilarité du public qui depuis cent cinquante ans réconforte les tiroirs caisses des théâtres. Réflexion saisissante de cynisme sur le drame de devoir quelque chose à quelqu’un et l’ivresse superbe qu’un autre vous doive tout, Le Voyage de Monsieur Perrichon est une page du Journal des Goncourt ouverte par Voltaire et annotée par Alphonse Allais. On y rit à s’y faire peur.

Avec une témérité suicidaire, Julie Brochen écrase au mortier les qualités du génie comique de Labiche. Charcutée en tous sens, textes et personnages tronqués, la pièce méconnaissable, cernée par la laideur du décor, perd à la fois sa cohérence, ses ressorts et ses accents flaubertiens de Bouvard et Pécuchet. Elle y gagne, parfois de manière désarmante, une poésie curieusement mélancolique, une grâce  d’objet non identifié qui frémit sous une brise freudienne. Elle appelle certes d’autres sourires - car on ne rit pas, sauf à quelques perles du texte original que Julie Brochen veut bien nous laisser entendre - d’autres fascinations pour ce Perrichon, moins résolument égoïste, d’une humanité plus complexe. De ce traitement de cheval, notre bourgeois voyageur pourtant ne reviendra pas. Quelque chose de funèbre s’orchestre sous la férule de la metteur en scène trop occupée à martyriser une œuvre qui n’a pas la force d’en supporter autant. La pièce s’éteint comme une chandelle avec des beautés de cire fondue. On sort de l’affaire l’esprit aiguisé mais le moral à plat. D’autant que d’immenses acteurs semblent flotter sur le spectacle sans jamais parvenir à s’y poser. Il faut toute la beauté fébrile, la composition grinçante et subtile d’Alexandre Pavloff, l’un des deux prétendants de la fille de Perrichon, pour qu’enfin la pièce veuille bien de nouveau nous parler. Depuis l’écroulement général du texte voulu par Julie Brochen, il est le seul à réussir son saut de l’ange.

Thierry Jopeck

  • Le Voyage de Monsieur Perrichon, d’Eugène Labiche, avec Pierre Vial, Madeleine Marion, Alexandre Pavloff, Théâtre du Vieux-Colombier, 01 44 39 87 00, jusqu’au 11 janvier 2009.

haut

Fanny de Marcel Pagnolscène du théâtre de Fanny de Marcel Pagnol

Curieuse et peu convaincante résurrection de Fanny, second volet de la trilogie marseillaise de Pagnol, oubliée des planches depuis 70 ans.

On ne peut avoir cinquante ans, et plus, et ne pas se souvenir d’une télévision noir et blanc rediffusant jusqu’à l’usure Marius, Fanny et César, trilogie théâtrale et cinématographique composée pour l’essentiel durant les années 30, étendard de l’œuvre de Pagnol. Répliques aussi efficaces qu’imbéciles, accent à couper au couteau, acteurs gigantesques : Raimu, Fresnay, Charpin et la diaphane Orane Demazis. Les plus jeunes auront sans doute bien des difficultés à s’expliquer l’engouement de leurs aînés pour ce théâtre bavard, pétri de la morale la plus bourgeoise, tissé de blagues de garçon coiffeur.

Pour cette production présentée au Vieux-Colombier, un choix singulier a conduit le metteur en scène, Irène Bonneaud, à préférer exhumer Fanny, le deuxième volet, plutôt que Marius, qui ouvre le triptyque. Dommage. Car le cœur battant de ces oeuvrettes gît dans le couple Marius-Fanny qui illumine la première pièce, jeunes gens que les jeux de l’amour clouent au malheur sous un soleil vantard et sur fond de parties de cartes homériques, présidées par César, le bistroquet du Vieux-Port. Fanny, hélas, est une seconde partie qui arrive après la bataille, tout est déjà dit du grand mystère d’aimer quand on a vingt ans.

