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Le libéralisme théologique est-il incompatible avec l’Afrique ?

 

Une fréquentation longue de ce continent m’autorise plusieurs hypothèses à propos de l’absence de libéraux en Afrique. J’évoquerai la force de la tradition, la valeur du mystère, la forme de l’éducation, la soumission acquise à toutes autorités mais sans doute aussi la gestation assurée d’une théologie africaine métisse.

La tradition en Afrique est valorisée car elle assure la vie jusqu’à aujourd’hui. C’est un héritage précieux scrupuleusement respecté qui garantit la continuité du village et de l’ethnie. La tradition donne donc une identité mais rend la critique plus difficile. Dans l’héritage du passé, il faut inclure la force du mystère. L’animisme, qui irrigue les cultures africaines, accepte le magique. La compréhension africaine valorise un continuum de la vie à la mort, un continuum de vie des végétaux, des animaux et des humains. Ainsi, les morts ne sont pas complètement disparus et gardent une relation avec les vivants.

La causalité n’explique pas complètement le sens. il y a une part de ce que l’occident nomme l’impondérable, le hasard. Nicéphore Sogho, président du Bénin juste élu en 1991, a été renvoyé de l’hôpital du Val de Grâce mourant, affecté par une maladie de sang inconnue. Aujourd’hui il est maire de Cotonou… il a institué une journée du culte vaudou nationale et chômée. Alors que Jésus marche sur l’eau ou guérisse l’aveugle avec de la boue n’étonne en rien. Le miracle n’est pas un problème.

D’autre part, les systèmes éducatifs, souvent hérités des modèles coloniaux européens d’avant 1950, sont basés sur la mémorisation, la répétition et la reproduction. or, la démarche de la théologie libérale refuse le prêt à penser, se libère de la répétition pour ouvrir une réflexion par questionnement interactif. quant au principe d’autorité, il contribue aussi à la non émergence d’une théologie libérale. Les statuts et les rôles résultent de la naissance et des fonctions. Le pouvoir, et donc par exemple le savoir du prêtre ou du pasteur, est reconnu dans un jeu hiérarchique non contestable.

Les africains se vivent largement comme héritiers de la tradition, mais aussi avec l’éducation et l’ouverture à la mondialisation. Cela engendre des remises en question, de leur part comme de la nôtre, dans ce dialogue qui ne cesse de se développer. Cela stimule l’imagination par les différences. il faudrait en fait nous interroger non pas en disant « pourquoi pas de théologie libérale en Afrique ? », mais plutôt « pourquoi voulons-nous transmettre notre théologie libérale ? ». il faut espérer une théologie libérée qui s’invente, qui se pense dans un héritage et dans une théologie métisse imaginative, qui soit rationnelle et poétique et conserve le mystère comme limite du raisonnement d’aujourd’hui.

Note de la rédaction : Éléazar Twagirayezu était un pasteur et un théologien rwandais qui a exercé son ministère ensuite au Service Protestant d’Éducation Permanente, en Belgique. il est mort précocement, en 2010, après avoir commencé à produire de nombreuses réflexions dans le sens du dialogue théologique entre Africains et européens. C’était un ami. Ce texte qu’il nous avait laissé est une forme d’hommage à son travail et à sa personne.

 

À lire l’article de Éléazar Twagirayezu  » Y a-t-il des théologiens libéraux en Afrique ? « 

 

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À propos Michèle Pourteau

a été enseignante en IUFM pour la formation des professeurs des écoles. À la retraite, elle poursuit des activités de formation, que ce soit au Bénin à Songhaï, centre de formation agricole pour l’élaboration des projets d’entreprise des agriculteurs, ou dans le cadre d’une université de théologie en ligne (domuni.org).

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