Croisière et misère

Voilà que la TV nous annonce – c’est une bonne nouvelle pour notre économie –  que des paquebots de croisière viennent d’être commandés aux chantiers de Saint-Nazaire pour un prix astronomique. Ils comporteront des restaurants, des piscines, des salles de jeux, des cinémas, des théâtres et formeront un monde artificiel où un luxe fantastique fera oublier l’océan. On est loin de la marine et des traversées de naguère.

La TV parle aussi de ces embarcations de fortune où s’entassent de malheureux migrants qui fuient la guerre ou la misère économique. Ils ne viennent pas sur la mer dilapider leur superflu, mais ils y dépensent le peu qu’ils ont pour atteindre une terre d’asile. Leurs bateaux ne leur offrent ni amusement ni confort ni même un minimum de sécurité ; l’espoir, souvent illusoire, d’une vie meilleure leur fait surmonter la peur du naufrage.

Jamais, me semble-t-il, dans notre humanité le contraste n’a été aussi évident entre ceux qui naviguent dans la surabondance et ceux qui flottent tant bien que mal (et plutôt mal que bien) dans la pénurie. Il y avait autrefois de grandes disparités, mais on les voyait moins et elles apparaissaient, sans doute à tort, moins scandaleuses. S’en indigner est vain quand on n’a rien à proposer. Il n’empêche que lorsque les uns sont dans l’excès alors que les autres ne parviennent pas à avoir le strict nécessaire, le monde va mal ; la mer, à la fois douce et cruelle, charmante et horrible, comme la vie, nous le rappelle.

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