Nicolas Pavillon, évêque d’Alet (1597-1677)

Nicolas Pavillon

Peu d’évêques du XVIIe siècle ont eu l’envergure spirituelle et pastorale de Pavillon qui, par fidélité à ses convictions, sut s’opposer au pape et au roi, notamment dans l’affaire janséniste.

 Le père des pauvres.

Pavillon est né à Paris en 1597. Après des études en Sorbonne, il devint prêtre. Admis chez les lazaristes, il se consacra au service des pauvres. Vincent de Paul le recommanda à Richelieu qui le fit nommer évêque d’Alet en 1637. Alet était un village de la Haute-vallée de l’Aude, siège d’un évêché parmi les plus misérables du royaume. Pavillon prit très au sérieux sa fonction et décida d’y résider en permanence, chose rare en son temps, afin de se consacrer entièrement à sa tâche pastorale durant les quarante années de son épiscopat, en privilégiant les plus humbles. Il ne se contentait pas de parler mais payait d’exemple, menant une vie d’une grande austérité.

 Alet, la Genève du jansénisme.

Admiratif des solitaires de Port-Royal, dont il connaissait les plus éminents, il prit fait et cause pour les jansénistes, contre le roi et l’Église. Suivant leur exemple, il entreprit de réformer son diocèse où la vie religieuse était dans une grande indigence. Il fonda un séminaire pour disposer de prêtres exemplaires et instruits. Les étudiants devaient tous, avant leur ordination, diriger une école pour l’instruction des garçons dans les villages, tandis que des « régentes » (des filles de bonne famille) éduquaient les filles. Il accordait une grande importance à la prédication. Réunissant son clergé dans des conférences mensuelles, il leur donnait un schéma précis des sermons à prononcer le dimanche. S’attaquant à la réforme des mœurs qu’il jugeait dépravées, il interdit les bals, les fêtes ainsi que toute forme de violence. Il institua même la pénitence publique pour les fautes les plus graves. Il s’attira la haine de la noblesse qui finit par le dénoncer à l’archevêque et au roi. Il n’en eut cure, soutenu par le peuple qu’il défendait contre les injustices des hobereaux. Il finit par réussir dans son entreprise. Nombreux étaient ceux qui, comme le janséniste Lancelot, venaient de loin pour voir Alet, ville couvent, où les portes étaient fermées le dimanche et dont les habitants édifiaient les visiteurs par leur modestie et leur piété, si bien qu’on les aurait pris pour des moines. Après avoir été place de sûreté des protestants, à la suite de la paix de Nérac, Alet était devenue une Genève janséniste.

 Le résistant.

Pavillon fut l’un des très rares évêques qui refusa le Formulaire de foi condamnant les thèses jansénistes, imposé par l’Église et le roi. Convoqué à Versailles par Louis XIV, il refusa de s’y rendre, soutenu par ses diocésains et d’innombrables admirateurs. Il s’opposa encore au roi dans l’affaire de la Régale et en appela à Rome. Mais, en même temps, il publia le Rituel d’Alet, loué par le célèbre théologien janséniste Arnauld, qui fut interdit par le pape Clément IX. En vain : ce Rituel, en français, destiné à faire comprendre au peuple les rites de la liturgie, fut adopté par de nombreux diocèses. La résistance de Pavillon avait pour fondement son refus de l’autoritarisme : celui du roi dont il condamnait l’absolutisme, et celui du pape dont il estimait que l’autorité n’était pas supérieure à celle des conciles. L’évêque d’Alet n’a pas exprimé d’idée personnelle sur la question de la grâce et du libre arbitre. Par contre, il accordait une importance majeure à la connaissance de l’Écriture et des Pères de l’Église, ainsi qu’à la spiritualité.

Nicolas Pavillon, un évêque exceptionnel qui ne devrait pas laisser les protestants insensibles.

Pour faire un don, suivez ce lien