Reste une pavane de notables dérisoires, parents bougons/parents bourreaux qui gèrent, comme un épicier son stock, le sens de la vie. Certes, on s’amuse souvent et parfois l’on rit de leur bon sens, de la médiocrité de leurs passions, de leurs filouteries de pauvres types broyés par l’apéritif et leur sexe frustré. Or, c’est bien en ce registre que l’auteur de Topaze est le plus boulevardier et, définitivement, Pagnol n’est pas Henry Becque, encore moins Octave Mirbeau, ou même Edouard Bourdet. Ni la mise en scène maladroite ni les décors consternants n’aident les comédiens à se sortir d’un texte aux qualités littéraires savamment dissimulées. La distribution masculine fait plus ou moins naufrage malgré les efforts herculéens d’Andrzej Seweryn et le génie de Serge Bagdassarian qui assume trois rôles. Les femmes, Catherine Ferran et Sylvia Bergé, s’en tirent autrement mieux, moins contraintes peut-être pas les ombres féminines des versions cinématographiques. Mais s’il est une raison de se précipiter au Vieux-Colombier, c’est pour y admirer sans réserve Marie-Sophie Ferdane. La jeune comédienne donne une interprétation miraculeuse de Fanny, puisant dans un jeu ardent et subtil. Elle est l’amante délaissée de Marius mais encore Angèle, Manon des Sources, et la Fille du Puisatier, et la Madone de Regain, toutes les icônes féminines du chantre de la Provence. Elle seule parvient à mener Pagnol vers nous, incandescente figure d’un jeunesse tragique qui traverse le temps.

Thierry Jopeck

  • Fanny, de Marcel Pagnol, mise en scène de Irène Bonneaud, avec Marie-Sophie Ferdane, au Théâtre du Vieux-Colombier, 01 44 39 87 00, jusqu’au 31 octobre 2008.

haut

La petite dans la forêt profonde, de Philippe Minyana d'après Ovidescène du théâtre de La petite dans la forêt profonde, de Philippe Minyana d'après Ovide

Le plus rigoureux de nos auteurs contemporains, Philippe Minyana, adapte Ovide sous le regard devenu sage du plus tonitruant de nos jeunes metteurs en scène, Marcial Di Fonzo Bo.

Des Métamorphoses d'Ovide, Philippe Minyana est allé extraire dans le livre VI de ce classique de la littérature poétique latine, l'histoire de Térée, Procné et Philomène. Térée, fils du dieu Mars, époux de Procné, part à Athènes chercher la soeur de son épouse, Philomène. En route, il la viole et lui arrache la langue afin qu'elle ne révèle rien de son crime. Mais Philomène par un voile où elle a brodé le récit de son malheur révèle toute son infortune à Procné. Les deux femmes se vengent en servant à dîner à Térée le corps rôti de son enfant. Effarés par  cette famille criminelle, les dieux décident d'en transformer tous les membres en oiseaux inoffensifs.

Philippe Minyana, auteur savant dont la langue admirablement travaillée fait de lui un des auteurs contemporains français les plus joués et admirés, écrit là un texte limpide, accessible, classique enfin. Peut-être impressionné par ce couple de duettiste Ovide-Minyana, Martial di Fonzo Bo s'est tenu très loin de l'habituelle énergie iconoclaste de ses mises en scène. Dans une tonalité de gris raffinés, de gestes chorégraphiés, il porte sur le plateau une vision délectable de cette horrible histoire. L'élégance de sa direction d'acteur crée un étrange contraste, parfois difficile à déchiffrer, avec le crime en marche que peint Ovide.

Catherine Hiegel, doyen de la Comédie-Française depuis le décès brutal de Christine Fersen au printemps dernier,  domine de tout son art ce court spectacle. A ses cotés, un très jeune homme exceptionnel, Benjamin Jungers, endosse les rôles de Térée et de son fils, le bourreau et le martyr. Double interprète du crime et de l'innocence, il élève le spectacle vers le ciel.

