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Baden Powell et la religion

Baden Powell (1857-1941) a fondé le scoutisme après une carrière militaire. Le mouvement qu’il a créé est toujours bien vivant et beaucoup de chrétiens engagés y ont été formés. « Servir Dieu » était fondamental dans sa pédagogie mais en relativisant l’importance de l’Église.

Baden Powell est le fondateur bien connu du scoutisme, il avait donc bien sûr une vision pédagogique pour l’éducation de la jeunesse, mais son projet était sous-tendu par une théologie qui mérite de l’attention.

La méfiance même qu’a eue l’Église catholique visà- vis du scoutisme mettant plus de dix ans avant de s’en emparer, le prouve. Il faut dire que Baden Powell était protestant, fils de pasteur et qu’il avait une anthropologie, et une conception de la religion très profondément inspirées des idées de la Réforme.

Parmi celles-là, on trouve d’abord une formidable ouverture, il n’a pas voulu faire du scoutisme un mouvement confessionnel au service d’une Église particulière sans doute parce qu’il avait une ecclésiologie faible, relativisant l’importance de toute Église, bien dans la sensibilité protestante : l’important, ce n’est pas l’Église, mais l’Évangile, ou plus encore la façon de vivre une bonne nouvelle les uns avec les autres. De même il ne voulait pas d’aumônier, au nom du sacerdoce universel, un chef peut très bien témoigner et partager l’Évangile avec les jeunes, la présence d’un prêtre ou d’un pasteur n’étant absolument pas essentielle pour s’approcher de Dieu. Mais cela n’allait pas avec une dévalorisation du spirituel, au contraire. « Servir Dieu » est l’un des trois points de la promesse et tout à fait central dans toute sa pédagogie, mais il pensait que « servir Dieu » ne voulait pas dire se soumettre à des actes liturgiques ou des pratiques d’Église, mais vivre concrètement l’Évangile dans une volonté de servir Dieu par la fraternité et l’entraide, et de se laisser mouvoir par un profond sentiment de reconnaissance.

Baden Powell avait une sensibilité très tournée vers la Nature, il dit à plusieurs reprises que pour lui l’admiration de la grandeur de la Nature, d’un beau paysage, d’un coucher de Soleil pouvait susciter une authentique émotion religieuse. C’est une sensibilité particulière, voulant discerner dans la nature l’oeuvre du créateur, mais on peut y voir aussi une façon de chercher un contact direct avec le créateur, sans qu’il y ait nécessité d’une quelconque médiation par l’Église ou par des rites.

Il avait par ailleurs un authentique optimisme qui s’exprimait dans ses propos religieux : pour lui l’essentiel de la foi, c’était l’action de grâces, la reconnaissance, remercier pour tout ce qui est beau, bon, harmonieux, toutes les grâces. Remercier, c’est aussi voir les grâces comme des grâces, et non pas des récompenses, en cela aussi il était très protestant. La grâce est première, et notre vie doit être juste une reconnaissance joyeuse pour tout ce qui nous a été offert. Et puis cet optimisme était une base de sa pédagogie. Il ne voulait pas croire que quelque enfant que ce soit puisse être totalement mauvais. Il a élaboré une pédagogie positive invitant à construire sur le bien qui se trouve en chacun en ayant confiance que le mal tombera de lui-même. Jamais son discours aux enfants n’est culpabilisateur ni répressif, il veut construire vers un idéal, vers la vie, le don de soi et la fraternité.

En France, à l’époque du barthisme, il y a eu des discussions parce que la méthode scoute passe par une loi, et celle-ci était en dix points ; certains trouvaient que c’était revenir à une sorte de théologie des oeuvres. Mais c’était se méprendre sur le sens de la chose. La loi de Baden Powell était simplement une formalisation pédagogique pour concrétiser dans l’esprit des enfants l’idéal évangélique. Mais la loi scoute a toujours été utilisée comme exhortation, non pas comme un critère de qualité ou de salut, ni pour culpabiliser.

Quoi qu’il en soit, il suffit de voir le nombre de chrétiens engagés, et même de pasteurs, dans l’Église aujourd’hui qui le sont grâce au scoutisme, pour comprendre que l’action scoute a donné au plus grand nombre une vision enthousiasmante de l’Évangile, et la joie qu’il y a de faire de sa vie un service pour Dieu et pour les autres.

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À propos Louis Pernot

est pasteur de l’Église Protestante Unie de France à Paris (Étoile), et chargé de cours à l’Institut Protestant de Théologie de Paris.

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