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Le grand écart

Les miracles, les « signes » opérés par Jésus sont difficiles à concilier avec nos connaissances scientifiques. Mais est-ce une raison suffisante pour les ignorer ?

  Je lis une fois de plus le chapitre 9 de l’évangile de Jean : une foule entoure Jésus, un aveugle est là, il attend. Jésus prend de la terre, crache dessus. Il applique la boue sur les yeux de l’infirme. Celui-ci obéit sans discuter à l’ordre de Jésus et va se rincer à la piscine de Siloë ; il voit. On connaît la suite et le refus des pharisiens à reconnaître enfin un signe de la messianité du Galiléen. Les pharisiens qui entourent Jésus sont aveugles à la lumière de la Parole du Christ. Pourtant n’a-t-il pas déclaré : « Je suis la lumière du monde » (Jn 8,12) ? Ici encore, Jésus agit en conformité avec les croyances de son temps qui perdurent plus ou moins ici et là dans le monde. De fait, la salive est une excrétion à l’action ambivalente : on crache pour sceller un accord, pour maudire, pour exprimer une condamnation (Jb 17,6). La salive de maman a des vertus pour calmer les bobos des tout-petits. En Orient et ailleurs, la salive est dotée d’un pouvoir séminal ! Jésus guérit et donne la vie, la vraie vie (Jn 11,25 et 43). Les miracles, les « signes », que Jésus opère ont fait l’objet d’innombrables études : marche sur les eaux, ubiquité, guérisons diverses et immédiates. Ils heurtent le sens commun ; aujourd’hui plus que jamais étant donné les avancées spectaculaires de la recherche scientifique et ses applications pour le meilleur et pour le pire.

  Ayant refermé ma Bible, je pense à ces petits enfants, à ces adultes atteints de cancers redoutables de l’oeil dont l’issue, il y a quelques années, était la cécité, l’énucléation. Aujourd’hui la protonthérapie, qui utilise un faisceau de protons obtenus à partir d’atomes d’hydrogène, permet de traiter avec succès ces tumeurs sans endommager les cellules saines qui les entourent et sans léser le cerveau tout proche. Par ailleurs, la nouvelle physique, la physique quantique, remet en question notre conception du Réel, de l’irréversibilité du temps, de l’espace ; l’existence d’univers parallèles est possible et ne relève plus du rêve.

  Que dire des avancées dans le champ de la biologie cellulaire, de la génétique, de la virologie ! Ayant consacré les quarante ans de ma vie professionnelle à ces problèmes, je mesure le chemin parcouru. Je me souviens des années qui ont suivi la fin de la guerre (1945-1950). Les centres de recherche reprenaient vie. Les échanges, les rencontres, les publications scientifiques se normalisaient. Aujourd’hui la biologie moléculaire a ouvert des perspectives tout à fait inédites, entre autres : la régulation de l’expressivité des gènes. Une discipline nouvelle se développe : l’épigénétique. Celle-ci s’intéresse au génome isolé, mais aussi à l’influence de son environnement immédiat ; comment se fait-il que deux cellules se sont différenciées de façon différente alors qu’elles ont le même ADN ? Comment se fait-il qu’une cellule se transforme en cellule cancéreuse ? L’épigénétique concerne également le règne végétal.

  Les théories scientifiques sont supposées falsifiables. La science ne prouve ni n’infirme l’existence de Dieu. Au contraire, la théologie et tout particulièrement la dogmatique restent inébranlablement soudées à des croyances élaborées au cours des siècles passés. Beaucoup d’entre elles ne sont plus « en phase » avec la pensée contemporaine. On prétend par exemple expliquer « la nature de Dieu » tout en déclarant qu’il s’agit « d’un mystère ineffable », donc indicible. J’ai toujours pensé qu’il y avait plus que de l’impudence dans cette attitude qui ne tient pas compte de l’événement fondateur, riche de conséquences, d’Exode 3,3-6. C’est ainsi que telle ou telle Église prétend détenir le seul langage normatif qui engage le salut ; oblige à un grand écart entre la connaissance scientifique et la foi. Deux causes majeures sont à la base de la laïcisation de la société : le grand écart ci-dessus et l’insistance de certaines dogmatiques sur la Transcendance de Dieu, le Tout Autre. De ce fait, Dieu a été rejeté si loin qu’il n’est plus qu’un personnage de fable. L’existence de Dieu s’inscrit dans ce problème fondamental que doit résoudre l’homme : le sens ultime de la vie, de l’existence et de la mor t.

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À propos Camille Jean Izard

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