Thierry Jopeck

  • La petite dans la forêt profonde de Philippe Minyana d'après Ovide,  mise en scène de Marcial Di Fonzo Bo, avec Catherine Hiegel et Benjamin Jungers, Studio-Théâtre au Caroussel du Louvre jusqu'au 26 octobre, 01 44 58 98 58, puis en tournée dans toute la France. .

haut

Yerma de Federico Garcia Lorcascène du théâtre de Yerma de Federico Garcia Lorca

Deuxième tragédie de Federico Garcia Lorca, Yerma, chant désespéré d'une femme stérile, sonne étrangement dans notre XXIe siècle. Le compositeur Vincente Pradal en signe une mise en scène intime et (trop) respectueuse.

Elle avait répété le rôle ces dernière semaines. Trop fatiguée pour poursuivre, elle avait transmis l'interprétation de Dolorès, la magicienne, à Catherine Sauval. Christine Fersen, doyen de la Comédie-Française, 43 ans de Maison de Molière, est morte le 28 mai, une semaine après la première de Yerma. Dolorès n'aura donc pas été son dernier rôle public et sa carrière s'achève par son interprétation subtile et bouleversante, salle Richelieu, jusqu'en janvier dernier, du personnage de La Fontaine lui-même dans Les Fables, mises en scène par Bob Wilson. Celle qui fut la première tragédienne de sa génération quitte brutalement la scène, laissant derrière elle la traîne étoilée de dizaines de rôles qui firent d'elle la "Reine Christine", ainsi qu'on l'avait surnommée. Une couronne trop grande pour quiconque aujourd'hui.

Très loin de cette force en marche qu'était Christine Fersen, Yerma raconte, sous une forme tragique et poétique, un sixième de la pièce est versifié, le destin d'une femme espagnole, immolée sur l'autel du machisme. Ecrite en 1934, deux ans avant l'assassinat de Garcia Lorca par les franquistes, la pièce s'inscrit dans le triptyque consacré à l'Espagne profonde, entre Noces de sang et La Maison de Bernarda Alba. La jeune Yerma, mariée à un homme qu'elle n'a pas choisi, reste sans descendance quand toutes les femmes du village enfantent, conquérant ainsi un statut ; à défaut de celui de femme, celui de mère : fêtée, respectée, sanctifiée. Yerma connaît le désespoir, le mépris, l'outrage, la négation de soi. Suppliante puis révoltée, Yerma, parvenue au bout de son malheur, conçoit un désespoir froid mais libérateur qu'elle oppose au sexisme de son entourage. Stérile, de son corps sans avenir, elle fait la caisse de résonance des femmes espagnoles, condamnées à la servilité dans le mariage, au sacrifice dans la maternité.

Vicente Pradal, musicien et compositeur, arrière-petit-fils de l'instituteur de Federico Garcia Lorca, est le fils d'émigrés espagnols qui ont fui la répression fasciste après la guerre civile. Il nourrit avec le poète andalou une relation étroite, intime et bouleversée qui a amplement fécondée son oeuvre musicale. Pour sa première mise en scène de théâtre, il existait une évidence naturelle pour lui à choisir de monter Lorca. C'est cette proximité trop attachée à des liens personnels qui joue sans doute contre le spectacle. En partie chantée dans une tradition musicale très marquée, quoique exempte d'espagnolades, l'interprétation des comédiens ne parvient pas à s'extraire d'une poésie touchante mais datée, d'une vision de l'Espagne et de ses femmes désormais vieille de soixante-dix ans, d’une sensibilité avec laquelle Pradal communie mais que tout éloigne de nous. La recherche poétique formelle de Lorca sape la fable sociale dont les termes pourtant ne nous sont pas devenus étrangers. On la reçoit comme un bouquet de fleurs séchées, forme et souvenir pathétiques d'une beauté révolue.

Thierry Jopeck

  • Yerma, de Federico Garcia Lorca, mise en scène de Vicente Pradal, avec Coralie Zahonero, Madeleine Marion, Laurent Natrella. Théâtre du Vieux-Colombier, rue du Vieux-Colombier 75006 Paris, jusqu'au 28 juin puis en tournée dans toute la France à partir de septembre 2008.

haut

L'Orestie d’Eschyle scène du théâtre L'Orestie d’Eschyle

Unique trilogie antique parvenue jusqu'à nous, L'Orestie retrace la ronde sanglante des Atrides dans un monde grec à la recherche de la rémission des fautes. Passage en revue par Olivier Py.

C'est donc avec Eschyle et un spectacle courant sur six heures que Olivier Py a choisi de signer sa première création pour le Théâtre national de l'Odéon qu'il dirige depuis cette saison. Auteur et metteur en scène, il a pris le parti de retraduire le texte grec pour parvenir à un curieux digest de Claudel (son maître et modèle) et de Anouilh (sans doute plus involontaire). Mâtiné de quelques minutes étonnantes sur un océan de poncifs, le résultat a l'avantage d'une grande clarté de récit, d'une typologie sans état d'âme des personnages. Davantage posée dans une série américaine que dans l'Olympe, l'intention pédagogique est honorable même si les frissons d'épouvante surgissent davantage du traitement au karcher subi par la tragédie que par les vicissitudes d'Oreste et de sa parenté.

Tout commence avec le retour d'Agamemnon, enfin libéré de la guerre de Troie, dans sa ville d'Argos. Clytemnestre, son épouse infidèle, ne lui a pas pardonné le sacrifice de leur fille Iphigénie. Elle assassine son glorieux époux avec la complicité d'Egiste, son amant et cousin d'Agamemnon. Tous deux prennent le pouvoir tandis qu'Electre, fille du défunt, pleure le roi, en espérant le retour de son frère Oreste. Celui-ci surgit en vengeur, massacre sa mère adultère ainsi qu'Egiste. Damné, Oreste en appelle à Apollon qui convainc Athéna de pardonner à Oreste ses crimes et ceux de sa lignée. En prime, les Erinyes, déesses en fureur contre le jeune homme, acceptent de quitter la vengeance pour la bienveillance en prenant désormais le nom d'Euménides.

De cette saga où la justice, partie de la loi du talion, parvient au pardon ; où du sang répandu en flots, naît la compassion et la mansuétude des dieux pour l'humanité, bourreau et victime ; où l'homme enfin conçoit que sa liberté peut être celle de la responsabilité de ses actes, Olivier Py conduit le récit avec une réelle maîtrise. Comme d'habitude plus à l'aise dans la verticalité que dans l'occupation horizontale du plateau, sa scénographie développe un échafaudage labyrinthique de tôles où hommes et dieux ne cessent de monter et descendre, se provocant et s'apprivoisant dans d'innombrables niveaux conçus comme autant d'escales entre le ciel, la terre et les enfers. A ce vertige qui trouve parfois dans son désordre de tôles ondulées un véritable envol vers les cimes, il donne des interprètes étonnants. En tête, Nada Strancar, immense actrice qui subjugue la scène française depuis trente ans, incantatoire comme un oracle, rugissante comme un fauve, Philippe Girard dans le double rôle d'Agamemnon et d'Apollon, le très décalé Michel Fau, clown alambiqué, et Frédéric Giroutru, incarnation androgyne de la déesse Athéna. Le choeur antique devient un ensemble vocal qu'accompagne magnifiquement un quatuor à cordes avec percussions.

Au fil de ce spectacle très bling-bling, on ne retrouvera rien de la tragédie présentée par les manuels scolaires, rien de la philosophie des anciens grecs arpentant le savoir, conquérant la démocratie. Dévoyées, les trois pièces qui datent de 458 avant Jésus-Christ, gagnent pourtant sous le régime d'Olivier Py un relief troublant. Vulgaire et efficace, grotesque et envoûtant, enflammé par la passion, dévoré par un bonheur de jouer, animé d'une force poétique exaspérante mais véritable.

Thierry Jopeck

  • L'Orestie, d'Eschyle, mise en scène d'Olivier Py, Théâtre national de l'Odéon jusqu'au 21 juin, www.theatre-odeon.fr.
 

 

Articles sur un film

 


Accueil

Pour s'abonner

Rédaction

Soumettre un article

Pour soutenir E&L

Courrier des lecteurs

Vos questions

Événements

Liens sur le www

Liste des numéros

Index des auteurs

Archives d'É&l

dernier N° complet


Vous pouvez nous écrire vos remarques, vos encouragements, vos questions